De Harry Rosenmerck au rabbin Moshe Cattan

 

 

Nazareth, le 12 avril 2009

 

 

Monsieur le rabbin,

 

Je ne peux pas venir dans votre yeshiva. Ce n’est pas un grief personnel, croyez-moi, mais j’ai mis tant de temps à m’offrir une télé couleur que j’ai du mal à voir la vie en noir et blanc.

On m’a traité de sale juif à l’école. J’avais cinq ans. Je ne pense pas que ma mère l’ait mentionné avant. J’étais un petit garçon, le sien, mais juif, je ne savais pas ce que c’était. Je ne suis pas circoncis, pour passer inaperçu à poil. On m’a enseigné l’allemand, pour me débrouiller dans la langue de l’ennemi et accessoirement pour lire les philosophes dans le texte. Juif ? Je le suis certainement. Obligé de me soumettre à vos peurs ancestrales et me mêler à vos femmes à perruque et vos soutanes noires et vos barbes qui suent sous les trente degrés de ces premières journées de printemps, non merci.

Je vous remercie néanmoins de me conseiller de me laver. L’élevage de porcs ne fait pas de moi un de leurs semblables, votre manque de délicatesse peut-être.

Si vous voulez parler « cochons » ou me mettre des téfilines, il faudra venir à moi. Ou peut-être pourrions-nous prendre un café dans le centre-ville ?

Quand on fait de la religion sa vie, que sait-on de la vie ? Vous arrive-t-il de parler de sentiments, de colère, de rage, d’amour et d’y abstraire Dieu ?

Je ne crois pas. Quel ennui !

 

Avec tout mon respect, bien sûr,

 

Harry Rosenmerck