De David Rosenmerck à Harry Rosenmerck

 

 

Rome, le 1er avril 2009

 

 

Papa,

 

Je continue à t’écrire malgré ton silence. Pour ne pas briser le lien. Pour ne pas me retrouver un jour en face d’un étranger qui sera mon père. Pour ne pas t’oublier.

Tu m’en veux encore ? Pour ce simple énoncé. Cette simple phrase qui change le cours de mon existence et non celui de la tienne. Oui, j’aime les hommes. Je devrais dire « un » homme d’ailleurs. Je vis une histoire d’amour, papa. Ne veux-tu pas rencontrer celui qui rend ton fils heureux ? Ne veux-tu pas me parler, entendre mon rire ?

C’est étrange, moins je te vois et plus je te ressemble. Je te cherche dans mes miroirs. J’ai tes cheveux. La chaleur de tes mains sur les miennes, même en plein hiver. Je me surprends à porter les cols roulés que je détestais enfant et que tu ne quittais jamais quand nous vivions à Londres. J’ai sur la joue cette même empreinte de peau vierge depuis que j’ai laissé ma barbe pousser.

En voici une photo.

J’espère que tu es heureux dans cette drôle d’aventure. Toi qui m’as toujours refusé un animal domestique ! Même un poisson rouge, tu n’en voulais pas. Et maintenant te voici éleveur. Est-ce que tu as des employés ? Combien de cochons as-tu ? Ne me dis pas que tu t’en occupes ? Tu as des bottes et une salopette ? Maman me dit que tu n’as pas le téléphone. Je ne la crois pas. Je n’aurais pas osé appeler de toute façon. Le silence sur papier fait moins mal. Nous sommes tous séparés. Maman, Annabelle, toi et moi. Je suis une pièce de puzzle sur le mauvais continent. À moins que ce ne soit toi ?

 

David