De David Rosenmerck à Annabelle Rosenmerck

 

 

Paris, le 25 avril 2009

 

 

Annabelle,

 

Le 11 septembre, la première tour s’est effondrée dans ma voiture. J’écoutais la radio, j’avais rendez-vous chez un producteur de cinéma qui voulait que j’adapte Qui je suis ? afin d’en faire un film. On pensait encore que c’était un accident quand je suis entré dans son bureau. Moi je t’ai tout de suite appelée, il y avait cette chanson stupide de comédie musicale sur ton répondeur.

« T’as vu ? » et j’attendais que tu me répondes. J’ai dit « Annabelle », ton prénom a fait du bruit dans ta chambre vide de toi. J’ai continué mon rendez-vous un peu comme un robot. La télé était allumée derrière lui et j’ai vu le deuxième avion entrer dans la tour. J’essayais d’expliquer à ce gros producteur chauve qu’il se passait des choses dans son dos qui méritaient que nous arrêtions toute discussion mais il a dit : « On verra après. »

Il voulait parler de lui. Il avait une clope sur laquelle il tirait entre ses bribes de monologue sans intérêt. Alors je suis parti. Sans expliquer. Sans répondre. Le type m’a insulté quand j’ai atteint le bout du couloir. J’ai conduit jusqu’à chez maman. Papa était déjà là. Comme si, ensemble, ils pourraient être plus forts pour te protéger.

Jusqu’à onze heures du soir nous avons été tous les trois. Nous avons attendu un signe de toi. Maman cherchait à savoir où pourrait avoir lieu cette fameuse conférence. C’est elle qui t’avait offert ton billet pour New York. À l’université, ta roommate était formelle : tu étais partie pour New York la veille.

Et moi, j’ai pensé que, si tu mourais, papa me pardonnerait sûrement et qu’il y aurait quelque chose de plus simple dans ma vie.

Pourtant, Annabelle, tu sais comme je t’aime. Mais cette pensée ne quittait pas une partie de moi que je hais.

Tu vois, nous avons tous notre part d’ombre. Nous en faisons échange par ces lettres et nous nous en débarrasserons.

 

David