Du rabbin Moshe Cattan à Harry Rosenmerck
Nazareth, le 6 juillet 2009
Harry,
C’est le mois des mariages. Je n’en peux plus. Toutes ces larmes de joie et ces tas de pièces montées. Je grossis à vue d’œil.
Tu vois, cher Harry, toi aussi tu te victimises.
Nous avons tellement décrété que les Palestiniens ne voulaient pas la paix que nous nous en sommes convaincus.
Il n’y a qu’à voir l’indifférence qui a accueilli la proposition de paix de la Ligue arabe en 2002. C’est comme un trop-plein d’histoires de famille. Tous les jeunes juifs immigrés d’Algérie qui ont eu l’impression d’avoir une revanche à prendre sur les Arabes qui les ont virés de chez eux, les Russes qui arrivent en Terre promise avec le racisme de leurs pères, effrayés…
Bref, nous sommes dans la merde. Qu’est-ce qu’on essaie de nous dire ? Comment agir ?
J’aurais tendance à opter pour une résistance passive, l’éducation, le partage. Quand ma grand-mère me parlait de sa Tunisie natale, elle se souvenait des portes ouvertes, des dîners chez les uns et les autres. Les Arabes étaient ses cousins.
Je t’embrasse,
Moshe
P.-S. : Ci-joint une photo de mon fils Simon dans sa tenue de soldat. On dirait un enfant déguisé avec une panoplie. Je ne cesse de le prendre en photo. Sûrement parce que j’ai peur de le perdre. Pas seulement peur qu’il ne meure, peur que son visage ne change à jamais.