De : david.rosenmerck@orange.fr
À : annabelle.rosenmerck@mac.com
Date : 12 avril 2009
Objet : De l’aéroport de Rome vers Parigi
Ma sœurette,
Tu ne l’as pas fait divorcer ton prof de lettres aux yeux bleus ? Qui avait raison ? T’as chialé combien cette fois ? Un verre ou une baignoire ? T’as mis des pansements sur ton cœur d’artichaut ? Il y a la première de ma pièce à Paris la semaine prochaine. Tu y seras. Ce n’est pas une question. C’est une pièce sur papa, tu sais. Oui, d’accord, j’aurai tout essayé. La provoc maintenant. Mais je pense que c’est ce que j’ai écrit de mieux. On va la jouer aux Mathurins, la petite salle de quatre-vingts fauteuils. Là où tout a commencé pour moi. Tu te souviens quand on avait acheté tous les tickets du premier soir parce qu’on avait peur que l’actrice joue devant une salle vide ? Résultat on l’avait remplie avec mémé et tous ses amis du bridge (ou du bingo… je ne sais plus, un sport de jeunes quoi) ! C’est la bagarre pour avoir un siège cette fois. C’est bien de faire des events pour happy few. Tu vois ? Je m’exprime comme un vrai PD maintenant. C’est juste pour mes e-mails à ma sœur, je te rassure. Je t’aurais bien chanté Barbra Streisand au téléphone mais dois-je te signaler que tu ne réponds pas ?
La semaine dernière j’étais dans le train (je vis dans des avions ou des trains, dans lesquels j’écris de nouvelles pièces qui me feront prendre d’autres avions et d’autres trains). Il y avait deux gosses hilares qui partageaient un croque-monsieur. Le petit essayait d’engloutir la portion du grand qui guettait avec sa fourchette prétendant qu’il n’hésiterait pas à lui transpercer la peau. Tu ne peux pas savoir comme ils gloussaient.
Sur le siège derrière, il y avait un petit garçon avec sa maman qui dévorait un croque-monsieur pour lui tout seul. En silence. Sa mère lisait.
Je me suis dit que j’avais eu de la chance de t’avoir, de te tirer les couettes et plus tard de te piquer tes robes.
Il se passe des choses dans ma vie. J’ai l’impression que tu as raté vingt épisodes de la saison cinq. Et je pensais que j’étais ta série préférée…
J’ai besoin de toi Annabelle.
Je t’embrasse fort,
David