De : david.rosenmerck@orange.fr

À : moniqueduchene@orange.fr

Date : 1er mai

Objet : Your son is rich !

 

 

Maman,

 

Je sais que tu veux bien faire en me faisant ces petits virements à chaque fête juive. Un virement pour Pessah ? C’était le mois dernier d’abord !

Va voir un psy ! Tu n’as pas besoin de payer pour m’expliquer que tu es juive. Si la famille de papa t’a toujours considérée comme une convertie, moi je t’ai toujours considérée comme ma mère.

La religion n’a que peu d’importance pour moi. Certes, c’est un berceau de création et ça prend de la place dans mes écrits. La religion juive stigmatise tout ce que l’humanité a de pire et de meilleur. Et je ne me sens pas juif, je suis juif, tu vois. C’est très différent.

Je suis pâle, j’ai des lunettes, je suis homosexuel, je suis petit et je suis juif. Je le subis. Alors, j’en fais quelque chose. Les claques qu’on m’a données à l’école plus souvent parce que j’étais juif que petit et bigleux, je les transforme en mots. Pour tenter de comprendre. Le judaïsme se veut un club très fermé. Une religion non prosélyte. Ça c’est du concept. « On ne va pas dépenser des sommes folles à évangéliser, envoyer des bateaux et tuer les indigènes récalcitrants, non, on devrait être élitistes ! »

Carte de membre : no prépuce. Il faut avoir une mère juive. D’atroces goûts culinaires. Etc.

Et on s’étonne qu’en dehors on s’interroge sur ce que font les membres de ce club très privé, réputé pour avoir de l’humour et de l’argent (beaucoup marketing, quatre-vingt-dix pour cent sont privés des deux) et ne comprennent pas pourquoi il faudrait en plus ne pas les détester.

Pour résumer, maman, pas la peine de payer ta cotisation pour Pessah. Je ne suis pas le trésorier. Et je gagne des sommes indécentes sous prétexte que j’aligne des mots dans un ordre amusant. Donne double à Annabelle ou achète-toi des robes, ou fais-toi refaire les seins.

 

Je t’embrasse,

 

David

 

P.-S. : Je ne peux pas dîner avec toi mardi, je vais chez un éditeur chauve dont la femme très perspicace est éprise de moi.