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Les deux jours qui suivirent furent les plus horrible de la vie de Jonnie - plus horrible encore que son séjour dans la cage ou que les terribles heures passée dans le drone !

Stormalong avait tout simplement disparu dans les airs et s'était évaporé.

Il ne répondait pas aux appels radio, même lorsque Jonnie prononçait son nom en clair.

Les bureaux de la banque du Luxembourg avaient rouvert mais la fille parlait une langue que personne ne connaissait à Kariba. Le français peut-être ?... Lorsqu'ils demandaient « MacAdam », elle essayait bien de leur dire quelque chose, mais c'était incompréhensible.

Et Jonnie ne pouvait pas partir.

Les émissaires allaient et venaient, travaillant sans relâche sur le jugement, et ne s'occupaient guère de lui,

Jonnie dormait dans la salle des opérations et ne la quittait que lorsque le chef Chong-won venait le remplacer quelques minutes, chaque fois qu'une urgence l'appelait au-dehors.

A vrai dire, aucun problème ne requérait vraiment son intervention personnelle. Même s'il avait été placé devant des problèmes de première urgence, il n'aurait guère pu les résoudre puisqu'il n'avait plus de forces de défense, plus de troupes, plus de pilotes. Il était en fait tout seul pour défendre la planète. Tinny, la jeune communicatrice, l'aidait efficacement mais il y avait une limite au nombre d'heures pendant lesquelles un humain pouvait rester éveillé, même une nonne bouddhiste.

Angus consacrait une partie de son temps au dispositif de transfert. Il avait laissé la gyrocage sur une montagne de Tolnep afin d'observer l'évolution de la lune Asart.

- Je voulais voir s'il se produirait des séismes sur Tolnep, dit-il à Jonnie. Lorsqu'on modifie l'équilibre des masses d'un système, on peut s'attendre à des modifications des forces gravifiques. J'ai lu quelque part que si notre propre lune était éjectée dans l'espace, ou quelque chose comme ça, cela provoquerait des tremblements de terre. Mais la gyrocage de Tolnep n'a enregistré aucune secousse.

Quelques heures plus tard, Jonnie avait entendu le bruit d'un moteur dans la cuvette et, nerveux, il était allé voir ce qui se passait. Il découvrit Angus aux commandes d'une pelleteuse qui poussait un énorme fragment du vaisseau tolnep à travers l'entrée qui passait sous le câble. C'était un des débris qui étaient retombés sur la berge du lac. Le chef Chong-won le réprimanda sèchement car l'engin endommageait le dallage et il ne disposait pas de personnel d'entretien pour effacer les rayures.

Angus déclara qu'il voulait vérifier si la bombe ultime était encore en activité.

- Ne ramène rien qui puisse toucher cette zone, le prévint Jonnie avant de retourner à la radio pour répondre à un appel.

Le lendemain matin, Angus l'avait rejoint pour avaler un bol de nouilles en sa compagnie et lui raconter ce qu'il avait découvert.

- J'ai lancé ce fragment de métal bien au-delà d'Asart, dit-il. Je m'étais dit qu'il tomberait à travers le gaz...

- Quel gaz ? l'interrompit Jonnie.

- Oh, eh bien, Asart ne semble plus être faite que de gaz maintenant. C'est devenu un gigantesque nuage de gaz. Au début, il était totalement noir, mais il s'est éclairci. On commence à voir au travers. Je comprends maintenant pourquoi les Psychlos n'ont jamais utilisé cette bombe. Ils étaient avant tout des mineurs. Ils avaient besoin de métal et non de gaz !

- Et qu'est-il arrivé au bout de métal ?

- J'avais pensé qu'il passerait à travers le gaz et qu'il finirait par tomber sur Tolnep. Mais ça ne s'est pas passé comme ça. Il a effectivement traversé le gaz, mais il est allé au centre du nuage et il y est toujours. Tu veux voir une image ?

- Ne tire plus dans ce nuage. Il ne faut pas que quoi que ce soit revienne avec l'effet de recul !

- Oh, je n'en ai pas l'intention, dit Angus. Mais voici ce que je crois : quand cette bombe ultime a tout converti en gaz, elle a été annulée. Elle n'a plus rien contre quoi exercer son action. Lorsque la réaction prend fin, elle ne recommence pas. Les raies d'analyse du métal révèlent surtout la présence d'hydrogène.

- Donc, la bombe ultime provoque une fission de bas niveau, conclut Jonnie. Elle stimule l'éclatement des atomes des métaux lourds. Je ne suis pas un expert, mais cela semble correspondre à ce que tu m'as décrit.

- En tout cas, ce que j'essaie de te dire, c'est que la masse de la lune n'a pas été modifiée, du moins en ce qui concerne l'influence gravifique. A cette température, le gaz a été liquéfié en grande partie et la lune est devenue une sorte de bulle dont le diamètre est plus grand qu'avant. Je crois qu'on pourrait la traverser sans difficulté.

- Magnifique, dit Jonnie. Surtout abstiens-toi.

Angus finissait ses nouilles.

- Je me suis dit que cela te plairait de savoir que le fait de détruire cette lune n'a pas modifié le tableau des coordonnées. Une modification de masse pourrait déranger toutes les coordonnées.

- Ah ! Là, tu marques un point ! Bien vu !

C'était bien l'opinion d'Angus.

Mais les nouvelles qui leur parvenaient des autres secteurs n'étaient pas aussi encourageantes. Certes, il ne s'était pas produit d'autres événements graves. Mais ils n'avaient toujours pas d'informations précises sur le sort de Chrissie et des gens d'Écosse, ni sur ce qu'il était advenu de la base russe.

On avait retrouvé le chef du clan Fearghus. Il était mourant. Après quelques transfusions d'urgence, ii avait été transporté en toute hâte dans le vieil hôpital souterrain d'Aberdeen. Mais il n'y avait pas grand espoir.

Ils avaient foré des passages dans les éboulis qui obstruaient les tunnels et l'on espérait que les conduits d'air avaient atteint les abris. Des rumeurs circulaient : on aurait entendu des voix, mais il n'y avait aucune radio dans les abris et il était difficile de distinguer quoi que ce fût avec le hurlement des conduits d'air et des pompes.

Edinburgh et Castle Rock n'étaient plus que des colonnes de fumée.

Les hommes en bavaient. C'était un travail de forçat que d'essayer d'ouvrir tous les tunnels d'accès. Ils travaillaient nuit et jour.

Les nouvelles de la base russe n'étaient guère meilleures. Les incendies de charbon avaient été éteints en surface, mais la mine continuait de brûler en profondeur et on ignorait si le feu avait atteint le niveau de la base. Les énormes portes étaient si déformées qu'on ne pouvait les ouvrir, même au chalumeau, et on creusait une autre entrée à travers la roche, sur un sol rendu brûlant par les incendies souterrains. Quant aux puits de ventilation, ils étaient trop sinueux et trop encombrés de blindages et de filtres pour être d'une quelconque utilité.

Pour ajouter à la tension qui régnait à Kariba, le premier petit homme gris, Dries Gloton, avait disparu. L'unique artilleur de service à la batterie antiaérienne avait déclaré qu'il était parti à l'aube, qu'il avait mis en place un nouveau dispositif de balises de signalisation et de radiophares autour de son vaisseau, avant de décoller comme ça, pff ! d'un coup. Il avait disparu dans le ciel sans qu'on ait pu suivre sa trajectoire. Les lumières clignotaient toujours, deux balises rouges, et le radiophare continuait d'interdire à tous les vaisseaux l'accès au secteur de la conférence.

Lord Voraz, interrogé, s'était contenté de hausser les épaules et de déclarer que cela faisait sans doute partie des prérogatives d'un directeur d'agence, qu'il s'agissait probablement d'affaires concernant la banque. Puis il s'était éclipsé pour aller dévorer pour des multiples en-cas que le cuisinier ne cessait de lui servir. Il n'avait été d'aucun secours.

Mais, durant ces deux derniers jours, Jonnie fut avant tout perturbé par la soudaine arrivée du capitaine Rogodeter Snowl.

Les émissaires l'avaient fait citer en tant que témoin sans prévenir Jonnie. Et sans en avertir le serveur de la batterie antiaérienne.

Jonnie entendit soudain des détonations en provenance de la batterie.

Lord Dom fit irruption dans la salle des opérations, pareil à une énorme méduse, et exigea d'une voix rugissante l'arrêt immédiat des tirs.

Jonnie ordonna à l'artilleur de cesser le feu. Fort heureusement, la cible avait été hors de portée et Angus, à ce moment, ne se servait pas du dispositif de transfert. Mais Rogodeter Snowl, en omettant de demander l'autorisation de poser son petit engin, avait bien failli être abattu.

- Il a été convoqué comme témoin ! hurlait Lord Dom. Est-ce que vous ignorez que nous sommes en plein procès ?

Procès ou non, Jonnie glissa un Smith & Wesson chargé de balles-thermites dans sa ceinture, enfonça un tampon dans chaque oreille et sortit avec une radio portative pour donner lui-même les instructions d'atterrissage. De plus, il ne voulait pas que le Tolnep constate qu'ils n'avaient plus aucune défense.

Luttant contre l'envie d'abattre Rogodeter à vue, il se contenta de lui confisquer son filtre de vision, puis vérifia qu'il n'en avait pas d'autre sur lui et l'escorta personnellement jusqu'à la salle de conférence. Il laissa le Tolnep aux émissaires, non sans leur dire que dès qu'ils en auraient fini avec lui, ils feraient mieux de prévenir la salle des opérations pour qu'on le réescorte jusqu'à son appareil car Rogodeter resterait aveugle durant tout le temps de son séjour à Kariba.

Cinq heures plus tard environ, ils le rappelèrent. Il alla récupérer Rogodeter Snowl et le ramena jusqu'à son engin. Avant de lui restituer son filtre de vision, il laissa le chef Chong-won asperger d'encre noire l'intérieur du dôme de l'appareil. Jonnie, qui portait encore ses tampons auditifs, ne sut jamais si Rogodeter se plaignait ou non qu'il lui faudrait trouver un moyen d'enlever l'encre s'il voulait retrouver le vaisseau en orbite.

Mais, à l'instant où il tendait son filtre de vision à Rogodeter, il lut nettement sur la bouche du Tolnep :

- Toi, si je te tiens !

Aussi Jonnie déclara-t-il :

- Oui, moi, justement. Et, afin de vous souhaiter un bon retour, laissez-moi vous dire que la prochaine fois que je vous verrai sur la surface de cette planète, ça risque de ne pas vous plaire du bout! Alors, foutez le camp !

Et il rabattit la coupole sur lui.

Lorsque l'engin fut haut dans le ciel Jonnie se déboucha les oreilles et s'aperçut que le serveur de la batterie antiaérienne lui demandait depuis dix minutes l'autorisation de descendre l'engin tolnep « accidentellement ». Jonnie ne pouvait que sympathiser avec lui. Il éprouvait exactement le même sentiment.

Il n'avait toujours aucune nouvelle de Stormalong. Ni du Luxembourg.

Pas un mot non plus à propos de Chrissie, des gens du village et de ses amis.

Ce furent deux jours atroces.

Il découvrait que l'inaction était infiniment plus lourde à supporter que la tourmente dans laquelle il vivait habituellement. Il n'était pas loin de craquer, tant était grande la crainte qu'il éprouvait pour les siens et pour cette planète. Cette planète pour laquelle il se battait depuis si longtemps.

Le même soir, à huit heures, les choses empirèrent encore lorsque Lord Voraz lui offrit un salaire de cinquante mille crédits par an afin de se rendre dans le système de Gredides pour y construire, pendant le restant de ses jours, des consoles de téléportation destinées à la banque. Jonnie dut prendre congé très rapidement pour ne pas le frapper.

Deux jours abominables!

Terre champ de bataille - 03 - Le secret des psychlos
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