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Jonnie se réveilla avec un sentiment de danger. Le sol avait vibré ! Une infirmière qui avait dû être à son chevet venait de quitter la chambre.

Il regarda autour de lui, incapable durant un instant d'identifier ces lieux qui ne lui étaient pas familiers. Puis il les reconnut. C'était la chambre-bunker de Kariba que les Chinois avaient installée spécialement pour lui, sur le bord intérieur de la cavité qui abritait la plate-forme de tir. Toute la colline avait été creusée de profonds bunkers et ils en avaient même dallé certains. L'intérieur était éclairé par des lampes de mine.

Celui-ci était dallé de jaune, meublé d'un lit, de chaises et d'une penderie. Les dalles étaient décorées d'un portrait de Chrissie qu'ils avaient exécuté à partir d'un picto-enregistrement. Il était très ressemblant, si ce n'est qu'elle avait les yeux légèrement bridés.

A nouveau, le sol fut secoué. Des bombes ?

Jonnie était sur le point de sauter de son lit quand le docteur Allen entra et le repoussa gentiment en arrière.

- Tout va bien, lui dit-il. Ils ont la situation bien en main,

Il prit le pouls de Jonnie.

Sir Robert fit son apparition sur le seuil. Il avait un pansement sur le nez. Il attendait visiblement que le docteur Allen ait fini.

- Tu as été salement touché, mais ton pouls est normal à présent. L'injection préventive de sérum a contrarié en partie l'action du venin. Mais c'est surtout grâce à Sir Robert que tu t'en es sorti : il a fait sortir le poison et il a même réussi à t'injecter quelques gouttes de sérum.

La grosse montre psychlo de Jonnie était posée sur sa table de chevet Il la regarda. Avait-il vraiment dormi dix-huit heures ? Dieu seul savait ce qui s'était passé durant tout ce temps.

Le docteur Allen précéda sa question.

- Je sais, je sais. Mais il a été nécessaire de te donner un agent opiacé pour ralentir ton cœur. (Il plaça un stéthoscope sur la poitrine de Jonnie, écouta, puis le replia.) Je ne décèle aucune lésion coronaire. Tends la main.

Jonnie s'exécuta.

- Ah, plus de tremblement. Je pense que tu vas bien. Encore quelques jours alité et...

A cet instant, le sol trembla encore une fois. Jonnie essaya de se lever et le docteur Allen le repoussa à nouveau.

- Sir Robert ! lança Jonnie. Que se passe-t-il?

Le docteur Allen acquiesça à l'attention de Sir Robert pour lui indiquer que Jonnie allait bien et se retira. Sir Robert s'approcha du lit. Il ne répondit pas à la question de Jonnie. Il restait immobile, l'air rayonnant, heureux de voir Jonnie bien en vie. Le garçon avait même un peu de couleur sur ses joues.

- Que se passe-t-il ? répéta Jonnie, en accentuant chaque syllabe.

- Oh, il y a un vaisseau tolnep au-dessus de nous. Il est à environ trois cent mille mètres d'altitude et il n'arrête pas de larguer des avions qui viennent nous bombarder. Nous avons une bonne couverture aérienne. C'est Stormalong qui la dirige. Pour le moment, l'ennemi se concentre sur Singapour.

Angus était à la porte. Jonnie l'appela :

- Est-ce que tu as installé la console ?

- Aïe ! fit Angus en entrant. On n'a pas eu besoin de venir te déranger. (Il pointa l'index vers le haut.) Avec ces tirs et notre défense antiaérienne à l'extérieur de l'écran, sans oublier les moteurs de nos avions, nous n'avons pas osé nous servir du dispositif. Mais tout est connecté. Les Chinois ont fait une très belle installation.

- La prochaine position de l'interrupteur est en bas, dit Jonnie.

- Oui, Sir Robert nous l'a dit. Tout est prêt à fonctionner quand le bombardement s'arrêtera ! Repose-toi.

Angus sortit et Thor le remplaça aussitôt.

- Comment te sens-tu ? demanda-t-il.

Jonnie agita la main d'un geste négatif.

- Quasiment inutile. La dernière chose dont je me souvienne, c'est que j'étais sous le dôme. Tu ferais mieux de me mettre au courant.

Thor lui raconta alors ce qui s'était passé et ce qu'ils avaient fait.

- Un choc en retour aussi dur ! fit Jonnie.

- Pire encore.

- Combien d'hommes avons-nous perdus ?

- Andrew et MacDougal. Mais il y en a quinze autres ici dans ce petit hôpital. Quelques traumatismes, des bras et des jambes cassés. Ils sont pour la plupart contusionnés, très gravement contusionnés. Le plomb des cercueils les a protégés. Aucune brûlure par radiations. Andrew a été lacéré de coups de baïonnette par les Brigantes. Il n'a pas pu refermer le couvercle de l'intérieur et il a été soufflé.

- Et MacDougal ?

- Eh bien, pour lui ça a été plutôt affreux. Il était posté près de la vieille cage et son cercueil a été arraché du sol. Pendant un moment, nous avons été incapables de retrouver son corps et nous avons cherché. (Jonnie remarqua alors que Thor tenait un petit paquet, très lourd, qu'il devait appuyer contre la table de chevet.) On a donc cherché parmi tous les corps. Ils avaient été soufflés, dispersés, la chair en grande partie brûlée. On a suivi la ligne d'explosion, parce qu'on pensait que son corps avait été projeté loin de la plate-forme. Ce qui nous a conduits dans ce qui restait du bureau de Terl. Tout le haut avait été soufflé. Quatre ou cinq corps avaient été projetés depuis la plate-forme jusque-là. On ne voulait pas se contenter de porter les gens comme disparus et on a essayé d'identifier les cadavres. C'est comme ça qu'on a retrouvé MacDougal. Et ça aussi. (Thor dépliait le paquet.) Je sais que tu seras soulagé d'avoir ça. Un des cadavres n'avait plus du tout de chair. Il avait été complètement brûlé et les vertèbres étaient à nu. Il y avait ça planté dedans.

C'était la bille de métal du noyau de la bombe.

- Brown Staffor, dit Jonnie. Le Boiteux ! Terl a lancé la bombe sur lui. Comme une balle. Oui, je suis très, très heureux que tu l'aies retrouvée !

- On a aussi le paquet que Terl lui avait donné. On l'a confié à Angus qui l'a désamorcé. Qu'est-ce que ça a comme effet ?

- On ne le sait pas vraiment, fit Jonnie. Mais connaissant Terl...

- On a eu toute sa poubelle de recyclage. On s'était dit qu'il allait s'en servir et on avait coupé l'électricité. Elle était pleine à ras bord ! Si tu le veux, c'est là, dehors sur un chariot. Heureusement qu'on avait tout mis dans un sac antiradiations. (Il montra la porte.) On l'a récupéré dès qu'il a eu quitté son bureau.

Un serviteur poussa le chariot dans la chambre. Tout le contenu de la poubelle de recyclage de Terl ! Disposé avec soin.

- N'essaie pas de tirer avec ces pistolets d'assassin, dit Thor. Ker y a dissimulé un bouchon pour qu'ils tirent à l'envers, sur celui qui s'en sert. Ker m'a dit de t'avertir et qu'il va les remettre dans leur état d'origine.

Il tendit à Jonnie quelques-uns des papiers et des livres issus des doubles fonds des placards de Terl. Jonnie en avait déjà enregistré un certain nombre. Un livret attira son regard : Défenses Connues des Races Hostiles et Descriptif de leurs Mondes Natals. Il le feuilleta. Il y avait des tas de planètes référencées. Il regarda à Tolnep

Cette planète appartient à un système à deux soleils. (Voir table des coordonnées pour sa situation.) Le système lui-même ne compte que trois planètes habitées : la septième, la huitième et la neuvième. C'est sur la neuvième planète que vivent les Tolneps. Elle possède cinq lunes, dont seule Asart a quelque importance. On l'utilise pour le lancement des principaux vaisseaux de guerre. Aucun vaisseau tolnep ne peut se déplacer dans l'atmosphère d'une planète à cause de la déficience de son système de propulsion stellaire qui repose essentiellement sur des moteurs à réaction, lesquels, dans l'atmosphère d'une planète, consomment une trop grande énergie. Après leur construction, les vaisseaux sont basés sur la lune Asart, et les équipages et le fret y sont amenés directement depuis la planète. Des plans ont été régulièrement proposés afin d'occuper et d'exploiter Tolnep. Mais comme les habituelles tactiques militaires risqueraient d'échouer dans le cas d'une guerre avec Tolnep, la lune Asart n'a encore fait l'objet d'aucune attaque à l'heure où nous rédigeons ceci.

Jonnie regarda la date en psychlo. Le livre n'avait que quelques années. Il continuait sur le même ton. Jonnie le reposa.

Une autre secousse. Le sol trembla.

Tout à coup, Jonnie réalisa qu'il avait perçu une tension sous-jacente chez chacun de ceux qui lui avaient rendu visite. Ils essayaient de le mettre à l'aise ! Pendant qu'il lisait, Thor avait été appelé dehors d'urgence. Et soudain un communicateur se rua dans la chambre avec une liasse de messages pour Sir Robert, puis se retira aussi vite. Jonnie vit les sourcils de Sir Robert se froncer comme il prenait connaissance des messages.

- La situation est plus grave que vous ne le dites, n'est-ce pas ? demanda Jonnie.

- Nan, nan, dit Sir Robert. Faut pas t'en faire, mon gars.

- Mais quelle est-elle exactement ? insista Jonnie.

Chaque fois que Sir Robert revenait à ses expressions dialectales, cela signifiait qu'il était très inquiet. Le vieil Écossais soupira et se résigna à répondre. Il retrouva son accent universitaire.

- Eh bien, si tu dois le savoir, nous avons perdu l'initiative. Pour une raison que nous ignorons, l'ennemi a décidé d'attaquer en force. (Il tapota les rapports qu'il avait reçus.) Singapour tient jusqu'à présent, et les trois quarts des forces ennemies y sont concentrées. Mais elles ne resteront pas à Singapour éternellement. La base russe a été attaquée par des avions venant d'un grand vaisseau de guerre. Edinburgh aussi. Ces deux bases ne disposent pas de blindage atmosphérique. Et juste au-dessus de nous (il pointa l'index), il y a un vaisseau de guerre monstrueux qui nous envoie des bombes et des avions depuis plusieurs heures. Il risque de débarquer un millier de marines tolneps et nous ne sommes pas trop bien équipés pour venir à bout d'un assaut au sol. Voilà, tu sais tout. Ça ne peut qu'empirer.

- Appelez le docteur Allen, dit Jonnie. Je me lève !

Sir Robert essaya en vain de protester mais dut céder et alla prévenir le docteur Allen.

Ce dernier n'appréciait pas du tout.

- Tu es encore plein d'une drogue appelée sulfa ». C'est pour empêcher l'infection et un empoisonnement du sang. Si tu te lèves trop vite, tu vas éprouver des étourdissements. Je ne te conseille pas de le faire.

Mais Jonnie insista malgré tout. Il savait qu'ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient, mais il voulait observer la situation par lui-même. Il n'allait quand même pas rester au lit à attendre d'être réduit en miettes!

Jonnie ne trouvait aucun vêtement. Un coordinateur fit son apparition, accompagné d'un Chinois âgé, aux cheveux gris.

- Voici M. Tsung, dit le coordinateur. C'est lui qui a été chargé de préparer votre chambre. Il a appris quelques rudiments d'anglais afin de pouvoir vous aider.

M. Tsung s'inclina. Il était évident qu'il était heureux d'être en présence de Jonnie, mais le martèlement des bombes retenait une part de son attention. Il avait apporté un bol de soupe pour Jonnie et il le lui tendit avec des mains quelque peu tremblantes. Jonnie fut sur le point de le reposer, mais M. Tsung secoua la tête :

- Buvez ! Buvez ! Peut-être pas possible manger plus tard.

Un communicateur apparut sur le seuil et fit un geste à l'adresse de Sir Robert. Le vieil Écossais se précipita au-dehors à sa suite.

M. Tsung maîtrisait peu à peu sa nervosité. Il s'habituait déjà à être en présence de Jonnie et, à présent qu'il avait quelque chose à faire, les grondements sporadiques des bombes lui semblaient moins alarmants. Et il acquérait peu à peu la conviction que si quelqu'un pouvait résoudre cette situation, c'était bien Lord Jonnie. Tout en déballant les armes de Jonnie, il afficha un sourire plus confiant.

Le docteur Allen n'avait pas menti à propos des étourdissements. Jonnie s'en rendit compte en essayant de passer ses vêtements. Son bras était raide et douloureux et il avait du mal à s'habiller.

M. Tsung lui fit revêtir l'uniforme vert uni qu'ils portaient tous. Il boucla le ceinturon de Jonnie, avec ses deux holsters : celui de gauche pour le Smith & Wesson et celui de droite pour le pistolet-éclateur. Il noua une écharpe de soie noire à son bras et la serra de telle façon que Jonnie puisse le dégager rapidement pour empoigner le Smith & Wesson en cas de besoin. Il demanda à Jonnie de vérifier s'il en était capable, puis il lui tendit le casque vert.

- Et maintenant, vous les tuez tous, dit-il avec un grand sourire. De sa main, il imita un pistolet, puis il ajouta :

- Bang ! Bang !

Il glissa ensuite les mains dans ses manches et s'inclina.

Si seulement ça pouvait être aussi simple, songea Jonnie. Mais il n'en répondit pas moins au salut du petit homme. Un étourdissement le reprit. Seigneur ! Il avait l'impression que la chambre se mettait à tourner.

Une explosion plus violente que toutes les autres secoua le sol.

Bon sang ! Les autres là-haut ne faisaient pas semblant !

Terre champ de bataille - 03 - Le secret des psychlos
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