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Ce pour l’instant m’a poursuivie longtemps.
D’ailleurs, j’y pense encore.
Chaque matin, chaque soir, chaque nuit. Chaque seconde.
Une épée de Damoclès au-dessus de ma tête.
Pour l’instant…
En moi, parfois, s’entrechoquent des sentiments contradictoires. Effrayants.
Envie de posséder, de blesser. Envie de faire mal, comme on m’a fait mal. De faire souffrir comme j’ai souffert.
Parfois, je me fais peur.
À d’autres moments, j’ai la volonté de devenir quelqu’un de normal, quelqu’un de bien. La volonté de protéger, de construire, de donner.
Dans ma tête, c’est un drôle de mélange. Presque un carambolage.
Quand Tama me regarde, je ne sais pas qui je veux qu’elle soit. Qui je veux qu’elle devienne.
Pour l’instant, je suis heureuse.
Pour l’instant, je me suis éloignée de la souffrance.
Pour l’instant, j’ai franchi le mur.
Pour l’instant…
Je suis sur la mauvaise pente, je n’ai pas fait les bons choix. Je sais que j’avance sur des chemins dangereux, bordés de ravins vertigineux. Il serait si facile de chuter… Et de ne jamais remonter.
Mais je veux du danger, de la vitesse, du fric. Je veux de l’excès, de la violence en tout. Je veux le pouvoir.
Frémir à chaque instant, ne pas savoir si la journée qui commence sera la dernière ou si je verrai mes quatre-vingts ans.
Parce que vivre, c’est ça. Vivre, c’est avoir peur, avoir mal. Vivre, c’est risquer. Vivre, c’est rapide et dangereux.
Autrement, ça s’appelle survivre.
Toute mon enfance, j’ai survécu. Désormais, je veux vivre. Ou mourir.
Quand je regarde Tama, tous ces sentiments me frappent la tête.
Je l’ai sauvée et elle dépend entièrement de moi. Je peux la protéger et même la rendre heureuse.
Mais je pourrais aussi la détruire, l’asservir.
Je ressens une puissance absolue. Ainsi qu’une terrible charge sur mes épaules.
Dans ma tête, c’est un drôle de mélange. Presque un carambolage.
Quand je regarde Tama, je ne sais plus qui je veux être. Qui je veux devenir.