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Et s’il ne revenait pas ?
Elle mourrait de faim, attachée à un lit.
S’il revenait, elle mourrait aussi.
Elle était dans la maison d’un tueur. Pourquoi ?
Avait-elle mérité ça ? Qu’avait-elle commis pour en arriver là ? Pourquoi son cerveau refusait-il de lui dévoiler sa vie, la vérité ?
Les souvenirs étaient là, quelque part. Ils ne parvenaient pas à remonter à la surface, mais ils étaient là. Elle avait beau se concentrer, se torturer les méninges, le brouillard refusait obstinément de se dissiper.
Le soleil inondait la chambre, on devait être en milieu de journée, mais elle n’avait aucune idée de l’heure.
Bruit de moteur, aboiement joyeux du chien, pas dans la maison.
Il était de retour.
C’était le soulagement, c’était la terreur. C’était peut-être la fin.
Tandis qu’elle l’entendait prendre une douche, elle se glissa sous les draps. Si elle avait pu disparaître, elle l’aurait fait. S’évaporer dans le néant, se fondre dans la matière.
La porte s’ouvrit, la silhouette immense de son geôlier apparut dans la chambre. Il portait juste une serviette autour de la taille, avait les cheveux trempés.
— Tiens, la Belle au bois dormant est réveillée ! dit-il avec un petit sourire.
Il se planta devant l’armoire, choisit une nouvelle tenue et s’habilla devant elle en lui tournant le dos.
Aucune pudeur, songea-t-elle.
Il était grand, carrure imposante. Ses cheveux bruns étaient coupés court, son cou était large comme celui d’un taureau de combat. Elle remarqua un tatouage sur son épaule gauche. Une horloge, avec un glaive au milieu.
Une fois habillé, il s’assit dans le fauteuil, dans l’angle le plus sombre de la chambre, comme s’il désirait s’unir aux ténèbres. Il la regarda un moment avant de parler.
— Tu as retrouvé la mémoire ? fit-il.
— Non.
— Étrange, soupira-t-il. Mais ça reviendra forcément… Ou alors, tu mens.
— Je ne mens pas.
— Soit. Je suis d’humeur à te croire… Je t’ai manqué ?
Elle ne savait quoi répondre. Surtout, ne pas l’énerver. Plutôt ne rien dire.
— J’imagine que non, continua-t-il. Et tu as le droit de le dire.
Elle tourna la tête vers la fenêtre.
— Vous avez tué quelqu’un ? osa-t-elle.
— Oui.
— Co… comment ?
Il sembla étonné qu’elle pose la question.
— Strangulation.
Elle ferma les yeux, réprimant ses tremblements. Parler avec l’assassin, peut-être l’apprivoiser. Mais plus elle en saurait sur lui, plus ses chances de sortir vivante de cette chambre s’amenuiseraient.
— Et moi ?
— Quoi, toi ?
— Comment vous allez me tuer ?
Elle entendit la porte de la chambre se refermer et se sentit désespérément seule. Aucun moyen d’appeler au secours, aucun souvenir auquel se raccrocher.
Rien, sinon le vide.