22
Trois jours. Cela faisait trois jours que Jaxon était parti sans rien lui dire. Et suite au coup de fil d'Estap, Le'Ace ne pouvait que craindre le pire, non ? Où est-il ? se demanda-t-elle, pour la millième fois sans doute.
Quatre cent quatre-vingt-dix-sept fois, exactement.
Oh, ferme-la !
Elle n'avait pas contacté Nolan, comme promis à Jaxon. La petite équipe de l'A.I.R. l'y avait contraint. Le Schôn l'appelait chaque jour. Et chaque jour, elle devait le faire patienter. Il devenait de plus en plus nerveux, craignant sans doute qu'elle ne le trahisse. C'était le cas, mais... Et s'ils 'enfuyait ?
Ce risque lui fit serrer les poings. Il ne le pourra pas, tenta-t-elle de se rassurer. Eden et Lucius le suivaient comme son ombre, même s'il ne quittait que rarement son appartement. Du moins, pour ce qu'on pouvait en voir. Et puis, Jaxon allait bientôt revenir, non ?
Jaxon... Bon sang ! Où est-il passé ?
Quatre cent quatre-vingt-dix-huit.
Ses ongles s'enfoncèrent dans la paume de ses mains. Persuadée que le coup de fil de l'hôtel émanait des amis de Jaxon, elle n'avait pas écouté, n'ayant pas envie d'entendre les horreurs qu'ils avaient à débiter sur son compte. Mais tous ses amis étaient ici, avec elle.
Elle les avait laissés l'enfermer dans leur planque sécurisée, pensant ainsi pouvoir les amadouer. Bien vite, elle avait compris que cela ne lui serait pas possible. Mia ne cessait de répéter aux autres que sa bonne volonté n'était qu'une feinte pour les amener à relâcher leur garde.
Tout ce que je veux, c'est Jaxon !
Ses amis ignoraient autant qu'elle où il avait pu passer. Ils aimaient la tourmenter en lui disant qu'eux avaient les moyens de le retrouver - grâce à l'isotope traqueur - mais qu'ils n'en feraient rien. Il leur avait demandé quelques jours de tranquillité, et ils lui faisaient suffisamment confiance pour les lui accorder. Comme elle, ils étaient prêts à lui donner tout ce qu'il voulait, mais elle n'était pas sûre quant à elle de pouvoir attendre stoïquement très longtemps encore.
Mia, qui avait récupéré à une vitesse stupéfiante, aimait jaillir à l'improviste dans cette cellule lugubre où ils la détenaient pour lui répéter que Jaxon était trop bien pour elle. Kyrin ne tardait jamais à la rejoindre, foudroyant Le'Ace du regard comme s'il ne rêvait que de lui tordre le cou. Dallas aimait aussi lui rendre visite. Lui se contentait de la regarder sans rien dire, comme s'il essayait mentalement de résoudre une énigme.
Eden et Lucius lui apportaient sa nourriture mais ne s'attardaient jamais pour discuter. Quant à Devyn - roi des Targons -, il venait lui offrir de la lingerie sexy qu'elle refusait de porter et restait toujours pour bavarder. Il aimait parler sexe : ses positions favorites, quel amant formidable il était, et combien elle ne le regrettait pas si elle se décidait à le vérifier par elle-même... Tout paon égocentrique qu'il était, il s'arrangeait toujours pour la faire sourire.
Allongée sur son lit de camp, Le'Ace soupira en fixant le plafond. Elle aurait pu s'évader à n'importe quel moment, mais elle ne l'avait pas fait. Elle continuait à attendre, et à attendre encore. Jaxon, où es-tu ?
Quatre cent quatre-vingt-dix-neuf. Assez !
Estap, ce salaud... Cela faisait trois jours qu'il lui avait donné l'ordre de tuer Jaxon. Elle en avait parlé à ses geôliers... qui l'avaient accusée de chercher à les envoyer sur une fausse piste pour mieux leur échapper. Leur méfiance continue commençait à lui porter sur les nerfs.
Très bientôt, elle allait finir par ne plus supporter de rester là, et ils ne pourraient rien faire pour la retenir. Du moins essayait-elle d'y croire pour surmonter sa frustration. Estap ne l'avait pas encore punie. Pourtant, il avait dû constater qu'elle n'avait pas exécuté son ordre. Curieux... Cela ne présageait rien de bon.
Elle s'était toujours demandé ce qu'elle ferait si on lui ordonnait de tuer quelqu'un qu'elle aimait. Elle avait à présent la réponse. Elle était prête à supporter n'importe quelle punition, si sévère puisse-t-elle être, pour prix de sa désobéissance. Elle se découvrait tout bonnement incapable de faire du mal à l'homme qu'elle aimait. Et il lui fallait absolument le prévenir du danger qu'il courait. Mieux valait ne pas avoir Estap contre soi. C'était un ennemi à ne pas sous-estimer. Et s'il l'avait déjà tué ?
Avant qu'une crise de panique puisse la terrasser, Le'Ace - Non ! Tu t'appelles Mishka ! Souviens-toi : Mishka ! - s'efforça de se calmer. Jaxon était suffisamment fort et courageux pour prendre soin de lui-même. Il était plus intelligent qu'Estap et c'était un guerrier dans l'âme. Bientôt, il serait de retour. Alors, elle pourrait faire en sorte que le sénateur soit victime d'un « accident » dont il ne se remettrait pas. La mort était si imprévisible... Tout pouvait arriver, à n'importe qui.
— Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça ?
Au son de la voix de Mia qui venait de retentir, Mishka se retourna sur le flanc et glissa ses mains sous sa joue pour faire face à sa Némésis. Appuyée contre le chambranle de la porte, toute en cuir noir, les cheveux Lires en une queue de cheval, celle-ci arborait son habituelle expression d'assurance crâne et de mépris. Comme chaque fois, Kyrin veillait tel un ange gardien dans son dos. Il était grand, avait les cheveux blancs, de beaux yeux violets, et lui faisait penser par certains côtés à Jaxon.
— Laisse-moi t'épargner le souci de me dire pourquoi tu es là, répliqua Le'Ace. Je ne suis pas assez bonne pour Jaxon. Il mérite mieux que moi. Il a changé depuis qu'il m'a rencontrée, et pas pour le meilleur. Je n'ai rien oublié ?
Les narines de Mia frémirent de colère.
— J'aurais dû me douter que tu t'en ficherais d'avoir fait de lui un type dur et cynique, dit-elle.
— Tu veux dire un type qui sait ce qu'il veut et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds ? Il ne t'est jamais venu à l'idée que Jaxon ne se montrait pas sous son véritable jour, que je l'ai en fait aidé à s'assumer tel qu'il est ?
À peine eut-elle prononcé ces mots que Le'Ace - Non : Mishka ! - réalisa à quel point elle était dans le vrai. En butte au silence têtu de Mia, elle insista :
— Ne pouvons-nous au moins essayer de nous supporter pour le bonheur de Jaxon ?
— Non !
— Que cela te plaise ou non, je fais maintenant partie de sa vie. Et je ne suis plus celle que tu as connue.
Mia laissa fuser vers le plafond un rire grinçant.
— Toi ? railla-t-elle. Tu ne changeras jamais ! Pendant que tu moisissais ici, j'ai eu le temps de fouiner un peu dans la planque que tu utilisais quand tu courtisais ton Schôn. Figure-toi que j'ai trouvé ton calepin électronique.
Mishka se sentit pâlir brusquement.
— Eh oui... reprit Mia, satisfaite d'elle-même. J'ai lu ta liste. Trente-huit façons de tuer Jaxon. Lui trancher la gorge pendant son sommeil est ma favorite. Empoisonner la nourriture chez lui pendant qu'il est en mission n'est pas mal non plus.
Mishka ferma les yeux, le cœur au bord des lèvres. Elle avait dressé cette liste afin de mieux protéger Jaxon et pour n'oublier aucun des dangers qu'il pouvait courir. Elle ouvrit la bouche pour parler, avant d'y renoncer. Tout ce qu'elle pourrait dire ne ferait que l'enfoncer. Le pire était encore d'imaginer comment Jaxon réagirait. La croirait-il lorsqu'elle lui expliquerait pourquoi elle avait fait cela ?
N'y pense pas maintenant. Ne baisse pas ta garde ou Mia va t'écorcher vive !
— Alors, les filles ? lança soudain la voix de Dallas. Encore en train de vous chamailler ?
Mishka nota que le nouveau venu s'était interposé entre elles, comme pour protéger sa collègue en cas de nécessité. Comment cette harpie avait-elle pu mériter le respect et l'affection de tant d'hommes valeureux ? Cela demeurait un mystère pour elle.
— Tu viens participer à la curée ? lança-t-elle d'un ton chargé d'amertume.
Toute trace d'amusement disparut du visage de Dallas. Il avait les traits tirés et paraissait épuisé et stressé.
— J'ai beaucoup pensé à toi, répondit-il. Et à ce qu'il nous faudrait faire de toi.
Le ton lugubre sur lequel il avait dit cela en disait long.
— Et ? demanda-t-elle.
Mishka se redressa et posa ses pieds nus sur le sol glacé. S'il dégainait un flingue, elle allait devoir lui faire mal, ce qu'elle préférait éviter, par égard pour Jaxon.
Kyrin alla se placer derrière Mia et entoura sa taille de ses bras. Elle se laissa aller contre lui, comme si aucun autre endroit au monde ne lui était davantage destiné. En la voyant faire, Mishka détourna les yeux, le cœur lourd. Jaxon la tiendrait-il un jour contre lui avec le même naturel et la même affection ?
— Et ? répéta-t-elle.
Il ne dégaina aucune arme, se contentant de la dévisager pour épier sa réaction. Elle n'en eut aucune, simplement parce que cette annonce ne lui faisait ni chaud ni froid. Il n'était pas le premier homme à la vouloir morte.
— Pourquoi ? s'enquit-elle.
— Ta liste, pour commencer.
Mishka déglutit avec peine, sans chercher à se justifier.
— C'est tout ? feignit-elle de s'étonner.
— Non. Je vois des choses. J'ai des visions et...
— Dallas ! l'interrompit Mia. Ne lui dis pas ! On ne peut pas lui faire confiance. Elle...
Dallas posa tranquillement la main sur l'épaule de sa collègue, qui se calma aussitôt. Ils échangèrent un regard complice. Il était manifeste qu'ils s'aimaient beaucoup, tous les deux. Non pas comme des amants, mais comme des amis de longue date, ou comme un frère et une sœur.
— Il m'arrive de voir l'avenir, reprit Dallas en reportant son attention sur Mishka. Et ce que j'ai vu te concernant n'est pas très bon. Surtout si on tient compte du fait que mes visions se sont toujours vérifiées.
Une sourde appréhension paralysait Mishka, mais ce fut d'une voix assurée qu'elle annonça :
— Je ne fais aucune confiance aux visions.
— Vraiment ? répliqua-t-il en haussant un sourcil. Si je te dis que je pense que Jaxon va mourir en essayant de te sauver, ça ne te fait donc ni chaud ni froid ?
Ses paroles menaçantes firent écho en elle. Non ! Non ! Elle n'accordait aucun crédit aux visions, mais l'évocation de la possible mort de Jaxon suffisait à la terroriser.
Croit-il ce qu'il dit ?
Probabilité de 97 %.
Non ! songea-t-elle en secouant la tête, faisant voler ses cheveux. Je ferai tout pour le protéger. C'est moi qui dois mourir, pas lui !
Mishka songea à l'avertissement sinistre qu'il venait de lui délivrer et plissa les yeux d'un air méfiant.
— Tu dis que tu penses qu'il va mourir. Tu n'en es donc pas sûr ?
Une des paupières de Dallas tressaillit lorsqu'il dut reconnaître :
— Non, je ne l'ai pas vu rendre son dernier souffle. Mishka sentit son espoir renaître et se détendit.
— Qu'est-ce que tu as « vu », exactement ?
— Je l'ai vu, lui, en train de supplier pour qu'on t'épargne. Lui, se débattant pour te rejoindre. Et toi, lui tirant en plein cœur.
— Il ne lui arrivera rien... assura-t-elle, parce que dans son esprit il ne pouvait en être autrement. Je le protégerai.
Mais elle ne pouvait pour autant faire fi du sombre augure de Dallas, qui lui glaçait le sang et la poussait à chercher quoi faire pour éviter qu'il se vérifie.
Ils veulent juste me mettre sur la touche et m’éloigner de lui, et ils sont prêts à tout pour ça. Voilà qui devait être plus proche de la vérité...
— Je vais l'aider à boucler cette affaire, dit-elle avec détermination. Ensuite, je disparaîtrai. D'accord ? Plus aucun de vous n'entendra parler de moi. Jusque-là, fichez-moi la paix !
Une voix familière, quelque part dans la planque, retentit soudain, la statufiant sur place.
— Mishka ?
— Jaxon !
La surprise, la joie et le soulagement la firent bondir. Les yeux écarquillés, le cœur battant à tout rompre, elle se dressa sur ses jambes. Jaxon était vivant, et il était de retour !
— Où est-elle ?
Cette fois, sa voix s'était rapprochée.
— Jaxon !
Elle s'élança vers la porte à l'instant où il en surgissait, contournant Mia, Kyrin et Dallas. En l'apercevant, il lui ouvrit grands les bras. Mishka s'y réfugia. Elle voulut l'embrasser, mais elle se ravisa et le secoua à bout de bras en lançant :
— Ne t'en va plus jamais comme ça !
Jaxon passa une main sur sa nuque et la dévisagea longuement. Elle vit que l'inquiétude durcissait ses traits.
— Est-ce que ça va ? demanda-t-il, avant qu'elle ait pu elle-même le faire.
— Oui, répondit-elle. Maintenant ça va.
— J'ai cru devenir dingue quand je ne t'ai pas trouvée à l'hôtel. J'ai failli aller chez Nolan, mais j'ai préféré venir voir ici avant. Ils t'ont maltraitée ?
Elle n'eut pas à lui demander de qui il voulait parler.
— Non. Ils ont débarqué à l'hôtel à peu près une heure après ton départ et ils m'ont conduite ici.
Jaxon ferma brièvement les yeux et soupira avant d'ajouter :
— Merci de ne pas les avoir tués.
— De rien.
Il l'attira contre lui et la serra fort, lui coupant le souffle. Enfin, leurs lèvres se scellèrent dans un baiser passionné. Jaxon glissa une main dans ses cheveux, l'autre lui tenait le menton. Comme si elle avait peur de le perdre encore, Mishka s'accrochait à lui. Elle sentit le désir surgir en elle, brusque et violent. Pour elle, il était cet ancrage, cet abri dans la tempête qu'elle avait renoncé à espérer. Comment avait-elle fait jusque-là pour vivre sans lui ?
Quand leurs lèvres se séparèrent, Jaxon la fixa encore longuement, comme s'il ne pouvait se repaître de sa vue.
— Dieu, ce que tu m'as manqué ! murmura-t-il.
— Qu'est-ce qui t'a retenu si longtemps ? demanda-t-elle en nichant son nez dans son cou.
Mishka sentait battre son pouls, fort et régulier. Dallas devait se tromper, songea-t-elle. Cet homme indestructible ne pouvait mourir. Du bout d'un doigt, il dessina le contour de ses lèvres, la faisant frissonner.
— Nous en parlerons dans un petit moment, répondit-il.
Sans la lâcher, il se tourna vers ses amis et demanda sèchement :
— Qu'est-ce qui vous a pris de la retenir prisonnière ?
Plus aucune trace de tendresse dans sa voix. Il paraissait capable de tuer quiconque s'opposerait à lui.
Mia haussa les épaules et expliqua crânement :
— Ça semblait la meilleure chose à faire. Elle a dressé une liste répertoriant tous les moyens de te tuer.
Jaxon balaya l'argument d'un haussement d'épaules. Mishka eut du mal à le croire. Sans chercher à en savoir davantage ni à entendre ses explications, il lui faisait confiance.
Secouant la tête d'un air dégoûté, Mia demanda :
— Où étais-tu passé ?
— Je m'expliquerai plus tard.
— Tu t'expliques maintenant, pas plus tard ! s'emporta-t-elle. Nous t'attendions. Que pouvions-nous faire d'autre ? La laisser rejoindre l'extraterrestre ? Qui a contacté ses congénères, au fait. Même si cela n'a pas l'air de t'intéresser, puisque tu n'as rien demandé.
Un muscle joua sous l'œil gauche de Jaxon, faisant frémir sa cicatrice.
— Je ne tolérerai pas que vous maltraitiez Mishka ! lança-t-il d'une voix grondante, sans relever la pique que Mia venait de lui lancer. C'est compris ?
Mia soutint fièrement son regard, sans rien ajouter. Comme pour chasser une migraine tenace, Dallas se frotta les tempes et dit d'une voix douloureuse :
— Pourquoi n'ai-je pas suivi mon instinct ? Il me suffisait de dégainer et de tirer...
Un grondement de fauve monta des lèvres de Jaxon.
— Tout va bien, intervint Mishka en le retenant. Je n'ai rien, pas la peine d'en faire un plat. Qu'on lui dise ce qu'il y a de neuf au sujet de Nolan et qu'on retourne au boulot !
De dépit, Dallas secoua la tête et sortit en trombe. En faisant face à Jaxon et en ignorant ostensiblement Mishka, Mia expliqua :
— Eden a réussi à se glisser dans l'appartement de Nolan. Avec des lunettes à rayons X, elle a vu ce que cache ce rafistolage dans le mur que tu as repéré : une sorte de livre. Mais sous peine de révéler sa présence à Nolan, elle n'a pu s'en emparer.
— A-t-il refait le coup de la disparition ?
Mia hocha la tête et précisa :
— Deux fois. Mais Lucius a appris quelque chose d'important en surveillant sa chaleur corporelle. Nolan ne glisse pas dans un univers parallèle, comme nous l'avions d'abord supposé. Il ne s'agit pas non plus de transfert moléculaire. Il se contente de devenir invisible.
— Mais... protesta Jaxon, interloqué. Je l'ai vu de mes propres yeux disparaître dans un mur !
— Pas vraiment, rectifia Mia en secouant négativement la tête. C'est ce qu'il a voulu te faire croire en disparaissant progressivement devant un mur, morceau par morceau. À mon avis, il n'a pas quitté ce bar. Peut-être même vous a-t-il suivis quand vous en êtes sortis.
Impressionnée, Mishka songea que ce sournois d'X-tro ne manquait pas de culot.
— Nous ignorons toujours qui il est prêt à trahir, conclut Mia. Nous ou ceux qu'il appelle ses « frères » ?
— Il nous faut découvrir quel est son véritable but, dit Mishka.
— Sans blague... marmonna Mia.
Jaxon se rembrunit et la fusilla du regard.
— Stop ! lui intima Mishka, sachant qu'il s'apprêtait à reprendre les hostilités.
Progressivement, il parvint à se détendre. Mishka réprima un sourire. Elle aimait le savoir aussi prompt à prendre sa défense.
— Si Nolan ne fait que se rendre invisible, résuma-t-il, ça signifie qu'il peut être retenu prisonnier, de même que les autres Schôn.
Mia approuva d'un hochement de tête.
— D'autres victimes ? s'enquit-il.
Mia acquiesça de nouveau, l'air sombre, et répondit :
— Deux civils. Jack les a fait transférer à la section 12, avec les autres, mais il a ordonné d'arrêter tous les tests lorsque trois des médecins ont été contaminés. L'une des nôtres y est également passée... Jaffee. Elle sortait avec l'un des docteurs.
Mishka déposa un baiser dans le cou de Jaxon et lui murmura à l'oreille :
— Désolée...
Serrant son épaule pour la remercier, il expliqua :
— J'ai besoin de rester seul avec Mishka quelques heures encore. Ensuite...
Un grondement de rage échappa à Mia, qui s'emporta, les poings serrés :
— Tu nous laisses tomber encore une fois pour une partie de jambes en l'air avec ta tueuse !
Lâchant Mishka, Jaxon alla se placer nez à nez avec elle.
— D'une, il n'y a pas grand-chose à faire tant que nous n'aurons pas découvert où se trouvent les autres Schôn. Et de deux, nous ne risquons pas de les découvrir tant que Nolan ne se décidera pas à bouger. Et de trois, je t'interdis de parler de Mishka en ces termes. Je te préviens : je ne le supporterai plus très longtemps.
Soudain, Kyrin vint s'interposer entre eux, ses yeux violets scintillant de fureur.
— Je ne supporterai pas moi non plus que tu parles à Mia sur ce ton ! lança-t-il d'une voix menaçante.
— Ah oui ? répliqua Jaxon en soutenant son regard sans ciller. Que comptes-tu faire pour m'en empêcher ?
Mishka avait toujours rêvé que quelqu'un vienne à son secours et la protège. Et à présent, un homme se dressait pour prendre sa défense... Jaxon avait véritablement réalisé tous ses rêves. Elle comprenait cependant qu'il valait mieux pour lui qu'il ne se batte pas pour elle, même s'il était prêt à le faire. Il pouvait fort bien y perdre ses amis, qu'il connaissait et chérissait depuis des années. Désormais son bonheur comptait davantage à ses yeux que le sien. Elle ne voulait pas qu'il se retrouve seul, lorsqu'elle ne serait plus à ses côtés.
— Jaxon... intervint-elle en lui passant doucement une main dans le dos. Ils ne m'ont pas fait mal. Ils m'ont nourrie, mise à l'abri et, d'une certaine manière, ils m'ont même tenu compagnie.
Sous sa paume, ses muscles restaient durs et tendus.
— Tu mérites tellement mieux que ça ! maugréa-t-il.
Dieu, ce que j'aime cet homme !
— C'est moi qui ai choisi de les suivre, assura-t-elle. Je savais que tôt ou tard tu te montrerais.
Jaxon inspira profondément. Elle le vit hocher la tête et se détendre. Son souffle se fit moins haché, plus régulier.
Suffoquant d'indignation, Mia poussa Kyrin et vint se camper devant lui.
— Regarde comme elle a déjà réussi à semer la zizanie entre nous ! s'écria-t-elle. Je ne serais pas étonnée qu'elle le fasse exprès. Et sa liste...
— N'a aucune importance, l'interrompit Jaxon. J'ai besoin d'elle pour avancer sur cette affaire, alors je l'emmène avec moi. Mishka constitue notre meilleure chance de réussite et tu le sais. Je ne demande rien d'autre que quelques heures avec elle pour que je puisse lui montrer quelque chose. Ensuite, elle sera en mesure de convaincre Nolan de nous conduire aux autres Schôn.
Quelque chose à me montrer ? s'étonna Mishka. Quoi ?
— Vous savez comment me joindre, conclut-il. Appelez-moi s'il se passe quoi que ce soit.
— Ah oui ? riposta Mia avec véhémence. Et toi, tu me passeras un coup de fil, quand elle mettra à exécution son plan numéro onze : t'injecter un virus par le méat urinaire, pour effacer toute trace de son forfait ?
Jaxon ne se donna pas la peine de lui répondre.
— Très bien ! lâcha sèchement Mia. Mais tu es stupide de lui faire confiance. Elle a été en contact avec son patron, après ton départ. Sais-tu qu'il lui a ordonné de te buter ?
Sur ce, Mia et Kyrin quittèrent la pièce.