19

 

 

Tapi dans la nuit, Jaxon regardait Mishka accompagner Nolan et ses deux gardes du corps jusqu'à un luxueux immeuble résidentiel. En sortant du restaurant, ils avaient emprunté des trottoirs encombrés de piétons, avant de prendre un taxi, pour finalement terminer le trajet à pied et passer le portail blanc hérissé de pointes de la résidence. Seuls les deux malabars paraissaient sur le qui-vive. Le Schôn et Mishka, quant à eux, étaient trop occupés à discuter... ce qui ne manquait pas de l'irriter.

Le portail se referma automatiquement derrière eux, et ils disparurent bientôt dans le hall de l'élégant immeuble en brique, ou du moins, en métal imitant la brique. Après la guerre contre les aliens, la plupart des immeubles avaient été reconstruits pour résister au feu, aux bombes et autres pouvoirs étranges des extraterrestres.

Même s'il avait été convenu qu'ils devaient se revoir dès le lendemain matin, Jaxon savait que Mishka laisserait tomber Nolan pour venir le retrouver. En tout cas, elle avait intérêt à le faire... D'un coup d'œil, il consulta l'écran verdâtre de sa montre : 21.27. Il lui donnait un quart d'heure pour sortir de l'immeuble. En fait, non : cinq minutes suffiraient. Il ne faisait pas confiance au Schôn et ne voulait pas exposer Mishka plus que nécessaire à sa malfaisance. D'autant plus qu'il savait à présent que le virus contaminait toutes les femmes, fertiles ou non.

Je peux te faire pénétrer dans l'immeuble, annonça Eden au creux de son oreille.

Le van l'avait suivi avec le reste de l'équipe. Rien de plus facile, puisqu'il avait accepté qu'on lui injecte une dose d'isotope traqueur quelques jours auparavant.

— Pas encore, grogna-t-il.

Il s'appuya contre un mur. La petite rue dans laquelle il se trouvait bruissait d'animation. Des passants déambulaient sur les trottoirs ; les enseignes au néon des boutiques clignotaient ; les voitures vrombissaient sur la chaussée.

Tu n'as qu'à monter les tuer tous les deux. Traîner dans le coin ne sert à rien.

Cette fois, c'était la voix de Mia qui lui susurrait ce conseil à l'oreille.

— Je sais ce que je fais, mentit-il.

Il avait pris le temps d'ôter son faux nez et de se démaquiller. Non pas parce que Nolan et Mishka l'avaient reconnu, mais parce qu'il voulait être lui-même lorsqu'il l'embrasserait. Car il ne faisait pas l'ombre d'un doute qu'il l'embrasserait - passionnément -, même s'il lui faudrait auparavant lui poser quelques questions.

Quelle serait la réaction de Mishka ? Se laisserait-elle faire ? Se prêterait-elle avec enthousiasme à ce baiser ? Il n'avait jamais réellement eu à fournir d'effort pour obtenir ce qu'il voulait. Sauf pour les femmes et le sexe, et cela uniquement à cause de ses cicatrices.

Jaxon avait trouvé au sein de l'A.I.R. une nouvelle famille. Il s'y était intégré sans difficulté. Pourtant, il aurait pu être viré que cela ne l'aurait pas traumatisé. Pour les femmes, il en allait de même. Beaucoup l'avaient quitté et, loin de s'en lamenter, il s'en était réjoui. Tout cela, finalement, n'avait eu que peu d'importance à ses yeux.

Mais désormais, quelqu'un comptait vraiment pour lui. Conquérir Mishka ne serait pas une tâche aisée. La convaincre qu'ils étaient faits l'un pour l'autre allait constituer le challenge le plus difficile de son existence. Il ne lui était cependant pas possible de reculer ; il ne le voulait pas. Sans doute allait-elle le repousser mille fois. Il allait être plus têtu qu'elle et reviendrait à l'assaut mille et une fois. La victoire serait à lui.

Garce suprême en approche... marmonna Mia d'un ton fielleux.

Le portail blanc grinça sur ses gonds, le ramenant à l'instant présent. Et soudain, Mishka ne fut plus qu'à quelques mètres de lui. Elle ne s'était pas changée, n'avait pas retiré sa perruque. Elle ressemblait toujours, avec sa tenue tapageuse, à quelque escort-girl de luxe. Immobile, les yeux étrécis, elle fouilla l'obscurité.

Le cœur de Jaxon se mit à cogner plus fort. Son sang fusa dans ses veines, dans son sexe qui bondit de désir. Le manque d'intimité ne l'arrêtait pas. Il aurait dû commencer à être habitué à une réaction aussi viscérale en présence de Mishka, mais il ne s'y faisait pas. Comme à l'approche d'un festin, il eut l'eau à la bouche. Cela faisait trop longtemps qu'il était privé d'elle. Au diable les questions ! s'emporta-t-il en son for intérieur. Elle d'abord.

Sortant de la pénombre, il marcha vers elle à grands pas. Elle écarquilla les yeux dès qu'elle le vit. Non pas sous l'effet de la surprise, car elle avait dû se douter qu'il la suivrait, mais folle d'excitation. Un sentiment de triomphe caressa Jaxon qui comprit qu'elle le désirait vraiment et ne le repousserait pas.

Sans un mot, Jaxon la prit par le bras et l'entraîna dans la pénombre d'une allée latérale. Dès qu'ils furent à l'abri des regards, il la plaqua contre un mur et elle se laissa faire sans protester. Enfin, leurs corps, leurs lèvres purent se mêler dans l'urgence d'un baiser passionné. Mishka avait refermé ses mains sur sa nuque. Leurs langues s'affrontaient, pressées qu'elles étaient d'apaiser le manque né d'une semaine de séparation.

La saveur féminine et envoûtante de Mishka fit flamber le désir de Jaxon. Sa main se posa sur sa poitrine, et il soupira de déception en constatant qu'elle portait un soutien-gorge à bonnets renforcés. Il lui fallut plonger dans son décolleté pour pouvoir atteindre la douceur d'un sein. Instantanément, il sentit son mamelon durcir contre sa paume. En grognant de plaisir, Mishka leva une jambe autour de ses hanches et glissa les doigts dans ses cheveux pour mieux l'attirer contre elle.

— Est-ce qu'il t'a touchée ? demanda-t-il d'une voix grondante lorsqu'il leur fallut reprendre leur souffle.

— Non.

— Est-ce que tu voulais qu'il le fasse ?

— Non.

Elle lui avait répondu sans hésiter, mais d'un ton un peu nerveux qui l'intrigua.

— Pourquoi ? insista-t-il.

— Parce qu'il n'y a que toi !

... que toi ! Ses paroles firent écho dans sa tête, véritable douche froide à son désarroi et sa rage naissante de l'avoir sue aux prises avec l'extraterrestre. Il lui murmura, lèvres contre lèvres :

— Tu es à moi. À moi !

Comme si cette proclamation avait suffi à lui faire perdre la tête, elle roula des hanches contre lui.

— Jaxon, je... je ne... balbutia-t-elle. S'il te plaît, embrasse-moi encore...

— Dis-moi d'abord ce que je veux entendre, insista-t-il. Je comprends pourquoi tu as voulu m'écarter de ta vie, mais je ne le tolérerai plus, tu m'entends ?

— Je ne le ferai plus, promit-elle. Je ne... peux pas. Avec toi... je suis trop faible.

Jaxon aurait voulu arracher son pantalon et la prendre sur-le-champ.

— Nous resterons ensemble, reprit-il d'une voix rauque. Pour toujours.

Dans l'oreillette, il entendit Mia grogner avec dégoût :

Promesse de mâle en chaleur.

— Laissez-moi cinq minutes ! s'emporta-t-il, agacé.

— Quoi ? s'étonna Mishka. Oh non...

La tête penchée sur le côté pour observer le pavillon de son oreille, elle venait de comprendre qu'il était appareillé.

Cinq minutes ? se moqua Mia d'une voix venimeuse. J'ignorais que tu étais si rapide...

De sa main libre, Jaxon arracha l'oreillette et la jeta sur le sol. Alors, sachant qu'il en allait de la confiance que Mishka pouvait lui accorder, il fit ce qu'il n'avait jamais fait et détruisit le matériel de l'agence. D'un coup de talon, il ne resta rien du coûteux appareil de liaison à distance.

— Enfin seuls, grogna-t-il. Juste toi et moi.

— Tant mieux !

Mishka recommença à frotter son pubis contre le sexe de Jaxon. La tête rejetée en arrière, râlant de plaisir, elle semblait ne pas se soucier qu'on puisse les surprendre. D'un regard panoramique, Jaxon examina les alentours. La sécurité de Mishka passait avant la satisfaction de son propre désir. Heureusement, l'allée était sombre et déserte et les passants qui continuaient à défiler dans la rue adjacente ne leur prêtaient aucune attention.

Pourtant, ils n'allaient pas célébrer en pleine rue ces retrouvailles. Encore un instant... se promit-il. Les autres avaient la situation sous contrôle et la perspective de devoir lâcher Mishka lui était intolérable. Les paupières mi-closes, les lèvres rouges et gonflées, encore humides de leur baiser, elle était adorable. Il s'enivra de son parfum et suivit du bout des lèvres la ligne de son menton et de son cou.

— Je t'ai manqué ? s'enquit-il à mi-voix.

— Énormément.

Après avoir senti sous sa langue le battement précipité de son pouls, Jaxon souleva son sein dont il embrassa avec gourmandise le galbe parfait.

Secouée par un frisson, Mishka demanda :

— Tu n'es pas fâché ? Je t'ai joué un sale tour...

— Je venais moi-même de t'en jouer un autre en te laissant paralysée sur ton lit.

Impatient de l'avoir nue contre lui, Jaxon empoigna robe et soutien-gorge et tira pour la dénuder jusqu'en dessous des seins. Doux Jésus ! Ses mamelons roses et dressés ne demandaient qu'à être goûtés. Incapable de résister, il attira l'un des bourgeons de chair entre ses lèvres. Mishka lâcha un petit cri de plaisir. Il la sentit frémir contre lui. Au comble de l'excitation, les joues empourprées, elle secouait la tête en murmurant tout bas, d'un ton suppliant :

— Jaxon... Jaxon, je...

— Fais-moi confiance, murmura-t-il. Je ne te laisserai pas tomber, bébé.

Lentement, il laissa ses doigts descendre le long de son ventre plat, jusqu'à l'ourlet de sa robe, qu'il remonta pour pouvoir glisser sa main dans sa petite culotte. Le souffle court, Mishka laissa retomber sa jambe et se planta solidement sur le sol, les jambes écartées, l'invitant clairement à aller plus loin. Non sans une certaine fierté, Jaxon prit conscience que ce désir qu'il suscitait ne tenait qu'à lui. Elle n'en voulait pas à son argent, elle ne cherchait pas à ce qu'il passe l'éponge sur un crime qu'elle aurait commis, et elle ne voulait pas non plus le distraire. C'est moi qui lui fais cet effet-là... songea-t-il avec orgueil. Rien d'autre ne comptait pour lui : ni l'endroit, ni ses amis, ni le riverain qui aurait pu surgir.

— Vite, vite ! Caresse-moi ! le pressa-t-elle. Je n'en peux plus !

— Cela n'en sera que meilleur.

Le sexe de Jaxon étouffait sous son jean. Chaque seconde qui s'écoulait rendait plus impérieuse l'envie qui le tenaillait de la pénétrer. Pas ici, pas maintenant, tenta-t-il de se raisonner. Plus soucieux d'elle que de lui, il fit glisser deux doigts dans la fente humide et chaude qui n'attendait que lui et ne s'arrêta qu'en atteignant son but, le pouce pressé contre son clitoris. Mishka poussa un cri d'extase qu'il recueillit sur ses lèvres. De nouveau, leurs langues se mêlèrent. La passion les embrasait, semblable à un feu de forêt que rien ne peut contenir. Leur baiser se fit plus violent encore. Mishka, perdant tout contrôle, lui mordit la lèvre sans que jamais les doigts de Jaxon ne cessent d'aller et venir en elle. Soudain, elle fut transportée de plaisir et elle dut s'accrocher désespérément à lui pour ne pas tomber.

— C'est bien, bébé... murmura Jaxon. Très bien. Dès qu'il eut retiré sa main, son sexe douloureusement bandé se rappela à lui.

— Tu as une chambre, quelque part ?

L'urgence du désir rendait sa voix méconnaissable.

— Eh bien, eh bien...  N'est-ce pas mignon, tout ça ?

Au son de la voix de Mia, Mishka tressaillit et Jaxon tourna violemment la tête. Accompagnée de Dallas, Eden, Lucius et Devyn, elle se découpait en ombre chinoise au débouché de l'allée. Pour lui permettre de se rajuster, il fit passer Mishka derrière lui en se maudissant intérieurement. Comment avait-il pu s'imaginer que ses amis ne finiraient pas par se pointer ?

— Foutez le camp ! aboya-t-il.

N'importe qui d'autre n'aurait pas été en mesure de le voir dans cette obscurité, mais les agents de l'A.I.R., entraînés à combattre dans le noir, avaient une meilleure vision que le commun des mortels. Rien ne devait leur échapper, de son front en sueur à sa braguette distendue en passant par le filet de sang qui coulait de sa lèvre fendue.

— Elle se joue de toi, Jaxon... reprit Mia. Pourquoi ne veux-tu pas le comprendre ?

Le désir inassouvi qui bouillonnait en lui fit place à une fureur noire.

— Je crois me rappeler qu'il y a quelques mois de ça tu couchais avec un suspect de meurtres, Mia ! Alors ferme-la et fous-moi la paix...

— Kyrin n'est pas et n'était pas un meurtrier !

— Tu n'en savais rien à l'époque, lui rappela-t-il.

— Je le savais au fond de mon cœur.

— Tout comme je sais au fond de mon cœur que Mishka n'est pas la garce au cœur de pierre que tu t'imagines.

Mishka le contourna et se campa à côté de lui. En lui jetant un coup d'œil en biais, Jaxon réprima un juron de déception. La douce amante éperdue qu'il venait de serrer contre lui et de faire jouir n'était plus. Fièrement redressée, le visage de marbre suintant de glaciale indifférence, elle paraissait mettre un point d'honneur à le faire mentir. Armée d'un poignard, elle lança à Mia :

— Finissons-en !

Mia lui sourit, trop heureuse de cette issue. Comme par enchantement, une lame apparut au bout de son bras.

 

Le'Ace était profondément ébranlée. Elle était passée, en quelques minutes, des frissons du besoin au cataclysme de l'extase entre les bras de Jaxon. Et à présent, sans transition, à peine remise et encore tremblante, voilà qu'il lui fallait affronter Mia Snow... Peut-être ainsi arrêterait-elle de la dénigrer auprès de Jaxon. Lui avait-elle déjà raconté ce qu'elle avait fait à Élise ? Probablement.

Et pourtant, il restait là, à ses côtés, prêt à la soutenir et à la défendre farouchement, contre ses amis s'il le fallait. Elle en était bouleversée ; cela signifiait qu'un homme - un homme bon, intelligent, sensuel et fort -lui faisait enfin confiance et croyait en elle.

— Tu comptes rester plantée là toute la nuit ? lança Mia.

Le'Ace sentit les doigts de Jaxon se refermer autour de son poignet et elle frissonna longuement.

— Je ne veux pas que tu te battes, dit-il.

Sur la pointe des pieds, elle déposa un baiser léger sur sa joue balafrée et murmura :

— Je te veux, et c'est pour moi la seule façon de t'avoir. Elle est ton amie, je ferai donc en sorte de ne pas la blesser.

Non sans une certaine fierté, elle ajouta :

— Du moins, pas trop gravement.

Toujours prompte à s'enflammer, Mia perdit son sourire et lança d'un ton grinçant :

— Garce ! Tu vas mordre la poussière...

Résigné, Jaxon se redressa et conclut :

— D'accord, bébé. Arrange-toi pour qu'elle puisse encore marcher. Malgré son sale caractère, je l'aime encore comme une sœur.

Sur ce, il lâcha le poignet de Mishka et dit en s'adressant au reste de ses amis :

— Si vous vous en mêlez, je n'hésiterai pas à vous en empêcher. Par la force si nécessaire.

Tous - sauf Eden - dressèrent leurs mains devant eux pour signifier qu'ils n'en avaient pas l'intention. Ils avaient toute confiance en Mia et la voyaient l'emporter, mais ils n'avaient jamais vu Mishka à l'œuvre...

Les deux femmes se rejoignirent au milieu de l'allée. Au fond d'elle-même, Mishka n'était pas dupe. Son but était bien de rabattre son caquet à Mia, mais elle cherchait aussi à impressionner Jaxon. À de multiples reprises, il avait mérité son admiration, alors qu'elle s'était ingéniée, elle, à le décevoir. À présent, elle était décidée à se battre pour le conquérir. Du moins, pour le peu de temps qu'il leur serait permis de rester ensemble.

— Il y a quelqu'un d'autre que cette situation excite ? demanda en riant l'alien qu'ils appelaient Devyn.

— Ferme-la, pervers !

Eden avait beau feindre de s'emporter, une certaine affection avait transparu dans le ton de sa voix.

— Tu en as mis du temps avant de me rejoindre, la nargua Mia.

Elles se tenaient presque nez à nez, toutes deux prêtes à en découdre à tout instant.

— Oui, répondit tranquillement Le'Ace. J'avais oublié à quel point tu as de petites jambes.

— Si tu savais combien j'ai pu rêver de te tuer...

Les yeux couleur saphir de Mia étincelaient d'une joie anticipée.

— Tu ne m'apprends rien, répliqua Le'Ace.

— Tes dernières paroles ?

— Ouais. Marre de t'entendre déblatérer.

Au terme d'une courte pause, comme s'il lui avait fallu digérer l'insulte, Mia passa à l'attaque. Son bras armé se détendit, visant le cou. Le'Ace, arquant le dos, esquiva le coup mais la lame ne passa qu'à deux doigts de sa jugulaire. Furieuse de son échec, Mia ne réalisa qu'elle avait baissé sa garde que lorsque le poing en métal de Le'Ace s'abattit sur sa tempe, l'envoyant balader sur l'herbe.

Kyrin poussa un grognement sourd et se porta en avant. Jaxon, qui l'avait vu venir, dégaina son pyroflingue, dont le rayon bleu étincelant paralysa instantanément l'amant arcadien. Le coup n'était ni mortel ni douloureux. Il allait simplement le mettre momentanément hors circuit.

— Merci ! lança Le'Ace par-dessus son épaule.

— De rien, répondit Jaxon.

Mia, qui avait eu le temps de se redresser, enregistra avec une grimace le sort réservé à son homme et se lança de nouveau à l'assaut. Si elle était apprêtée pour combattre, Le'Ace, elle, ne l'était pas. Ses boots à talons interminables l'empêchèrent de conserver son équilibre lorsque l'épaule de Mia vint percuter son ventre.

Elle s'arrangea pourtant pour empoigner au passage le bras de son adversaire et toutes deux allèrent rouler sur la chaussée. Mia parut l'espace d'un instant pouvoir prendre le dessus, puis Le'Ace renversa la situation en la clouant sur l'asphalte. Sa tête alla cogner par terre et elle dut voir trente-six chandelles.

Mais si étourdie fût-elle, elle parvint néanmoins à brandir une nouvelle fois son arme, que Le'Ace dut stopper en lui serrant le poignet entre ses doigts. Elle aurait pu le lui briser d'un coup sec, mais elle se contenta de serrer suffisamment fort pour lui faire lâcher son poignard, qui alla percuter le sol dans un bruit retentissant.

Alors, de sa main libre, elle assena un coup de poing dans la poitrine de Mia. Et tandis que celle-ci s'efforçait désespérément de reprendre son souffle, elle la chevaucha en lui enfonçant les genoux dans les épaules. Un coup de poing au visage s'ensuivit, puis un autre.

Ajustement de la puissance ! ordonna-t-elle à la puce. Pas d'os brisés.

Un nouveau coup de poing s'abattit. Cette fois, Le'Ace sentit ses muscles adapter leur effort pour amortir le choc. Mais soudain, en s'arc-boutant sur le sol, Mia parvint à la déstabiliser. En quelques instants, elles furent de nouveau sur pied, à se surveiller l'une l'autre, prêtes à remettre cela. La bouche et le nez de Mia saignaient en abondance.

— Tu as ton compte ? s'enquit Le'Ace.

— Va te faire foutre ! cria Mia en s'élançant. Le'Ace retourna son arme de manière à ce que le manche percute la tempe de Mia, mais celle-ci parvint à l'esquiver de justesse. Le coup l'atteignit à l'épaule.

— Tourne-toi plus vite, la prochaine fois ! l'encouragea Dallas.

— Dépêche-toi d'en terminer, bébé... renchérit Jaxon. J'ai besoin de te parler. En privé.

Un tête-à-tête avec lui ? Rien de plus motivant pour elle.

— Encore deux minutes et je suis à toi ! lança-t-elle.

Mia grinçait des dents. Un grondement ininterrompu montait de ses lèvres. Elle adopta l'immobilité du prédateur guettant sa proie, plissa les yeux, serra les mâchoires... puis elle disparut.

Désarçonnée, Le'Ace regarda à droite, puis à gauche, sans trouver trace de son adversaire. Soudain, un poing lui percuta l'arrière de la tête. Cette fois, ce fut à elle de voir trente-six chandelles. Elles explosèrent sous ses paupières closes le temps qu'elle fasse volte-face pour affronter Mia... sauf que de Mia il n'y avait toujours aucune trace derrière elle. Où a-t-elle bien pu passer ? Un nouveau coup de poing dans la nuque la fit basculer sur le côté. Dans l'espoir de faire cesser le vertige qui s'était emparé d'elle, elle battit rapidement des paupières.

Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle à la puce. L'alien est passé en hypervitesse.

L'alien ? Mia était d'origine extraterrestre ?

Un autre coup de poing, plus fort encore, ne lui permit pas d'y réfléchir plus longuement. Cette fois, Le'Ace ne put même pas garder son équilibre. Prise de vertiges, elle tomba sur les fesses. Ralentis-la !

Impossible. Passage en hypervitesse.

Progressivement, Le'Ace vit le monde se figer autour d'elle. Elle n'entendait plus la rumeur de la rue, mais bientôt il lui fut de nouveau possible de voir Mia devant elle, le poing levé et prêt à la frapper au visage. Leurs regards se verrouillèrent. Elle leva la main pour bloquer le coup. Mia écarquilla les yeux et s'étonna :

— Tu peux me voir ?

Même si tout autour d'elle s'était figé dans un silence absolu, Le'Ace la voyait et l'entendait parfaitement.

— Oui, pourquoi ?

A son tour, elle frappa - pas de retenue cette fois -, projetant son poing de métal dans le sternum de Mia. Celle-ci fut violemment propulsée vers l'arrière, dans un cri de douleur. Elle alla buter sur un mur contre lequel elle glissa lentement, les yeux crispés par la souffrance et la bouche grande ouverte.

Retour à la normale. Hypervitesse désactivée.

Aussitôt, le monde reprit aux yeux de Le'Ace son aspect habituel. Tout se remit à bouger autour d'elle. Une voiture klaxonna dans la rue voisine. Grisée par un profond sentiment de victoire, elle inspira à fond et annonça :

— Je suis prête.