20
Une demi-heure plus tard, ils se retrouvèrent seuls dans une chambre d'hôtel. Un lit immense couvert d'un couvre-lit blanc occupait presque tout l'espace disponible, mais ils n'y roulèrent pas immédiatement comme Le'Ace avait pensé - espéré - qu'ils le feraient.
Elle s'était assise, nerveuse, au bord du matelas. Lui s'était réfugié dans le coin le plus éloigné, adossé au mur. Apparemment, dans sa bouche, « parler » n'était pas le nom de code pour « faire l'amour ».
— Que font tes amis ? s'enquit-elle, juste pour rompre l'insupportable silence.
Jaxon haussa les épaules.
— Avec un peu de chance, Kyrin doit être sorti de sa paralysie et doit s'occuper de Mia. Au fait, tu devrais te méfier de lui. Mia est l'amour de sa vie, et j'ai vu dans ses yeux des envies de meurtre quand tu l'as terrassée. Quant aux autres, ils doivent soit surveiller Nolan à distance, soit tenter de pénétrer dans son appartement.
— Et toi ? Tu es libre pour la nuit ?
— Je me suis libéré, oui.
— Alors qu'as-tu en tête ?
Le'Ace dut plonger ses mains tremblantes entre ses cuisses pour cacher sa nervosité.
Sans lui répondre, Jaxon la dévisagea longuement, le visage indéchiffrable.
— Es-tu équipée d'une caméra ? demanda-t-il enfin. D'un micro ? Enregistres-tu tout ça pour Nolan ?
Le'Ace en resta bouche bée. Elle n'eut la présence d'esprit de la refermer qu'un long moment plus tard.
— Bien sûr que non ! protesta-t-elle enfin. Je n'arrive pas à croire que tu puisses me demander ça. Pas seulement parce que c'est insultant : c'est aussi ridicule. Il me semble que tu viens de me faire une fouille au corps assez poussée.
— Prouve-moi ton innocence. Déshabille-toi.
Les bras croisés, Jaxon paraissait ne pas plaisanter.
— Pardon ? répondit-elle sèchement.
— Enlève ce manteau. Ensuite, la robe.
Pour qui se prenait-il ? Comment osait-il l'accuser ? Le'Ace savait qu'elle aurait dû le planter là, mais elle n'en avait pas la force. Aussi demeura-t-elle assise au bord du lit à le foudroyer du regard, le menton dressé.
— Et toi ? répliqua-t-elle. Caches-tu une caméra ? Après tout, Mia Snow - la reine des garces - est de ton côté. Elle aurait pu te convaincre de me trahir. À toi de me prouver ton innocence d'abord. Enlève tes vêtements !
Sans la quitter des yeux, Jaxon se défit en un geste rapide et souple de son tee-shirt, dénudant un torse aux muscles d'acier, uniquement paré des lanières qui maintenaient ses armes en place.
— À ton tour, dit-il en jetant le vêtement sur le sol.
Un peu chancelante, Le'Ace se mit debout. Si fâchée qu'elle ait pu être contre lui, elle sentait de nouveau le désir lui mordre les tripes. D'une secousse de ses épaules, elle se débarrassa de son manteau. Puis ses doigts cherchèrent dans son dos l'agrafe de la robe, qui ne tarda pas à suivre le même chemin, la laissant nue dans un ensemble culotte-soutien-gorge d'un bleu vibrant, qu'elle avait choisi tout spécialement pour Jaxon.
— Les chaussures, reprit-il, la voix un peu tremblante.
Le'Ace passa la langue sur ses lèvres et rétorqua :
— Retire d'abord ton pantalon ! ordonna-t-elle dans un souffle. Je n'ose imaginer ce que tu peux cacher là-dessous.
Elle sentit ses tétons, sous la dentelle céruléenne, durcir immédiatement à cette évocation.
Sans se baisser, Jaxon se défit de ses chaussures. Lentement, ses doigts défirent les boutons de sa braguette. Le pantalon léger, de lui-même, tomba en une flaque de tissu à ses pieds. Il portait dessous un caleçon noir, qui lui arrivait à mi-cuisse. Plusieurs autres armes étaient également sanglées à ses membres inférieurs.
— À toi ! lança-t-il d'une voix rauque.
Le'Ace sentait l'excitation monter en elle. Ce qui avait commencé comme un défi se poursuivait comme un jeu sensuel. Se tournant sur le côté, elle souleva une jambe tendue devant elle et posa un pied au bord du matelas. À cette vue, Jaxon poussa un gémissement étouffé.
— Tu es si belle... murmura-t-il, d'une voix qui sous-entendait : tu es à moi.
Grisée par le pouvoir qu'elle exerçait sur lui, Le'Ace baissa la fermeture à glissière de sa chaussure et l'enleva. Elle fit de même avec la deuxième. Un frisson la parcourut quand elle se tourna vers lui.
Plus du tout impassible, Jaxon irradiait d'un désir fou qui le dominait, durcissait ses traits, faisait frémir son membre dressé dont l'extrémité jaillissait de la ceinture élastique du caleçon. Entre ses jambes, elle sentit son propre désir répandre sa brûlante moiteur.
— Les gants ! ordonna-t-il d'une voix râpeuse.
D'ordinaire, Le'Ace cachait son bras de métal avec une obstination tournant à l'obsession. À ses yeux, il était un constant rappel qu'elle n'était pas tout à fait humaine. Jaxon, pour sa part, semblait l'accepter et l'aimer telle qu'elle était - bras compris -, comme si sa différence ne devait pas être un motif de rejet mais d'adoration.
Lentement, elle fit rouler ses gants le long de ses bras et les retira.
— Co... comme tu peux le constater, balbutia-t-elle, je ne cache ni caméra ni micro.
Etait-ce réellement sa voix qui venait de s'exprimer ainsi, tremblante de désir ?
— Ça ne veut rien dire, objecta Jaxon en secouant négativement la tête. Tu pourrais cacher ça sous la dentelle.
— Certainement pas.
— Je crois que je vais devoir entreprendre une nouvelle fouille au corps pour le vérifier.
Ses yeux brillaient de malice. À cet instant, Le'Ace comprit qu'il ne l'avait jamais soupçonnée de lui tendre un piège. Il plaisantait. Il s'amusait. Deux notions qui avaient été si cruellement absentes de sa propre vie jusque-là. Un sourire attendri se dessina lentement sur ses lèvres.
— Viens là ! ordonna Jaxon, les yeux fiévreux.
En secouant négativement la tête, elle réalisa qu'elle portait encore sa perruque. Cela n'allait pas du tout. C'était elle qu'elle voulait lui montrer, pas un personnage de mission. Le'Ace arracha d'un bloc la perruque, les aiguilles et le filet qui la maintenaient en place. Du bout des doigts, elle démêla ses propres cheveux, qui bientôt cascadèrent en mèches auburn sur ses épaules.
Jaxon poussa un long gémissement douloureux.
— Tu me tues ! lança-t-il dans un souffle.
— Alors viens ici.
Il fut devant elle dans l'instant, si proche que sa chaleur corporelle lui réchauffa la peau et que son souffle lui caressa la joue. D'une main tremblante, il effleura son visage et avoua tout bas :
— Tu ne peux pas savoir ce que tu m'as manqué. Jaxon souleva son bras de métal et déposa un baiser sur le poignet avant de demander :
— L'as-tu senti ?
— Pas physiquement.
Mais ce geste lui allait droit au cœur. Pour lui, elle n'était pas une machine mais une femme - la femme dont il s'était épris. Soudain, un constat la fit frissonner. Je l'aime, et il ne me reste que peu de temps à passer avec lui.
Ne pense qu'à l'instant présent !
Avec un sourire malicieux, elle se laissa lentement tomber à genoux devant lui.
— Mais... protesta-t-il, les yeux écarquillés. Qu'est-ce que tu fais ?
— Je ne te laisse pas tomber. Comme tu l'as fait pour moi.
Le'Ace glissa les pouces sous la ceinture élastique et tira d'un coup sec. Le long sexe bandé de Jaxon, libéré, se dressa devant elle.
— Et tu n'es pas le seul à devoir faire une fouille au corps assez poussée, ajouta-t-elle.
— Tu n'as pas à faire ça, reprit-il d'une voix étranglée.
Non. Elle n'avait pas à le faire. Mais elle avait perçu dans le ton de sa voix le désir mêlé à l'impatience et, pour rien au monde, elle n'aurait reculé.
À dix-huit ans, elle avait été entraînée à accomplir cet acte. Un homme qu'elle n'avait jamais vu était arrivé et avait placé devant elle plusieurs godemichés en plastique. Il lui avait ensuite expliqué en détail l'art et la manière d'user de sa bouche, de sa langue, de ses dents, pour amener un homme à la jouissance.
Jamais elle n'avait apprécié cela. Une fois, un impatient avait failli l'étouffer. En représailles, elle l'avait mordu suffisamment pour faire jaillir le sang. Sans doute devait-il en garder, des années plus tard, un cuisant souvenir et quelques difficultés à bander.
Naturellement, on l'avait punie pour cela. Un jour entier à se tordre de souffrance sur son lit, s'attendant à tout instant à ce que sa tête explose et priant secrètement pour que cela se produise.
Mais puisqu'il s'agissait de Jaxon, elle avait envie de lui faire ce cadeau, de le sentir en elle, de le goûter ainsi.
— Tu n'as pas à faire ça, répéta-t-il, les doigts plongés dans ses cheveux.
— Je sais, répondit-elle, la tête levée vers lui. Mais j'en ai terriblement envie.
Le souffle de Jaxon se fit court, saccadé.
— Dans ce cas, reprit-il avec un sourire un peu crispé, qui suis-je pour t'en empêcher ?
Du bout de la langue, elle lécha l'extrémité lubrifiée de son gland, au goût un peu salé. La tête rejetée en arrière, Jaxon ferma les yeux et poussa un long gémissement. Encouragée, elle ouvrit grande la bouche et l'engloutit. Jaxon émit un long râle puissant, presque sauvage.
— Bon Dieu, bébé ! gémit-il. Ne t'arrête pas. Surtout, ne t'arrête pas !
D'avant en arrière, Le'Ace commença à se mouvoir. Jaxon prenait garde à rester immobile. Ses doigts dans ses cheveux ne la pressaient pas. Il la laissait libre de décider à quel rythme et jusqu'où elle voulait aller. Cette liberté accrut encore son propre désir. Bientôt, plus rien de ce qu'on lui avait appris ne compta pour elle. Son sexe dressé dans sa bouche était si chaud, si fort, que lui seul importait pour elle à présent. Sa langue en titillait le gland chaque fois qu'elle y parvenait. Du bout des dents, elle agaçait la base du membre dressé, tandis que ses doigts s'enroulaient autour de ses testicules. Attention, tout en douceur, ne lui fais pas mal...
Aux râles de Jaxon se mêlaient ses sourdes plaintes. Bientôt, songeait-elle, ce sexe gonflé se glisserait au plus profond d'elle-même pour lui offrir ce même plaisir. Cette perspective la fit à son tour gémir. La pression, au creux de son ventre, se fit impérieuse. Le dos arqué, elle frotta ses seins dressés contre les cuisses de Jaxon, ce qui finit par avoir raison de lui. Dans ses cheveux, elle sentit ses doigts se crisper et sa semence brûlante jaillit par saccades dans sa bouche. En l'entendant gémir, encore et encore, elle s'enorgueillit du pouvoir qu'en tant que femme elle avait sur lui. C'est moi qui lui ai fait ça... Moi qui l'ai fait jouir.
Les jambes en coton, Le'Ace se redressa. La voyant chanceler, Jaxon la rattrapa, la souleva dans ses bras et la porta jusqu'au lit. Sans un mot, il l'y rejoignit et elle se pelotonna contre lui.
— J'ai besoin de deux minutes pour récupérer, annonça-t-il. Lorsqu'un homme a joui, il reste en phase avec sa part féminine durant un instant. Si tu parviens à patienter, je saurai faire en sorte que tu ne le regrettes pas.
Deux minutes ? Une éternité...
— Tu vas devoir distraire mon attention si tu ne veux pas que je te saute dessus, prévint-elle.
Hélas, elle ne plaisantait pas. Le feu qui coulait dans ses veines brûlait trop pour se laisser ignorer.
— Raconte-moi où tu as récolté celle balafre, suggéra-t-elle, résignée. Ou si c'est trop personnel, raconte-moi...
— Je te raconterai tout ce que tu voudras, l'interrompit-il en laissant un doigt indolent remonter le long de son dos. J'étais ce qu'on appelle un « ado difficile » : je découchais, je buvais, je me droguais. Une fille que je connaissais s'est tuée parce que je l'avais blessée. Suite à ça, je me suis un peu assagi. Mais une nuit, à l'université, j'ai couché avec une fille lors d'une fête et nous nous sommes tous les deux effondrés dans un lit. Quelqu'un nous a découverts et s'est empressé d'aller le raconter au petit ami de la fille, qui a surgi dans la chambre et m'a tailladé alors que j'étais encore trop sonné pour l'en empêcher.
— La chirurgie plastique pourrait arranger ça... suggéra Le'Ace.
Jaxon secoua la tête et précisa :
— Elle a déjà fait ce qu'elle a pu. Et elle ne peut pas mieux que ça. Est-ce que ça t'embête ?
Il avait posé la question d'un air désinvolte, mais elle sentait que sa réponse ne lui serait pas indifférente.
— Tu plaisantes. J'aime cette cicatrice.
— J'en suis heureux.
Elle sentit les mains de Jaxon se refermer autour de ses bras. Un instant plus tard, il la hissa et elle se retrouva à califourchon au-dessus de lui. En même temps qu'elle écarquillait les yeux, un petit hoquet de surprise autant que de plaisir lui échappa.
— Les deux minutes sont passées, annonça Jaxon. Je suis de nouveau un homme. Tu comptes garder ta culotte ?
— Arrache-la !
Aussitôt dit, aussitôt fait. La culotte valsa à travers la chambre. Le contact peau contre peau qui s'ensuivit les fit tous deux frissonner de plaisir, mais Le'Ace voulait davantage. Elle dégrafa son soutien-gorge, qui suivit le même chemin que la culotte.
— Laisse-moi goûter à ces jolis petits seins ! lança Jaxon d'une voix impérieuse, en la faisant rouler sur le dos.
Sa bouche gourmande se referma sur l'un de ses mamelons. Merveilleux. Dans son dos, Le'Ace sentait la literie douce et glacée. Et sur elle, son corps dur et chaud, tendu par le désir.
— Pose les pieds à plat sur le lit et écarte les jambes, reprit-il.
En tremblant légèrement, elle s'exécuta et lui agrippa les cheveux pour l'attirer plus près d'elle encore.
Avec ses lèvres, sa langue, ses dents, Jaxon ne laissait aucun répit à ses pointes dressées. Une de ses mains descendit lentement jusqu'à son pubis et jusqu'à son entrejambe, dans lequel il introduisit un doigt, puis deux, la pénétrant de plus en plus profondément.
— Je ne te laisserai jamais partir ! lui intima-t-il. Cela m'est impossible. J'ai terriblement envie de toi. Trop, sans doute, pour toi comme pour moi. Je risque de me retrouver en taule, car je me sens prêt à te harceler pour ne pas te quitter. Celui qui te fait du mal, je le bute !
— Jaxon ! gémit-elle. Je... plus vite ! Plus fort !
Il se fit un devoir de répondre à sa supplique. Elle s'en doutait, quoi qu'elle puisse lui demander, il s'arrangerait toujours pour le lui donner. Je ferai de même pour lui !
Son cœur battait à tout rompre. De nouveau, elle voyait défiler les étoiles sur l'écran de ses paupières closes, mais c'était suite à une vague de plaisir, non à un pain sur la tête.
— Si douce... si tendre... si chaude... murmura-t-il. Prête à m'accueillir, bébé ?
— Oui !
Le'Ace faillit protester lorsqu'elle sentit ses doigts se retirer. Elle se sentait vide, dépossédée, inutile. Comment avait-elle fait pour vivre si longtemps sans lui ? Plus jamais ! Aussi longtemps qu'elle vivrait, elle voulait rester près de lui. Même s'il lui fallait endurer encore et encore les punitions et la souffrance qui en résulteraient. Combien de jours, de semaines, avant la fin ? Aucune importance ! Une éternité de bonheur avec lui ne lui aurait pas suffi.
Un instant plus tard, d'un puissant coup de reins, Jaxon la posséda. Le sentir de nouveau la pénétrer aussi totalement lui arracha un cri d'extase, mais il lui fallait plus encore. Elle se redressa pour l'embrasser avec passion. Jaxon roulait des hanches au-dessus d'elle. Un voile de sueur tapissait son front. Un feu que rien n'aurait pu apaiser semblait brûler au fond de ses yeux. Le'Ace serra les genoux contre ses flancs, plongea les ongles dans la chair de son dos.
— Tu ne me quitteras plus jamais ! lança-t-il d'une voix grinçante.
Le lit rebondissait sous la force de ses assauts.
— Promets-le-moi ! insista-t-il.
— Je ne te quitterai plus.
Sauf dans la mort, se promit-elle.
Son sexe épousait parfaitement le sien, leurs corps se mouvaient en un concerto d'exception, leurs esprits communiaient si totalement qu'ils semblaient avoir été créés l'un pour l'autre.
— Tu es mienne ! ajouta-t-il en redoublant ses efforts. C'était vrai et cela le resterait, quoi qu'il puisse advenir.
— Tu seras mienne de toutes les façons possibles et imaginables, poursuivit-il. J'effacerai en toi le souvenir de tous les autres.
Incapable de lui répondre, Le'Ace secouait la tête dans l'oreiller. Elle sentait la jouissance monter en elle. D'un instant à l'autre elle pouvait perdre la tête du plaisir qu'il lui donnait.
— Lève les bras ! ordonna-t-il.
Dès qu'elle lui eut obéi, Jaxon s'empara de ses seins, dont il titilla de nouveau les tétons entre ses lèvres. Et tandis qu'il se déchaînait, l'orgasme déferla, la submergeant sous des vagues successives de plaisir.
Ses lèvres s'emparèrent des siennes et il se délecta de ses cris. Leurs langues se mêlèrent et, un instant plus tard, ce fut à Le'Ace de se repaître du grondement rauque de la jouissance qu'il déversait en elle.
Ils demeurèrent un long moment immobiles et silencieux, tandis que leurs cœurs se calmaient. Mishka avait bien fait quelques tentatives pour rouler d'un côté du lit, mais chaque fois Jaxon l'avait retenue contre lui. Jamais jusqu'alors il ne s'était attardé au lit avec une femme après l'amour. Elles avaient tendance à vouloir parler, parler et parler encore. Elles tenaient à lui faire partager leurs impressions et à l'écouter leur faire part des siennes. Un vrai cauchemar...
Avec Mishka, il en allait tout autrement. La serrer dans ses bras était presque aussi bon que de faire l'amour avec elle - presque... Contre lui, il la sentait détendue, chaude et disponible. Et c'était lui qui souhaitait à présent partager avec elle ce qu'il ressentait et l'écouter faire de même. Il ne comprenait pas ce qui motivait ce revirement, mais il s'en fichait. Et si c'était la preuve qu'il était en train de devenir faible, alors il était un faible heureux...
— Tu veux que je te montre l'appartement de Nolan ? demanda-t-elle soudain, d'une voix ensommeillée.
— Je ne veux pas quitter ce lit de la matinée.
— Tu n'auras pas à le faire.
Surpris, Jaxon tourna la tête vers elle. La joue posée sur sa main, le coude sur le matelas, elle scrutait son visage en souriant. Dans la lumière matinale, ses longs cils déposaient sur ses joues des ombres démesurées. Dieu, qu'elle est belle !
— Que veux-tu dire ? s’étonna-t-il en glissant derrière l'oreille de Mishka quelques mèches folles.
Elle alla ramasser son soutien-gorge, revint se glisser dans le lit et le brandit sous son nez.
— Caméra, expliqua-t-elle, laconique.
Jaxon éclata de rire. Le sourire qu'elle arborait illuminait tout son visage et traduisait une liberté insouciante.
— Ainsi, tu avais bien une caméra...
— Oui, répondit-elle. Mais je ne t'ai pas filmé.
— Dire que je ne me suis rendu compte de rien ! s'amusa-t-il en secouant la tête. Tu es vraiment une bien meilleure professionnelle que moi.
— Non. J'ai juste de meilleurs outils.
Le sourire de Le'Ace s'élargit encore quand elle expliqua :
— L'objectif est situé au centre, c'est pourquoi j'avais un décolleté si plongeant : pour que les hommes aient les yeux rivés dessus et que la caméra puisse prendre leur empreinte rétinienne, si nécessaire.
Jaxon passa une main sur son visage. Il préférait ne pas imaginer le genre d'expression que cet engin aurait surpris chez lui s'il avait été filmé.
— Regardons ce que tu as là, suggéra-t-il.
— Pas grand-chose, en fait.
S'asseyant sur le lit, elle disposa le soutien-gorge à plat devant elle et s'activa à palper les armatures. Un écran immatériel et bleuâtre apparut au-dessus de l'objectif.
— Voilà l'entrée de son appartement, annonça-t-elle. Un hall d'entrée classique, donnant sur quelques pièces, avec un banc de fer forgé et des portraits de famille au mur.
— Tu es sûre qu'il s'agit bien de son appartement ? s’étonna-t-il.
— Il appartenait à l'une des victimes, répondit-elle.
— Je ne vois pas qui ça peut être. Cette adresse ne me dit rien.
— Normal. Estap a gardé pour lui l'identité de cette victime et de quelques autres.
— Est-ce Nolan qui l'a tuée ?
— Lui prétend que non.
— Tu le crois ?
Mishka haussa les épaules.
— J'ai encore du mal à me faire une idée à son sujet. Une autre pression sur l'armature fit apparaître une nouvelle image à l'écran.
— Voilà le salon, annonça-t-elle.
Jaxon observa le divan recouvert de synthé-cuir marron, les fauteuils assortis et le sol de béton ciré avec son tapis rouge et orange.
— Cosy... commenta-t-il.
Une sonnerie de portable se fit entendre, qu'il reconnut comme la sienne. Sourcils froncés, il jeta un coup d'œil à son pantalon abandonné sur le tapis et murmura :
— Probablement Dallas ou Mia.
En voyant Mishka se raidir, il devina sans peine ce qui se passait dans sa tête. Sans doute ses amis voulaient-ils encore les séparer.
— Je les rappellerai plus tard, décida-t-il.
Tôt ou tard, songea-t-il, une discussion sérieuse avec le reste de la bande allait s'imposer. Il fallait qu'ils arrêtent de traiter Mishka comme ils le faisaient. Elle passait avant tout. Il faudrait qu'ils s'y fassent, car ce n'était pas près de changer... Il espérait qu'ils pourraient finir par l'apprécier, mais si ce n'était pas le cas, s'ils s'obstinaient à la rejeter... il ignorait ce qu'il ferait.
Mishka se détendit et passa à l'image suivante.
— La chambre à coucher. Jaxon plissa les yeux et s'étonna :
— C'est quoi, ce truc sur le mur ? On dirait des bulles. Mishka joua avec l'armature jusqu'à faire apparaître à l'écran une vue fortement agrandie de l'endroit qu'il lui désignait. Sa perplexité n'avait d'égale que la sienne.
— Je ne sais pas, avoua-t-elle.
— Ça ressemble à un trou rebouché à la hâte.
— Une cache ?
— Ça se pourrait.
Le portable de Jaxon se fit de nouveau entendre.
— Vas-y, suggéra-t-elle dans un soupir. Pour qu'ils rappellent, ce doit être important.
Jaxon déposa un baiser sur ses lèvres et alla répondre. Le numéro qui apparaissait sur l'écran lui était inconnu, mais il décrocha quand même.
— Agent Tremain à l'appareil.
— Sénateur Estap, répondit une voix d'homme. Je crois que nous avons des choses à nous dire.