XXXIX

Attentes, ô délices, attentes dès le matin et tout le long de la journée, attentes des heures du soir, délices de tout le temps savoir qu'il arriverait ce soir à neuf heures, et c'était déjà du bonheur.

Aussitôt réveillée, elle courait ouvrir les volets et voir au ciel s'il ferait beau ce soir. Oui, il ferait beau, et il y aurait une nuit chaude avec beaucoup d'étoiles qu'ils regarderaient ensemble, et il y aurait du rossignol qu'ils écouteraient ensemble, elle tout près de lui, comme la première nuit, et ensuite ils iraient, iraient se promener dans la forêt, se promener en se donnant le bras. Alors, elle se promenait dans sa chambre, un bras arrondi, pour savourer déjà. Ou bien, elle tournait le bouton de la radio, et si c'était une marche guerrière déversée de bon matin, elle défilait avec le régiment, la main à la tempe, en raide salut militaire, parce qu'il serait là ce soir, si grand, si svelte, ô son regard.

Parfois, elle refermait les volets, tirait les rideaux, fermait à clef la porte de sa chambre, mettait des boules de cire dans ses oreilles pour n'être pas dérangée par les bruits du dehors, bruits que cette belle pédante appelait des réducteurs antagonistes.

Dans l'obscurité et le silence, couchée, elle fermait les yeux 467

pour se raconter, souriante, ce qui s'était passé hier soir, tout ce qu'ils avaient dit et tout ce qu'ils avaient fait, se le raconter, blottie et ramassée, avec des détails et des commentaires, s'offrir une fête de racontage à fond, comme elle disait, et puis se raconter aussi ce qui se passerait ce soir, et il lui arrivait alors de toucher ses seins.

Parfois, avant de se lever, elle chantait tout bas, tout bas pour n'être pas entendue par la domestique, chantait contre l'oreiller l'air de la Pentecôte de Bach, remplaçait le nom de Jésus par le nom de l'aimé, ce qui la gênait, mais c'était si agréable. Ou encore elle parlait à son père mort, lui disait son bonheur, lui demandait de bénir son amour. Ou encore elle écrivait le nom de l'aimé sur l'air, avec son index, l'écrivait dix fois, vingt fois. Et si, n'ayant pas encore pris son petit déjeuner, elle avait soudain un borborygme de faim, elle se fâchait contre le borborygme. Assez ! criait-elle au borborygme. C'est vilain !

Tais-toi, je suis amoureuse! Bien sûr, elle se savait idiote, mais c'était exquis d'être idiote, toute seule, en liberté.

Ou encore elle décidait de faire une séance de regar-dage à fond. Mais d'abord se purifier, prendre un bain, indispensable pour le rite, mais attention, engagement d'honneur de ne pas se raconter dans le bain comment ce serait ce soir, sinon on n'en finirait plus et ça retarderait le rite. Vite le bain et puis vite avec lui, vite la séance de regardage ! À cloche-pied parce qu'elle était heureuse, elle courait vers la salle de bains. Devant la baignoire lente à se remplir, elle entonnait de toute âme l'air de la Pentecôte.

Mon âme croyante, Sois fière et contente,

Voici venir ton divin roi.

468

Après le bain, c'était le même cérémonial que pour le racontage. Volets fermés, rideaux tirés, lampe de chevet allumée, boules de cire dans les oreilles. Le dehors n'existait plus et le rite pouvait être célébré. Les photographies étalées sur le lit, mais à l'envers pour ne pas risquer de les voir d'avance, elle s'étendait, prenait la photographie préférée, lui sur le sable d'une plage, la recouvrait tout entière de sa main, et c'était la fête de regarder. D'abord, rien que les pieds nus. Beaux, bien sûr, mais pas follement intéressants. Sa main remontait un peu, découvrait les jambes. C'était mieux, beaucoup mieux déjà.

Aller plus haut? Non, pas tout de suite, attendre jusqu'à n'en plus pouvoir. Enfin, par petits coups, sa main se déplaçait, révélant progressivement, et elle se repaissant. C'était lui, lui de ce soir. O le visage, le visage maintenant, lieu du bonheur, le visage, son beau tourment. Attention, ne pas regarder trop.

Lorsqu'on regardait trop, on ne sentait plus. Oui, le visage était tout de même le plus important, quoique le reste aussi, tout le reste, même ce qui, enfin oui. Lui, tout lui, de tout lui sa religieuse.

Elle se défaisait de son peignoir, regardait tour à tour son homme nu et la femme nue de son homme. Ô Sol, sois ici, soupirait-elle, et elle éteignait, pensait à ce soir, dès qu'il arriverait, leurs bouches. Mais elle n'oubliait pas, ne voulait pas oublier que c'était lui qu'elle aimait avant tout, lui, son regard. Et ensuite il y aurait ce qu'il y aurait, l'homme et la femme, poids béni, ô lui, son homme. Lèvres ouvertes, lèvres humides, elle fermait les yeux, et ses genoux se rapprochaient.

Attentes, ô délices. Après le bain et le petit déjeuner, merveille de rêvasser à lui, étendue sur le gazon et roulée dans des couvertures, ou à plat ventre, les joues dans l'herbe et le nez contre de la terre, mer-469

veille de se rappeler sa voix et ses yeux et ses dents, merveille de chantonner, les yeux arrondis, en exagérant l'idiotie pour mieux se sentir végéter dans l'odeur d'herbe, merveille de se raconter l'arrivée de l'aimé ce soir, de se la raconter comme une pièce de théâtre, de se raconter ce qu'il lui dirait, ce qu'elle lui dirait. En somme, se disait-elle, le plus exquis c'est quand il n'est pas là, c'est quand il va venir et que je l'attends, et aussi c'est quand il est parti et que je me rappelle. Soudain, elle se levait, courait dans le jardin avec une terreur de joie, lançait un long cri de bonheur. Ou encore elle sautait par-dessus la haie de roses. Solal ! criait cette folle à chaque bond.

Parfois, le matin, alors qu'elle était absorbée par quelque tâche solitaire, tout occupée à cueillir des champignons ou des framboises, ou à coudre, ou a lire un livre de philosophie qui l'ennuyait, mais il fallait se cultiver pour lui, ou à lire avec honte et intérêt le courrier du cœur ou l'horoscope d'un hebdomadaire féminin, elle s'entendait tout à coup murmurer tendrement deux mots, sans l'avoir voulu, sans avoir pensé à lui. Mon amour, s'entendait-elle murmurer. Vous voyez, mon chéri, disait-elle alors à l'absent, vous voyez, même quand je ne pense pas à vous, en moi ça pense à vous.

Ensuite, elle rentrait, essayait des robes pour décider de laquelle elle mettrait ce soir, et alors elle se regardait dans la glace, se régalait d'être admirée par lui ce soir, prenait des attitudes divines, imaginait qu'elle était lui la regardant, afin de se représenter ce qu'il penserait vraiment de cette robe. Dites, vous m'aimez? lui demandait-elle devant la glace, et elle lui faisait une moue adorable, hélas gaspillée. Ou encore elle lui écrivait sans raison, pour être avec lui, pour s'occuper de lui, pour lui dire des phrases ornées,

470

intelligentes, et en être admirée. Elle envoyait la lettre par exprès ou allait en taxi l'apporter au Palais et la remettre à l'huissier. Très urgent, disait-elle à l'huissier.

Ou encore, prise d'une terrible envie de l'entendre, elle lui téléphonait, après avoir renvoyé tous chats éventuels de sa gorge et fait quelques essais d'intonations dorées, lui demandait mélodieusement et en anglais s'il l'aimait, en anglais à cause de la domestique aux aguets. Ensuite, toujours en anglais et d'une voix céleste, clic lui rappelait inutilement ce soir à neuf heures, lui demandait s'il pourrait lui apporter cette photo de lui à cheval, et aussi lui prêter cette cravate de commandeur si jolie, thanks awfully, puis l'informait qu'elle l'aimait et de nouveau lui demandait s'il l'aimait, et alors, la réponse ayant été satisfaisante, elle faisait à l'embouchure du téléphone un sourire de cadeaux de Noël. La conversation terminée, elle raccrochait, sa main gauche tenant encore une touffe de ses cheveux et l'effilant comme au temps de son enfance lorsqu'elle devait, fillette gênée, répondre à une grande personne. La touffe lâchée et les ondes d'émoi disparues, elle souriait de nouveau. Oui, elle s'était bien comportée, sans enrouements et sans embrouillages de timidité. Oh oui, elle lui avait plu ! Chic, chic !

Un dimanche, alors qu'elle lui téléphonait au Ritz, sa voix s'étant soudain enrouée, elle n'avait pas osé se racler la gorge pour l'cclaircir, de peur du son ignoble qui la déshonorerait, et il l'aimerait moins. Alors, sans hésiter, elle avait brusquement raccroché, avait chassé une famille nombreuse de chats, avait prononcé quelques mots pour s'assurer que sa voix était redevenue divine, avait téléphoné de nouveau et bravement expliqué qu'ils avaient été coupés, lui

471

avait demandé s'il avait regardé sa photographie en se réveillant, et comment était-il habillé, ah en robe de chambre, et laquelle?

Et l'aimait-il? Merci, oh merci, moi aussi tellement, et savez-vous, aimé, tout à l'heure je suis allée dans une église pour penser à vous, une église catholique parce qu'on peut mieux s'y concentrer. Dites, voulez-vous que je mette ma robe roumaine ce soir ou la soie sauvage ? La roumaine ? Très bien. À moins que vous ne préfériez la rouge que vous avez aimée, je crois. La roumaine plutôt? Vous en êtes sur? Vous n'en êtes pas fatigué ?

Bien, ce sera la roumaine. Dis, tu m'aimes?

Le téléphone terminé, elle restait immobile, le récepteur à la main, charmée par lui, charmée par elle. Soudain, je me rappelle. Une autre fois, étant en train de lui téléphoner et sentant qu'elle allait éter-nuer, elle avait raccroché sans plus, afin de lui cacher cet autre bruit dégradant. Bon, assez, ça suffit.

Attentes sans nul ennui, car il y avait tant à faire pour lui, tant de préparatifs dès qu'elle ne serait plus sous la surveillance de la domestique, dite l'idiote, qui partait au début de l'après-midi, tous travaux terminés. Enfin seule et libre d'agir, l'amoureuse allait aussitôt inspecter le petit salon où elle le recevrait ce soir, ne le trouvait jamais assez bien nettoyé par l'idiote. En maillot de bain, elle se mettait alors à l'ouvrage, balayait, encaustiquait, passait la cireuse, frottait en ménagère échevelée, brossait les fauteuils et le sofa, cher sofa de ce soir, dépoussiérait inutilement toutes surfaces visibles, passait l'aspirateur sur le tapis d'Orient d'un rose éteint, arrangeait les fleurs, restait à les regarder, cachait Vogue, posait deux ou trois livres ennuyeux et de qualité sur le sofa, genre Heidegger ou Kierkegaard ou Kafka, mettait à tout hasard des bûches dans la cheminée, allumait une flambée pour s'assurer du tirage,

472

combinait un éclairage atténué propice aux tendresses, changeait les fauteuils de place, allait à la cuisine, y repassait quelque robe déjà repassée par l'idiote mais qu'elle voulait mettre ce soir, allait et venait, parfois pensant aux lettres de son mari laissées sans réponse et secouant la tête en cavale importunée par un taon, parfois chantant avec expression de niaises rengaines entendues à la radio. Parlez-moi d'amour, redites-moi des choses tendres, chantait-elle en prenant exprès une voix de midinette. Oh, tant pis, tant pis, elle aimait ça. Je suis devenue crétine, mais c'est notre vocation, à nous autres, disait-elle.

Si le bonhomme de la radio annonçait des tours d'horizon politiques et des conversations franches et cordiales qui laissaient espérer une atténuation de la tension internationale, elle écoutait, bouche bée. Ainsi donc, il y avait des gens qui s'intéressaient vraiment à ces choses, dont c'était la vie ! Bande de crétins, leur disait-elle, et elle fermait le bec au bonhomme.

Oui, une seule chose était nécessaire, c'était se préparer et savoir qu'elle lui plairait. Ou bien, si c'était un sermon du dimanche à la radio, et si le pasteur disait qu'il fallait se consacrer à Son service, elle approuvait de toute âme. Oui, oui, à votre service, mon chéri !

s'écriait-elle, et elle arrangeait les fleurs avec une ardeur redoublée.

Tout à coup, à propos de rien, fourrageant dans un tiroir, elle disait : alors, ça va, mon vieux ? S'aperce-vant qu'elle venait de s'adresser à lui, elle se cachait la bouche sacrilège, scandalisée, mais assez fière de cet exploit.

Elle s'arrêtait soudain de travailler, décidait de s'amuser, allait s'asseoir devant le secrétaire, écrivait vingt ou trente fois le nom de l'aimé, puis les autres noms, Lalos, Alsol, Losal. Ou encore, debout devant

473

la glace, elle lui disait qu'elle l'aimait, le lui disait avec des intonations varices afin de choisir la plus réussie et s'en servir ce soir. Ou encore, en peignoir de soie noire et le cou entouré de la cravate rouge de commandeur, elle jouait à être lui, pour être avec lui. Je vous aime, Ariane, disait-elle d'une voix mâle, et sur la glace elle baisait les lèvres qu'il baiserait ce soir.

Un reste de cigarette fumée par lui hier soir, elle l'allumait, et c'était délicieux de tirer des bouffées de ce mégot sacre. Ou encore elle voulait voir la tête qu'elle avait faite lorsqu'elle lui avait baisé la main hier soir, voir si elle lui avait plu. Devant la glace, elle posait ses lèvres sur sa main tout en se penchant, ce qui lui rendait difficile de se voir, mais elle y parvenait à grand renfort d'yeux blancs. Ou encore, toujours devant la glace, clic redisait des phrases qu'elle avait dites la veille. Garde-moi, garde-moi toujours, disait-elle, et ces mots l'émouvaient. Ou encore elle écartait son peignoir, regardait ses seins dans la glace, ses seins qu'il baiserait ce soir. Félicitations, disait-elle à ses seins. Vous êtes ma gloire et mon soutien, leur disait-elle. Il en a de la chance, tout de même, le type, concluait-elle. Ou encore elle laissait tomber le peignoir, désireuse de sa nudité en face d'elle. Vraiment bien, cette personne, disait-elle. Vous rendez-vous compte de votre privilège, mon brave? lui demandait-elle en se pinçant le nez, ce qui lui donnait la voix de sa tante.

Un après-midi, elle enfila une robe de toile écrue, boutonnée devant sur toute la longueur, ferma les volets. Dans la pénombre succulente, elle déboutonna sa robe jusqu'à mi-corps, en agita les pans comme des ailes et déambula, se racontant qu'elle était la Victoire de Samothrace. Ma chérie, tu me plais follement, dit-elle à la glace. Après lui, c'est toi que j'aime le plus.

474

Prise de remords, elle se remit en état de décence, fit une révérence au roi d'Angleterre, lui indiqua un fauteuil, s'assit à son tour. Jambes croisées, elle échangea quelques mots avec Sa Majesté, lui demanda d'interdire l'affreuse chanson canadienne de l'alouette qu'on plumait, bâilla, aima ses dents, déboutonna le haut de sa robe, en sortit un sein prospère sur lequel, avec son stylo, elle écrivit le nom de l'aimé.

Soudain sérieuse et consciente de ses responsabilités, elle s'emplâtrait le visage et le cou avec une boue grise, dite masque de beauté, restait pétrifiée, en service d'amour, sans parler ni chanter, afin de ne pas craqueler la fange séchée, parfois se faisant les ongles, mais sans vernis, jugé vulgaire et catholique.

Ensuite, c'était le shampooing. Ce soir, ce soir, murmurait-elle sous la mousse, les mains en action, les yeux fermés.

À huit heures du soir, c'était le dernier bain de la journée, pris le plus tard possible afin d'être un miracle d'impeccabilité lorsqu'il arriverait. Dans la baignoire, elle jouait à sortir ses orteils et à les remuer, à se raconter qu'ils étaient ses dix enfants, cinq petits garçons à gauche et cinq petites filles à droite, à les gronder, à leur dire d'aller vite prendre leur bain et se coucher, et elle les rentrait alors dans l'eau chaude. Ensuite, c'était de nouveau les récits à elle-même, et que dans une heure il serait là, si grand, avec ses yeux, et elle le regarderait, et il la regarderait, et il lui sourirait. Oh, comme il était intéressant de vivre !

Je reste encore un peu dans le bain, mais pas plus de cinq minutes, tu entends, oui, d'accord, cinq minutes, je m'y engage, et après vite s'habiller, il se rase sûrement en ce moment, ça va, ça suffit, tu es assez beau comme ça, fais attention de ne pas te cou-475

per, dépêche-toi, viens vite, allez hop, viens dans le bain, il y a de la place, s'il n'y en a pas assez on s'arrangera tout de même, je connais un truc.

Sortie du bain et encore nue, elle courait lui téléphoner de venir à l'heure. Aimé, c'est si affreux lorsque vous arrivez en retard, je pense à des accidents, et puis je m'abîme le visage à attendre. S'il vous plaît, aimé, lui souriait-elle, et elle raccrochait, allait se brosser une dernière fois les dents.

Impatiente, la bouche non rincée et toute mousseuse de dentifrice, elle chantait une fois de plus, la brosse à la main, l'air de la Pentecôte et la venue d'un divin roi.

Ensuite, c'était la grande importance de s'habiller, avec ses angoisses. Ne valait-il pas mieux mettre cette autre robe, l'austère plissée, ou plutôt non, la rouge, si seyante dans cet éclairage atténué? Mais soudain surgissait la certitude que ce soir elle ne se sentirait bien que dans le petit ensemble tussor.

Eh oui, un vêtement aussi c'était un état d'âme, et d'ailleurs l'autre jour il avait aimé cet ensemble, et puis ainsi elle pourrait mettre une blouse, une blouse c'était plus commode si, et on n'avait qu'à, tandis qu'avec la robe plissée si montante et qui se boutonnait dans le dos, l'idiote, c'était toute une histoire si, tandis qu'avec une blouse c'était tout simple si, et bref, les blouses ça se déboutonnait devant.

Oh, j'adore quand, quand il, oui, me les baise longtemps, longtemps, moi fondue, eh bien vous autres, les autres, on ne vous en fait pas autant? et si on ne vous en fait pas autant tant pis pour vous, bisquez et ragez, moi j'adore ça, oui donc tandis qu'avec une robe qui ne se déboutonne que juste un peu dans le dos c'est gênant, il faut l'enlever, et même c'est moi qui dois l'enlever, ça fait genre chez le médecin, moi toute 476

rouge de confusion, tandis qu'une blouse ou enfin un chemisier, je n'ai jamais su la différence, il déboutonne sans trop que je m'en aperçoive, c'est plus convenable, surtout s'il n'y a pas trop de lumière, mais tout de même si Tantlérie me, en somme je me vautre dans la féminité, tant pis, c'est comme ça.

Habillée, elle procédait aux dernières vérifications d'un regard impartial, faisait trois ou quatre pas vers la glace pour faire naturel, puis reculait pour se rendre compte, puis mettait le revers de la main contre la hanche pour avoir de l'assurance, puis expérimentait des attitudes et des sourires, puis faisait des essais simultanés d'expressions et de voix, la phrase utilisée étant le plus souvent «non je ne crois pas», parce que cela faisait sûre d'elle, un peu dédaigneuse. Ensuite, elle s'asseyait, tâchait de se tenir immobile pour ne pas altérer sa perfection.

Angoissée, elle guettait les bruits de moteur, allumait une cigarette pour se donner une contenance, éteignait aussitôt pour ne pas souiller ses dents et son haleine, trouvait fatigant de rester assise, et d'ailleurs ça donnerait un mauvais pli à sa jupe, mieux valait sortir. Sur le seuil, dans la nuit chaude, elle attendait, avec la peur de transpirer, et ce serait affreux car son nez luirait.

Belle Du Seigneur
titlepage.xhtml
index_split_000.html
index_split_001.html
index_split_002.html
index_split_003.html
index_split_004.html
index_split_005.html
index_split_006.html
index_split_007.html
index_split_008.html
index_split_009.html
index_split_010.html
index_split_011.html
index_split_012.html
index_split_013.html
index_split_014.html
index_split_015.html
index_split_016.html
index_split_017.html
index_split_018.html
index_split_019.html
index_split_020.html
index_split_021.html
index_split_022.html
index_split_023.html
index_split_024.html
index_split_025.html
index_split_026.html
index_split_027.html
index_split_028.html
index_split_029.html
index_split_030.html
index_split_031.html
index_split_032.html
index_split_033.html
index_split_034.html
index_split_035.html
index_split_036.html
index_split_037.html
index_split_038.html
index_split_039.html
index_split_040.html
index_split_041.html
index_split_042.html
index_split_043.html
index_split_044.html
index_split_045.html
index_split_046.html
index_split_047.html
index_split_048.html
index_split_049.html
index_split_050.html
index_split_051.html
index_split_052.html
index_split_053.html
index_split_054.html
index_split_055.html
index_split_056.html
index_split_057.html
index_split_058.html
index_split_059.html
index_split_060.html
index_split_061.html
index_split_062.html
index_split_063.html
index_split_064.html
index_split_065.html
index_split_066.html
index_split_067.html
index_split_068.html
index_split_069.html
index_split_070.html
index_split_071.html
index_split_072.html
index_split_073.html
index_split_074.html
index_split_075.html
index_split_076.html
index_split_077.html
index_split_078.html
index_split_079.html
index_split_080.html
index_split_081.html
index_split_082.html
index_split_083.html
index_split_084.html
index_split_085.html
index_split_086.html
index_split_087.html
index_split_088.html
index_split_089.html
index_split_090.html
index_split_091.html
index_split_092.html
index_split_093.html
index_split_094.html
index_split_095.html