DIEU SOIT LOUÉ, MA FEMME EST MORTE!

Cette histoire, distante dans le temps (elle date de plus d'un quart de siècle), l'est aussi dans l'espace puisqu'elle se déroule aux États-Unis.

Tout commence par une froide soirée d'hiver, le 4 décembre 1949. Dans une chambre d'hôpital, une malade, Mrs. Borotto, âgée de cinquante-neuf ans, n'est plus qu'un squelette de quarante kilos, au visage jauni et tordu par la souffrance. Son infirmière particulière qui ne quitte jamais son chevet, interpelle le médecin de l'hôpital, qui soigne quotidiennement Mrs. Borotto, le Dr Sander :

« Docteur, docteur Sander, elle ne cesse de râler en pétrissant ses draps. Faut-il préparer la morphine ? »

Le docteur Sander tâte le pouls, hoche négativement la tête :

« Non, ce n'est pas la peine... »

Pourtant, il prend une seringue. Il approche l'aiguille du bras de la malade, la fait pénétrer dans la veine du bras gauche. L'infirmière, qui s'appelle Miss Elizabeth Roze, note alors un détail qui la choque : le Dr Sander n'a pas pris le soin de désinfecter l'aiguille comme cela se fait toujours...

Moins d'une heure plus tard, un marchand d'huile en gros de la cité, Archibald Borotto, reçoit un coup de téléphone de l'hôpital.

« Monsieur Borotto, soyez courageux. Nous avons une triste nouvelle à vous annoncer : votre femme est morte. »

Un silence pesant à l'autre bout de la ligne. Enfin, celui à qui l'on vient d'annoncer qu'il est devenu veuf, laisse échapper cette parole :

« Dieu soit loué ! »

On reparlera longtemps et beaucoup de cette phrase.



Mrs. Borotto est enterrée depuis trois semaines quand une employée de l'administration de l'hôpital, chargée de classer les fiches à la fin de l'année, est frappée par la coïncidence : l'heure de la piqûre et celle de la mort. En outre, la nature du liquide contenu dans l'ampoule n'est pas indiquée. L'employée, consciencieuse et bornée, a un doute. Elle en parle au directeur de l'hôpital. Le directeur de l'hôpital, consciencieux sûrement, et borné, peut-être, est troublé à son tour. Il signale le fait aux autorités. Les autorités accomplissent à leur tour leur devoir : elles ordonnent une enquête et, consécutivement, une autopsie.

Le corps de Mrs. Borotto est exhumé.

La vérité éclate : elle est morte, non pas de sa maladie mais d'une embolie. Mais une embolie provoquée par quoi ? Il appartient au shérif O'Brien de le découvrir.

« Docteur Sander, tous vos confrères sont d'accord sur un point. Mrs. Borotto était atteinte d'un cancer du côlon, un mal implacable, incurable. Tous ceux qui ont examiné la malade sont unanimes sur un autre point : elle n'avait plus que deux ou trois jours, peut-être même deux ou trois heures à vivre. Or, elle n'est pas morte du cancer, contrairement à ce que vous avez consigné en délivrant le certificat de décès... Elle est morte d'une embolie. L'autopsie l'a prouvé. »

Le Dr Sander ne répond rien et le shérif impitoyable — mais c'est son rôle — poursuit :

« Nous avons de bonnes raisons de penser que c'est la piqûre que vous lui avez faite qui a provoqué cette mort. Alors, docteur Sander, voulez-vous répondre à cette question : que contenait la seringue que vous avez utilisée pour faire une piqûre à Mrs. Borotto ? »

Le Dr Sander :

« Rien. »

Le shérif O'Brien :

« Comment cela rien ? »

Le docteur :

« Rien. »

Le shérif :

« Vous ne me ferez pas croire que votre seringue ne contenait aucun produit.

— Aucun. Ou plus exactement, elle ne contenait rien que de l'air. »

Alors, calmement, le docteur explique ce que tous les médecins, toutes les infirmières savent bien : il suffit d'insuffler une quantité suffisante d'air, quelques dizaines de centimètres cubes, dans une veine, pour que cette colonne d'air, entrée dans le système circulatoire, provoque au bout de quelques minutes l'arrêt du cœur par embolie. Puis le Dr Sander ajoute :

« Ce n'est pas une, mais quatre injections que j'ai pratiquées en appuyant à plusieurs reprises sur le piston de la seringue, jusqu'à un total de 40 centimètres cubes... En dix minutes, tout était terminé. »

Le shérif O'Brien, effaré par cet aveu supplémentaire, se croit obligé de le mettre en garde :

« Docteur, quelles que soient les raisons que vous allez invoquer, vous êtes désormais accusé d'avoir commis un crime et passible de la peine de mort... En êtes-vous conscient ?

— Oui », répond le docteur Sander.

Le shérif, en réalité, a tendu une perche au Dr Sander, mais celui-ci se conduit comme s'il voulait s'accuser lui-même, à tel point que le shérif lui demande :

« Il y a une chose que je ne comprends pas : vous avez scrupuleusement noté sur la fiche médicale de la malade que vous avez fait cette piqûre et l'heure à laquelle vous l'avez faite. Pourquoi ?

— C'est le règlement », répond posément le Dr Sander.

Or, si le Dr Sander avait négligé d'indiquer sur la fiche qu'il avait fait une piqûre à Mrs. Borotto, à une heure qui coïncide avec celle de sa mort, personne ne se serait jamais aperçu de rien. Son système de défense (ou plutôt, son premier système de défense, car il en changera plus tard) va tenir en un seul mot : euthanasie, un mot qui vient du grec. « Eu » qui veut dire « beau », « bien », et « thanatos » qui signifie « mort ». L'euthanasie, c'est la « belle mort », la « mort douce ». Le Dr Sander va d'abord soutenir qu'il a voulu mettre un terme aux souffrances de Mrs. Borotto et que c'est pour cette raison qu'il a agi comme il l'a fait.

Seulement, nombre de gens, au début de cette affaire, pensent que l'euthanasie a « bon dos ». Personne n'ignore que certains médecins, dans certains cas, la pratiquent, ils agissent discrètement, après un jugement en leur âme et conscience, et font en sorte qu'on n'en sache jamais rien. Pratiquer l'euthanasie et le proclamer ainsi est particulièrement suspect et le shérif renouvelle sa question sous une autre forme :

« Pourquoi informer réglementairement l'administration que vous n'avez pas appliqué le règlement ? »

Le Dr Sander lève la tête :

« Je n'ai rien à cacher. Je savais que j'agissais contrairement à la loi, mais j'avais moralement le droit de le faire. »

Le médecin a-t-il uniquement obéi à des motifs humanitaires ? Aucune question d'intérêt financier, aucun problème d'héritage n'est-il intervenu dans sa décision ? N'a-t-il pas partie liée avec le mari de Mrs. Borotto, qui a dit « Dieu soit loué ! » en apprenant la mort de son épouse ?

Ces questions viennent tout naturellement à l'esprit du shérif. Dans une petite ville de 85 000 habitants, l'enquête n'est pas difficile à faire : les détails de la vie privée, le comportement quotidien de chacun, tout est observé, répertorié, commenté, en bien ou mal, surtout quand il s'agit des notables. Le Dr Sander comme Mrs. Borotto font partie des notables.

Mr. Borotto, le négociant d'huile en gros, aimait particulièrement sa femme. Il ne s'était décidé à la confier à l'hôpital, que lorsqu'il avait compris que tous les médecins auxquels il avait fait appel jusqu'alors étaient demeurés impuissants, lorsqu'il avait vu que les souffrances de la malade étaient devenues de plus en plus atroces. Son épouse était déjà mourante quand il s'était résigné à la confier au service du Dr Sander, les drogues habituelles, morphine, héroïne, ne parvenant déjà plus à atténuer ses souffrances. Il reconnaît avoir dit alors au praticien : « Elle a trop mal. Je vous supplie, docteur, faites quelque chose. » Supplications inspirées par le chagrin, mais qui peuvent être interprétées différemment.

Et le Dr Sander ? Sur son compte aussi, les policiers ne recueillent que des renseignements favorables. C'est un homme de quarante et un ans, solide, sain, père de trois enfants, doté d'un foyer équilibré, marié à une femme qui l'adore et qui dira : « S'il n'a pas caché qu'il a fait la piqûre, c'est parce qu'il est complètement honnête. »

« Complètement honnête », c'est peu dire : depuis dix ans qu'il exerce à Manchester, il s'est taillé une réputation de philanthrope. Aux États-Unis, la Sécurité sociale n'existe pas : chacun est libre de contracter une assurance qui jouera en cas de maladie et remboursera les frais. Mais celui qui ne le fait pas doit régler le médecin entièrement de sa poche.

Alors, quand les malades ne sont pas assez riches pour payer le prix d'une consultation, le Dr Sander ne leur demande pas d'honoraires. Il va même plus loin : lorsqu'il a affaire à des patients vraiment très pauvres, il va acheter et régler lui-même à la pharmacie les médicaments qu'il leur prescrit.

Le bon Dr Sander est en outre un esprit sans cesse en éveil. Un an avant le drame qui nous préoccupe aujourd'hui, il s'est rendu en Grande-Bretagne à titre professionnel, afin d'étudier justement les façons dont les Anglais s'y· sont pris pour socialiser les soins médicaux.

Quoi qu'il en soit, le shérif O'Brien se voit contraint de clore son premier interrogatoire en rappelant au Dr Sander qu'il encourt les peines les plus graves : la peine capitale, même s'il s'agit d'un crime d'euthanasie.

Cependant (c'est la loi américaine), cet homme qui risque la peine capitale est libéré jusqu'au jour de son procès après versement d'une caution de 25 000 dollars. Dès le lendemain de sa sortie de prison, il procède à un accouchement et reprend son activité harassante et généreuse.

L'opinion publique s'est émue, les passions s'échauffent. Les uns prennent parti « pour », les autres « contre » le Dr Sander. Les uns l'approuvent d'avoir commis un « meurtre charitable ». Les autres le blâment d'avoir contrevenu au commandement de Dieu : « Tu ne tueras pas. » Les pétitions en sa faveur et les pétitions réclamant son châtiment emplissent les feuilles locales.

Dans ce partage de l'opinion, un clivage très net apparaît. Sur les 85 000 habitants de la ville, les deux tiers sont catholiques (pour la plupart, d'ascendance française), l'autre tiers est composé de protestants.

Les catholiques sont les plus nombreux à condamner le médecin. C'est chez les protestants qu'il rencontre le plus d'approbations, et ses partisans ne se contentent pas de lui prodiguer des marques d'estime : ils organisent pour lui des prières dans leur paroisse ; ils affirment qu'il est un bienfaiteur de l'humanité ; un pasteur se déclare même, en chaire, en faveur de l'euthanasie : « Ayons le courage d'agir comme il convient à l'humanité », dit-il.

Le débat dépasse très vite le cadre de la ville et s'étend aux États-Unis tout entiers. L'affaire est suivie avec un intérêt presque égal à celui qui a entouré l'affaire Lindberg.

Le corps médical suit la polémique avec passion. Il ne prend pas position officiellement, mais, en son sein, les avis sont partagés... Bien des confrères du Dr Sander se demandent si celui-ci n'a pas cherché une publicité tapageuse en provoquant volontairement ce débat public autour de l'euthanasie. Pour d'autres c'est une preuve supplémentaire du courage du Dr Sander, une raison de plus pour l'absoudre, pour en faire un martyr, un héros. Et ils comptent sur lui et sur son procès pour faire progresser l'idée que l'euthanasie doit être admise — et par les mœurs et par la loi.

Pourtant, le Dr Sander est déjà pratiquement condamné et il ne peut en être autrement. En effet, s'il est acquitté, cela revient à dire que l'euthanasie n'est plus un crime. Or, même les partisans de l'euthanasie savent bien que celle-ci ne peut être acceptée que dans des conditions très particulières, dans le cadre de lois et de règlements très stricts, sinon n'importe qui peut tuer n'importe qui, n'importe où, n'importe quand et n'importe comment. Ces règlements et ces lois n'existent pas encore. Même si on en acceptait le principe, il faudrait des années pour les mettre au point. Donc, même les partisans de l'euthanasie sont bien obligés de reconnaître que le Dr Sander fait courir, par son exemple, un danger de désordre grave à la société. Voilà pourquoi, quelle que soit l'opinion intime des juges, ceux-ci sont obligés de condamner un docteur qui déclare : « J'ai tué volontairement ma malade. »

Quand, le 20 février, le Dr Sander arrive au tribunal, une foule énorme stationne au-dehors. Malgré le froid — le thermomètre marque en effet 19° au-dessous de zéro — elle a piétiné pendant des heures pour l'acclamer. Tous ceux qui sont là sont des partisans de l'euthanasie.

Ils vont être déçus. Car l'audience va être marquée par un fantastique coup de théeâtre.

Pour comprendre cet extraordinaire procès, il ne faut pas oublier que son issue dépend des douze jurés, donc du caractère, des tempéraments, des convictions religieuses et morales de ces douze jurés. Il va falloir les choisir sur une liste qui comprend cent quarante-six noms. Quelques-unes de ces cent quarante-six personnes s'arrangent pour se dérober : elles déclarent qu'elles ont une opinion préconçue — ce qui les fait automatiquement mettre à l'écart. D'autres candidats jurés sont récusés par la défense ou l'accusation : leurs convictions religieuses, les avis qu'ils ont affichés font douter de leur impartialité.

En fin de compte, ce sont douze hommes — pas une seule femme au milieu d'eux — qui sont retenus. Neuf sont catholiques, trois protestants. Le point a son importance : la plupart des catholiques, comme je l'ai dit tout à l'heure, sont contre le geste du Dr Sander et veulent sa condamnation.

C'est lorsque le débat réel s'ouvre que se produit le coup de théâtre. L'avocat du Dr Sander, Me Wyman, fait connaître son système de défense. Il n'est plus question d'euthanasie. Aujourd'hui, le Dr Sander et son avocat affirment que Mrs. Borotto était déjà morte quand le docteur a injecté de l'air dans ses veines. « Le docteur ne peut donc être condamné pour meurtre puisqu'il n'a piqué qu'un cadavre. »

C'est la stupeur chez les uns, la consternation chez les autres. Il est évident que cette déclaration ne tient pas debout. Pourquoi le Dr Sander aurait-il piqué un cadavre ? Et pourquoi avoir inventé une telle fable ?

D'après la procédure américaine, l'accusé n'est interrogé qu'en dernier lieu et, pendant l'audition des témoins, le Dr Sander ne prend pas la parole.

Ce sont d'abord ses collègues de l'hôpital qui viennent prêter serment.

Le Dr X... dit : « Je venais d'examiner Mrs. Borotto quand j'ai rencontré le Dr Sander avant qu'il n'entre lui-même dans la chambre. Je lui ai fait part de mes constatations. Le pouls ne battait plus. L'œil était éteint. Il n'y avait pas le moindre signe de réaction de la pupille. Je lui ai dit : « Elle est morte. » La défense marque un point.

Le Dr Herpern dépose ensuite : « Mrs. Borotto était mourante. Mais elle n'était pas morte. » Cette fois, c'est l'accusation qui marque un point.

Vient le tour du Dr Milles qui a assisté à l'autopsie. Le Dr Milles est formel :

« Le décès est dû à l'embolie consécutive à l'insufflation d'air dans les veines et non à la maladie. » L'accusation marque un nouveau point.

Mais il reste à Me Wyman, l'avocat, un atout majeur. L'infirmière privée de Mrs. Borotto, Elizabeth Roze, a déclaré à l'instruction que, peu avant la piqûre, la malade avait poussé un long gémissement rauque et qu'elle pensait que cela avait été son dernier soupir. Malheureusement pour l'avocat, Elizabeth Roze se rétracte : « Non, je ne pense pas que cela a été son dernier soupir. »

Tout semble s'acharner alors pour mettre en pièces le système de défense de Me Wyman et pour alourdir le climat.

Mr. Borotto déclare qu'il tient le Dr Sander pour un homme « admirable ». Mais il nie formellement lui avoir demandé d'abréger les jours de son épouse. S'il l'a supplié de faire quelque chose pour qu'elle ne souffre plus, cela ne voulait pas dire qu'il suggérait un moyen quelconque d'y parvenir.

Pour tout compliquer, la famille de la morte est divisée. Une sœur de Mrs. Borotto déclare qu'elle approuve le Dr Sander d'avoir fait l'injection d'air mortelle. D'autres proches, au contraire, qualifient sa conduite de « monstrueuse ».


Quand vient son tour de prendre la parole, l'accusé déclare : « Mrs. Borotto était déjà morte. J'étais fatigué. J'ai agi à la suite d'une impulsion subite, irraisonnée, quand j'ai fait cette piqûre. Je ne sais pas pourquoi : j'étais dans un état obsessionnel. Mais je savais que je ne pouvais pas lui faire de mal, puisque la vie l'avait quittée... » Explication peu convaincante, il faut le reconnaître.

Après plusieurs semaines de procès, le procureur général déclare : « Je ne requiers pas la peine de mort, mais la charité n'excuse pas le meurtre. Un meurtre reste un meurtre. Je demande au jury de déclarer le Dr Sander coupable d'assassinat. »

Enfin le jury se retire pour délibérer.

Et c'est là que l'on va savoir si le Dr Sander et son avocat ont eu raison de changer de système de défense. Car c'est pour cet instant-là, qui va durer en tout soixante-dix minutes, que l'avocat du Dr Sander a imaginé cette version invraisemblable de la piqûre faite à un cadavre. Au moment où les jurés se retirent, ils sont certains, au fond d'eux-mêmes que le docteur a tué pour des raisons humanitaires. Ils sont certains, comme le procureur, qu'il a commis un meurtre par charité. Mais ce meurtre par charité, si on leur demandait de le juger, ils seraient obligés de le punir, même si en leur for intérieur, ils approuvent le docteur de l'avoir commis. Pour toutes les raisons déjà données, et parce que la loi est la loi, si le docteur avait dit « Oui j'ai tué volontairement ma malade », ils étaient obligés de le condamner. Mais, grâce à ce nouveau système de défense, le jugement qui leur est demandé n'est plus le même. Pratiquement on leur demande : « Croyez-vous que le Dr Sander a tué une femme vivante ou piqué un cadavre ? »

Donc, si les jurés sont, en leur for intérieur, enclins à excuser le Dr Sander, ils n'ont qu'à faire semblant de croire ses explications, même peu convaincantes, déclarer qu'il a piqué un cadavre et il sera acquitté.

Le Dr Sander n'a pas d'autre issue. Il joue avec sa tête. Il joue aussi sa carrière : même s'il n'est frappé que d'une peine légère, il sera définitivement empêché d'exercer son métier.

Au bout de soixante-dix minutes, les douze jurés rentrent dans la salle. Mrs. Sander est auprès de son mari. Sa main se crispe sur son bras. Elle le regarde avec tendresse en même temps que ses yeux se portent vers ces douze hommes qui viennent de décider du sort de son époux. Quel sort ? La prison à vie ? L'acquittement? La mort, qu'ils sont libres de décider, après tout ? Elle croit lire un signe amical dans le visage de l'un de ces douze hommes. Est-ce un signe qui invite à l'espoir, à la confiance ? Ne se trompe-t-elle pas ?

Un bref silence. Le président du jury, debout, émet le verdict. Deux mots : « Non coupable. » Alors, dans la salle, après le long suspense, c'est la joie — des cris de joie.

Et bientôt, dans la ville, dans les rues, la nouvelle, aussitôt annoncée par les radios déclenche un concert d'avertisseurs enthousiastes qui mettent en branle les cloches des églises. Le Dr Sander sort du tribunal, libre, acclamé. A son bras, son épouse pleure d'émotion. Mais, finalement, les cris de joie qui saluent son acquittement s'adressent d'abord à l'homme, à son cas particulier... Pas à une cause. Pas à un principe. Et cet acquittement-là ne signifie pas que l'euthanasie est admise dans les mœurs et encore moins qu'elle est un acte légitime. La volte-face du médecin, à son procès, apporte à beaucoup de gens un lâche soulagement.



Mais un cas extraordinaire comme celui de Dr Sander peut un jour redevenir d'actualité, et être invoqué comme argument « pour » aussi bien que comme argument « contre ». Au beau milieu de l'affaire Sander, le 6 février 1950, un bijoutier de Richmond, sans doute inspiré par son exemple, décide de mettre fin aux jours de sa femme, paralysée depuis deux ans.


« Tu souffres trop », dit-il, et il tire deux balles de revolver sur elle, puis se suicide. Mais sa femme, qui n'est pas morte, dira : « Je l'avais supplié de ne pas me tuer. »

Entre ces deux extrêmes existe-t-il un juste milieu... ?

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