CHAPITRE XIV
Debbie n’avait pas plus tôt claqué le verrou derrière eux que Graymes la souleva de terre comme une plume. Sourd à ses protestations, de pure forme, il la transporta jusque dans sa chambre et la jeta sur le lit comme un sac.
— Arrête, Ben, pas comme ça, attends…
Mais déjà, Graymes avait dégrafé sa jupe sans douceur et déchiré son slip. Sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, il l’enlaça dans une étreinte digne d’un boa constrictor. Il se noua autour d’elle avec une sorte de brutalité primitive, presque animale, cherchant la faille. Même si elle voulait s’en défendre, Debbie dut s’avouer que ce type de traitement l’excitait follement. Elle aimait n’être plus qu’une petite chose entre les mains larges et puissantes de Graymes, un simple objet de plaisir femelle dont il pouvait jouir en violeur. Ce jeu, ils l’avaient souvent répété ensemble, et parfois dans des endroits plutôt inattendus. Leurs relations obéissaient depuis des années à ce code parfaitement rodé.
Graymes était ainsi. Ses pulsions étaient rarement contrôlées. Les soupers fins aux chandelles et les préambules idylliques n’étaient pas son genre. Debbie ignorait d’où lui venait cette sauvagerie un peu barbare, mais du moins tranchait-elle sur la passivité satisfaite de ses autres amants.
Il s’enfonça en elle d’une poussée impérieuse, calquant son rythme sur les ondulations lascives de son bassin. Leurs mouvements devinrent bientôt plus hâtifs, presque furieux. Leurs halètements ne formèrent plus qu’une plainte. Debbie laissa enfin échapper un cri et retomba presque inconsciente sur l’oreiller. Graymes mêla son plaisir au sien, mais sans le moindre cri. À peine une crispation fugitive serra-t-elle ses mâchoires. Il se retira presque aussitôt. L’esprit déjà ailleurs.
Quelques minutes plus tard, Debbie se souleva sur un coude, cherchant à déchiffrer l’expression rêveuse de son visage tourné vers le plafond. Elle ne put retenir plus longtemps la question qui lui brûlait les lèvres :
— Où étais-tu tout ce temps ? Certains disent que tu vivais comme un ermite dans les bas-fonds, avec une nouvelle identité et que…
— J’étais en voyage, répliqua-t-il sèchement. Ne cherche pas à en savoir davantage.
— Reste ici cette nuit. Il y a si longtemps…
Graymes secoua la tête.
— Non. Je dois sortir, cette nuit. Je dois voir quelqu’un.
— Encore tes affaires secrètes, hein ? J’ai parfois l’impression que tu mènes un double jeu… Je voudrais savoir si quelqu’un t’a déjà vu tel que tu es vraiment…
Graymes devint livide.
— Mieux vaut pour tout le monde que ça n’arrive jamais.
Puis il se força à sourire, mais ses yeux conservèrent une couleur sombre de mauvais présage.
— Je dois te demander un service.
— Tu sais bien que tu peux compter sur moi.
— Le fragment… Garde-le ici. Veille sur lui…
— Mais… Tu m’as dis toi-même qu’il était d’une importance vitale…
— Je ne dois pas le garder sur moi. JE NE DOIS PAS. Si tu connaissais les secrets qu’il recèle, pour un Initié, tu comprendrais. Je ne veux pas être tenté de…
Il renonça à poursuivre.
— Ne t’en fais pas, Ben. La maison est pleine de bibelots. Il passera inaperçu. Tu pourras venir le reprendre quand tu voudras.
Sans un remerciement, il ramassa ses affaires et s’esquiva. Non sans avoir abandonné la précieuse relique sur la table de nuit. Debbie ne chercha pas à le retenir. Il lui avait glacé le cœur.