CHAPITRE XXXV
L’un après l’autre, les conseillers militaires de Palpatine apparurent devant lui, leurs postures au pied du dais suggérant l’obéissance et la servilité. Ils devaient plisser les yeux pour les protéger du soleil couchant de Coruscant. Ils étaient là pour faire leurs rapports et donner leurs jugements d’experts sur l’état de l’Empire.
Des Gardes Impériaux se tenaient de part et d’autre du trône. Derrière eux, Mas Amedda, Sly Moore et d’autres membres du cercle privé de Palpatine avaient pris place.
Il écouta ses conseillers sans faire le moindre commentaire.
Dans certains systèmes reculés, l’arsenal des Séparatistes, y compris parfois des flottilles entières de vaisseaux-droïdes, avait été récupéré par des groupes paramilitaires avant que les Forces Impériales n’arrivent.
Dans l’espace hutt, les contrebandiers, les pirates et autres criminels profitaient du besoin de l’Empereur de consolider les bases de son pouvoir. Ils ouvraient de nouvelles routes pour le commerce des épices et autres denrées et biens proscrits.
Sur de nombreux mondes de l’ancienne Confédération Séparatiste, les chasseurs de primes traquaient les anciens Séparatistes.
Dans la Bordure Intermédiaire, les académies impériales se remplissaient de pilotes trouvés dans les écoles de toute la galaxie.
Dans la Bordure Extérieure, de nouvelles générations de clones étaient produites.
Plus près du Centre, les chantiers navals tels que ceux de Sienar et de Kuat Drive construisaient des vaisseaux.
Mais, pour le moment, l’Empire n’avait pas assez d’hommes ni de vaisseaux à déployer partout où il y avait des problèmes.
Des manifestations avaient eu lieu sur Alderaan, Corellia et Commenor.
Certains des projets de l’Empereur n’avançaient pas, parce qu’il n’y avait pas assez de main-d’œuvre…
Quand le dernier des conseillers eut fini de faire son rapport, Palpatine renvoya tout le monde, y compris les membres de son cabinet, et regarda par la baie vitrée.
Sous le règne des anciens Sith, l’avenir de la galaxie avait été entre les mains capables de nombreux Souverains Noirs. Aujourd’hui, tout reposait sur les épaules de Dark Sidious.
Pour le moment, il était suffisant que ses conseillers et ses subordonnés le respectent et croient qu’il était capable de rétablir la paix, d’éliminer les groupes qui menaçaient l’équilibre fragile de l’Empire. Mais éventuellement, ils apprendraient à le craindre. À comprendre le grand pouvoir qu’il détenait, en tant qu’Empereur et Seigneur Noir Sith. Et pour cela, il avait besoin de Vador.
Car si quelqu’un d’aussi puissant que Vador lui obéissait, cela signifiait que lui-même l’était encore plus !
Après avoir passé plusieurs heures à se laisser porter sur les courants possibles de l’avenir, Palpatine fit venir Sate Pestage. Tournant le dos à la vue de Coruscant au soleil couchant, il fit face à celui de ses conseillers en qui il avait le plus confiance. Il lui ordonna de prendre un siège.
— Tout s’est passé comme vous l’aviez prévu, dit Pestage quand Palpatine hocha la tête pour l’inviter à parler. Organa est prévisible. Je n’ai pas eu à beaucoup intervenir.
— Vous voulez sans doute dire que le Sénateur Organa a permis à Fang Zar de s’échapper.
— C’est ce qu’il m’a semblé, oui.
Palpatine considéra cela.
— Il va falloir le surveiller, à l’avenir. Mais pour le moment, nous ferons en sorte d’ignorer son comportement. Et le Sénateur Zar ?
Pestage soupira.
— Gravement blessé. Peut-être même est-il mort.
— Dommage. Organa le sait-il ?
— Oui, et ce qui s’est passé l’a troublé.
— Et le seigneur Vador ?
— Il l’a été encore davantage.
Palpatine se permit un sourire de satisfaction.
— C’est une excellente nouvelle.
La Danseuse Ivre regagna son sanctuaire astral.
Un droïde 2-1B sortit de l’hôpital pour annoncer qu’il avait pu sauver Jula, mais que Fang Zar était mort sur la table d’opération.
— Les dommages causés aux vaisseaux principaux qui alimentent le cœur étaient trop importants pour être réparés, messire, dit-il à Shryne. J’ai fait tout ce que j’ai pu.
Shryne regarda Jula qui était sous sédatifs.
— Je t’ai entraîné dans tout ça, dit-elle d’une voix faible.
Il écarta les cheveux qui lui tombaient sur le front.
— Il y avait sans doute d’autres forces en jeu.
— Ne dis pas ça, Roan. Nous devons partir, loin.
Il se força à sourire.
— Je vais dire à Archyr d’installer un moteur intergalactique sur le vaisseau.
Il la laissa replonger dans un sommeil réparateur et alla s’allonger sur sa couchette. Chaque fois qu’il fermait les yeux, il revoyait la trajectoire du sabre laser de Vador, qui coupait presque Zar en deux et blessait Jula… Il n’avait pas besoin de fermer les yeux pour se rappeler combien il s’était senti submergé par la capacité de Vador à utiliser la Force.
À utiliser le pouvoir du Côté Obscur.
Un Sith.
Shryne en était certain, désormais.
Un Sith au service de l’Empereur Palpatine.
Il n’arrivait pas à se faire à cette idée.
Le Comte Dooku aurait tout aussi bien pu gagner la guerre, sauf que les systèmes indépendants, le commerce libre et la galaxie étaient maintenant sous le joug de Palpatine.
Mais comment ? se demanda Shryne. Comment est-ce arrivé ?
Comment l’association de Palpatine avec Vador avait-elle provoqué la mort de l’Élu ? Vador – Dark Vador – avait-il tué Anakin Skywalker ? Avait-il fait un marché avec Palpatine, lui promettant le pouvoir absolu s’il le laissait assassiner l’Élu et éliminer les Jedi afin de livrer la galaxie au Côté Obscur ?
Il n’était pas étonnant, alors, que des milliers d’êtres essaient de gagner les confins de la galaxie.
Il n’était pas étonnant non plus que Shryne n’ait pas été capable d’influencer la trajectoire du sabre laser de Vador. Il avait cru que ses capacités diminuées étaient le résultat d’un échec personnel – parce qu’il avait perdu sa foi dans les Jedi et vu mourir deux Padawans. Mais en fait, c’était la Force telle qu’ils la connaissaient qui était vaincue.
La flamme s’était éteinte.
D’un autre côté, cela signifiait que la transition vers une vie nouvelle serait plus facile que prévu. Mais cette vie normale signifiait exister dans un monde où le mal avait triomphé et sur lequel il régnait.
Dans l’antichambre de sa retraite privée, vêtu de robes bleu nuit à capuchon, Sidious faisait les cent pas devant la baie vitrée. Vador se tenait très raide au milieu de la pièce, ses mains gantées croisées devant lui.
— Il semble que vous ayez réglé notre petit problème sur Alderaan, seigneur Vador, dit Sidious.
— Oui, Maître. Vous n’avez plus à vous inquiéter pour Fang Zar.
— Je sais que je devrais sans doute être soulagé, mais je ne suis pas entièrement satisfait du résultat. La mort de Zar pourrait créer des remous au Sénat.
Vador remua.
— Il ne m’a pas laissé le choix.
Sidious s’arrêta pour se tourner vers son disciple.
— Pas le choix ? Pourquoi ne vous êtes-vous pas contenté de l’appréhender, comme je vous l’avais demandé ?
— Il a commis l’erreur d’essayer de fuir.
— Je ne pense pas qu’il ait jamais été un adversaire à votre taille, seigneur Vador.
— Zar n’était pas tout seul, rétorqua Vador avec humeur. Et puis, si vous n’aimez pas ma façon…
Soudain intrigué, Sidious s’approcha de lui.
— Ah, qu’est-ce que cela ? Vous laissez votre phrase en suspens – comme si je ne pouvais pas en deviner la fin.
De la colère brilla dans les yeux jaunes de l’Empereur.
— Comme si je ne pouvais pas deviner votre pensée !
Vador ne dit rien.
— Peut-être n’appréciez-vous pas votre nouveau statut ? Peut-être êtes-vous déjà las d’obéir à mes ordres ? (Sidious le regarda fixement.) Peut-être pensez-vous que le trône devrait vous revenir plutôt qu’à moi, seigneur Vador ? Dans ce cas, admettez-le !
Respirant profondément, Vador garda le silence un moment avant de répondre.
— Je ne suis qu’un apprenti. Vous êtes le Maître.
— Il est intéressant que vous n’ayez pas dit que j’étais votre Maître.
Vador inclina la tête.
— N’y voyez aucune intention, mon Maître.
— Peut-être souhaitez-vous m’abattre ? insista Sidious.
— Non, Maître.
— Qu’est-ce qui vous en empêche ? Obi-Wan était votre Maître, et vous étiez prêt à le tuer. Même si vous avez échoué.
Vador serra le poing droit.
— Obi-Wan ne comprenait pas le pouvoir du Côté Obscur.
— Et vous, si ?
— Non, Maître. Pas encore. Pas entièrement.
— Et c’est pour cela que vous n’essayez pas de m’éliminer ? Parce que je possède un pouvoir que vous n’avez pas ?
Sidious leva les bras, exposant ses mains aux ongles comme des griffes, comme pour conjurer un éclair Sith.
— Parce que vous savez que je pourrais facilement détruire les systèmes de votre armure.
Vador ne céda pas de terrain.
— Je ne crains pas la mort, Maître.
Sidious eut un sourire mauvais.
— Alors pourquoi continuer, mon jeune apprenti ?
L’intéressé le regarda.
— Pour apprendre à devenir plus puissant.
Sidious baissa les bras.
— Alors, je vous le demande une dernière fois, pourquoi ne me tuez-vous pas, seigneur Vador ?
— Parce que vous êtes ma voie vers le pouvoir, Maître, répondit Vador. Parce que j’ai besoin de vous.
Sidious plissa les yeux et hocha la tête.
— J’ai eu besoin de mon Maître pour la même raison – pendant un temps.
— Oui, Maître, dit finalement Vador. Pendant un temps.
— Bien. Très bien.
Sidious sourit, satisfait.
— Vous êtes désormais prêt à libérer votre colère.
Vador manifesta de la surprise.
— Vos Jedi fugitifs, mon cher apprenti, dit Sidious. Ils sont en route pour Kashyyyk. (Il inclina la tête sur le côté.) Peut-être espèrent-ils vous tendre un piège, seigneur Vador ?
Vador serra les poings.
— Ce serait mon vœu le plus cher, Maître.
Sidious referma ses mains sur les avant-bras de son disciple.
— Alors, allez à eux, seigneur Vador ! Et faites-leur regretter de ne pas s’être cachés quand ils en avaient l’occasion !