CHAPITRE XVI

La navette de Vador regagna l’Exécuteur, repliant ses ailes, ses voyants s’éteignant peu à peu. Non loin de l’endroit où elle s’arrêta, le Sonneur Mort s’était rangé, entouré par des soldats clones. C’était un cargo lourdement armé de canons à turbolaser et doté d’un module hyperdrive dernier cri. Les hommes d’équipage, en majorité des Koorivar, étaient sous bonne garde. Ils se tenaient les mains sur leurs têtes cornues, pendant que leur vaisseau était fouillé. De nombreuses caisses avaient déjà été débarquées pour être scannées.

Vador et Appo descendirent de la navette et s’approchèrent des contrebandiers. Un soldat leur montra le capitaine, et Vador avança vers lui.

— Quel genre de cargo transportez-vous, capitaine ?

Le Koorivar le foudroya du regard.

— J’exige de parler à l’officier en charge !

— C’est moi.

Le capitaine cligna des yeux, surpris, mais réussit à conserver son ton coléreux.

— J’ignore qui vous êtes, mais sachez que si mon vaisseau a subi le moindre dommage à cause de votre rayon tracteur, je ferai parvenir une plainte officielle au gouverneur régional !

— J’en prends bonne note, capitaine, répondit Vador. Et je suis certain que le gouverneur régional sera très intéressé par votre cas quand il apprendra que vous transportez des armes prohibées.

Il se tourna vers l’officier en charge des soldats.

— Veuillez les escorter à leurs cellules.

— Seigneur Vador ! dit Appo, tandis que l’équipage était emmené. La sécurité rapporte que deux humains ont été trouvés dans un compartiment secret.

Vador se tourna vers le cargo.

— Intéressant. Voyons ce que la sécurité a trouvé.

Quand Vador et Appo arrivèrent de l’autre côté du vaisseau, plusieurs soldats en sortaient, encadrant deux humains. L’homme était grand et avait les cheveux longs. Il se montrait très protecteur vis-à-vis de la jeune femme qui l’accompagnait. Tous deux étaient vêtus de robes et portaient une coiffe – la tenue typique des mercenaires de Murkhana.

Leurs yeux s’arrondirent quand ils virent Vador.

— Ils ne sont pas armés, seigneur Vador, annonça l’un des soldats.

— Nous nous sommes faufilés à bord sans que personne ne le sache, dit l’homme. Nous voulions aller à Ord Mantell.

— Vous n’êtes pas des passagers clandestins, fit Vador. Le capitaine a été grassement payé pour vous accueillir à son bord, et vous aussi… pour y monter.

La fille se mit à trembler de peur.

— Nous ignorions que c’était illégal ! Nous ne sommes ni des contrebandiers ni des criminels. Je vous jure ! Nous l’avons fait pour les crédits.

Vador la regarda de la tête aux pieds.

— Je songerai à épargner vos misérables vies si vous me dites qui vous a payés pour jouer cette comédie.

L’homme pinça les lèvres, puis il déglutit et dit :

— Des employés de Cash Garrulan.

Vador hocha la tête.

— Je m’en doutais. (Il se tourna vers Appo.) Commandant, les scanners de l’Exécuteur ont-ils repéré quelque chose ?

— Pas encore.

— Bientôt, alors.

Vador se tourna vers les soldats.

— Enfermez ces deux-là avec l’équipage.

La fille pâlit.

— Mais, vous aviez dit…

— Que je songerais à vous épargner, coupa Vador.

— Seigneur Vador, nous avons quelque chose, dit soudain Appo. Un vaisseau est parti de Murkhana City. Il suit une trajectoire qui va l’amener à l’endroit où était l’Exécuteur avant la manœuvre d’interception. Il essaie d’échapper à nos radars.

— Les Jedi sont à bord. Pouvons-nous les avoir d’où nous sommes ?

— Non, seigneur. Il est hors de portée de notre rayon tracteur.

Vador grogna de déplaisir.

— Nous devons remédier à cela. Mon chasseur est-il prêt ?

— Il attend à la rampe de lancement trois.

— Désignez deux pilotes pour m’accompagner. Dites-leur de me retrouver dans la zone de décollage. (Vador repoussa sa cape dans son dos.) Commandant, le vigo va essayer de fuir Murkhana. N’essayez pas de le capturer. Détruisez son vaisseau et tous les passagers.

 

Modifiée pour le voyage spatial, la navette de Garrulan avait de larges ailes. Le cockpit avait été agrandi pour accommoder le pilote et le copilote, et le siège de l’artilleur, qui était tourné vers la queue de l’appareil. Shryne était à l’avant, Starstone à l’arrière. Leur pilote s’appelait Brudi Gayn. C’était un humain aux cheveux noirs, un peu plus âgé que le Jedi. Il travaillait occasionnellement pour Cash Garrulan et parlait le Basic avec un fort accent de la Bordure Extérieure.

Shryne avait déjà décidé que Gayn était le pilote le plus détendu avec lequel il eût jamais volé. S’il avait reculé encore un peu par rapport à ses commandes, il aurait été assis à côté de Starstone. Il tenait à peine le manche. Pourtant, il maîtrisait son engin, et il connaissait tous les trucs.

— Ils nous ont dans le collimateur, dit-il à Shryne et à Starstone via son comlink. Il va falloir revoir nos manœuvres d’évasion.

Le grand vaisseau de guerre de Vador était visible par le pare-brise en transparacier.

— Je déteste ces nouveaux Destroyers de Classe Imperator, continua Gayn. Ils n’ont rien de l’élégance des Acclamator ou des Venator – pas même les Victoire Deux.

— La guerre produit ce genre de chose, répondit Shryne.

La console laissa entendre une alerte. Gayn se pencha sur l’un des écrans.

— Nous avons trois vaisseaux à nos trousses. Deux d’entre eux sont des Ailes-V, et le troisième pourrait être un Intercepteur Jedi modifié. Ce Vador dont vous m’avez parlé ?

— Probablement.

— Je suppose que l’Empire s’est approprié le matériel des Jedi tout comme celui des Séparatistes.

— Ainsi, d’une certaine façon, nous servons toujours Palpatine.

— Êtes-vous conscients que trois chasseurs nous filent le train ? interrompit Starstone.

— Merci pour l’info, chérie, mais nous sommes déjà sur le coup, répondit Gayn.

— Voilà une autre info pour vous : ils gagnent sur nous. Ne pouvez-vous pas faire avancer cette poubelle plus vite ? Ce vaisseau est aussi léthargique que vous !

Gayn lâcha un rire.

— Je suppose que je pourrais me délester de l’artilleur.

— Ou commencer par lâcher un peu de l’air chaud qui vous fait enfler la tête, rétorqua-t-elle.

— Aïe ! fit Gayn. Elle est toujours comme ça, Shryne ?

— C’est une bibliothécaire. Vous savez comment elles sont.

— Une bibliothécaire dotée de la Force… Un mélange très dangereux, ça. (Le pilote gloussa, puis il demanda :) Que va-t-il arriver à la Force ? Sans l’ordre Jedi, je veux dire.

— Je l’ignore, répondit Shryne. Peut-être va-t-elle entrer en hibernation.

Gayn secoua la tête.

— Je vais vous montrer que la Force n’est pas tout.

Regardant dans la direction indiquée par la main gantée de Brudi Gayn, Shryne vit un vaisseau rapide arrivant sur eux pour les intercepter.

— J’espère qu’ils sont de notre côté.

Gayn rit.

— C’est notre billet de sortie !

Coincé dans le cockpit de son intercepteur noir, Vador contrôlait la situation. Il avait coupé le compensateur d’inertie du chasseur et il se sentait revitalisé par l’apesanteur. Dans une autre vie, il avait piloté sans casque ni combinaison de vol, mais, si ce n’était la présence de cet accoutrement, il se sentait léger, débarrassé du règne de la gravité.

Ce n’était pas le vaisseau qu’Anakin Skywalker avait piloté pour se rendre sur Mustafar, et le droïde astromec avait un dôme noir. Ce n’était pas non plus le genre d’engin qu’il aurait choisi de piloter. Mais l’intercepteur ferait l’affaire, du moins jusqu’à ce que Sienar Fleet termine de construire le chasseur spécialement fait pour lui.

Malgré tout ce qu’il avait subi, il restait le meilleur pilote de la galaxie.

La navette ennemie s’était évaporée pendant qu’il faisait quelques ajustements. Il suffisait de voir le coucou à bord duquel les Jedi essayaient de s’enfuir pour comprendre qu’ils étaient désespérés – il n’avait même pas d’hyperdrive ! Mais Vador savait ce qu’ils pensaient. Ils espéraient gagner le vaisseau Sorosuub qui venait vers eux. Leur plan aurait pu fonctionner si Vador avait cru le Twi’lek, mais parce que ce n’était pas le cas, les Jedi n’auraient pas le temps de monter à bord. Car dans un instant, l’une et l’autre seraient à portée de leurs torpilles à protons.

— Tirez à mon commandement, dit-il aux clones qui pilotaient les deux appareils volant avec lui. Inutile de les prendre vivants.

— Seigneur Vador, nous avons identifié le Sorosuub, dit l’un d’eux. Il est enregistré à Murkhana. Son propriétaire est Cash Garrulan.

— Voilà, dit Vador, comme pour lui-même. Tout s’arrête ici.

— Mais il y a autre chose, seigneur Vador. La navette semble être dotée d’adaptateurs à anneaux-boosters externes.

Vador regarda l’écran sur lequel était visible la petite navette, puis demanda à son astromécanicien de lui montrer le vaisseau sur un autre.

Et il comprit.

— Ce n’est pas un rendez-vous, dit-il aux clones, tirez vos torpilles à l’instant où nos cibles seront à votre portée.

Ça va être juste, réalisa Vador.

Il activa le canon laser de l’intercepteur. La navette était à fond de train – et elle allait bien plus vite que Vador ne s’y était attendu. Son pilote savait ce qu’il faisait. À cette distance, cela allait être difficile de les accrocher.

L’astromec envoya les données sur l’écran du cockpit, et, au même instant, l’un des clones dit :

— Seigneur Vador, le vaisseau positionne un booster à hyperdrive sur la trajectoire de la navette.

La vision améliorée de Vador lui permit de voir l’anneau rouge et blanc d’hypermatière. Il appuya aussitôt sur la commande de son manche et des traits écarlates jaillirent des canons de l’intercepteur. Mais ils n’atteindraient sans doute pas leurs cibles, parce que celles-ci auraient disparu depuis longtemps.

Toujours lancé à pleine vitesse, Vador regarda la navette se faufiler dans l’anneau booster et partir à la vitesse de la lumière. Une fraction de seconde plus tard, le vaisseau de Cash Garrulan engagea son hyperdrive et disparut.

Vador ralentit son intercepteur et regarda l’espace avec un sentiment de défaite.

Il avait beaucoup à faire pour redevenir celui qu’il avait été.

L’un des pilotes d’Aile-V l’interpella :

— Nous calculons leurs vecteurs de fuite, seigneur Vador.

— Effacez-les calculs, pilote, répondit-il. Si ces Jedi sont si déterminés à disparaître, laissons-les faire.