CHAPITRE XXIII

Brudi n’avait pas dit que le transport s’était posé en douceur, et Shryne comprit pourquoi dès l’instant où Starstone et lui atteignirent le hangar. Le vaisseau triangulaire était couché sur le côté – l’une de ses ailes avait d’ailleurs laissé un sillon dans le sol. La paroi l’avait arrêté, comme en témoignaient son nez enfoncé et les deux droïdes qu’il avait écrasés.

Heureusement, aucun des passagers n’avait été blessé. Du moins pas au cours de l’atterrissage.

La rampe de débarquement se déploya et six Jedi sortirent en titubant. Certains étaient humains, d’autres non-humains. Ni Shryne ni Starstone ne connaissaient aucun d’entre eux, pas même de vue ou de réputation. Siadem Forte était un humain râblé, au corps comme un tonneau. Il était plus vieux que Shryne, pourtant il était toujours Chevalier. Il avait été brûlé aux deux bras par des tirs de blaster. Son Padawan était une jeune Togruta répondant au nom de Deran Nalual. Elle était aveugle depuis les combats qui avaient handicapé son Maître. Klossi Anno, une Chalactan, avait perdu le sien, qui était mort en lui sauvant la vie. À l’inverse, c’était le Padawan d’Iwo Kulka qui avait péri pour épargner le Chevalier Ho’Din. Il y avait également deux humains sans rang, les Jedi Jambe Lu et Nam Poorf, des spécialistes en agriculture qui rentraient à Coruscant après une mission sur Bonadan.

Il y avait un septième Jedi à bord, mais il était mort de ses blessures pendant le vol en hyperespace.

Les droïdes médicaux s’occupèrent de soigner les nouveaux arrivants. Puis, quand les Jedi se furent reposés et eurent mangé, ils furent conduits à la cabine principale. Là, ils racontèrent les combats et la manière dont ils avaient réussi à survivre à Shryne, à Starstone et à quelques membres de l’équipage.

Comme Shryne l’avait deviné, aucun autre soldat n’avait désobéi à l’ordre d’exécuter les Jedi sans sommation – ordre donné par Palpatine en personne. Deux des Jedi avaient réussi à tuer les clones qui s’étaient soudain retournés contre eux. Un autre s’était enfui en volant une armure. Les deux spécialistes en agriculture n’étaient pas en compagnie de troupes, mais on leur avait tiré dessus et on les avait poursuivis alors que leur navette approchait d’une station orbitale de la République.

Au nombre de dix au départ, ils s’étaient réunis sur Dellalt après avoir reçu le code neuf treize lancé par Forte, le plus âgé d’entre eux. C’était sur cette planète qu’ils s’étaient emparés du transport, durant une bataille au cours de laquelle deux des leurs avaient perdu la vie. Et tous les autres avaient été blessés. Apparemment, le croiseur les avait suivis de Dellalt jusqu’au point de rendez-vous avec les contrebandiers.

Quand chacun eut raconté son histoire, aussitôt disséquée par les autres, la Danseuse Ivre avait déjà émergé de l’hyperespace. Ils étaient dans un système reculé de planètes stériles où Jula et sa bande avaient coutume de trouver refuge. La capitaine gagna la cabine principale et s’assit à côté de Shryne. La discussion s’était orientée vers les rapports transmis par l’HoloNet au sujet de ce qui s’était passé sur Coruscant après que Palpatine eut déclaré que la Grande Armée avait vaincu et que la République était désormais un Empire.

— Certaines des informations doivent être fausses ou exagérées, dit l’agronome Jambe Lu. Les holo-images que nous avons vues montraient le Temple dévasté. Mais je refuse de croire que les nôtres restés là-bas sont tous morts. Palpatine a dû donner l’ordre aux soldats d’épargner les enfants. Et peut-être certains lettrés et administrateurs.

— Je suis d’accord, renchérit son partenaire, Nam Poorf. Si l’Empereur Palpatine avait voulu, pour une raison qui m’échappe, anéantir l’ordre Jedi, il aurait pu le faire avant le début de la guerre.

Forte trouva cette idée ridicule.

— Et qui aurait mené la Grande Armée ? Les Sénateurs, peut-être ? Et puis, si vous avez raison au sujet du Temple, notre seul espoir est qu’un certain nombre de Jedi soient détenus quelque part.

« Nous savons avec certitude que les Maîtres Windu, Tiin, Fisto et Kolar sont morts en essayant d’arrêter Palpatine. Quant à Ki-Adi-Mundi, Plo Koon et d’autres membres du Haut Conseil, ils ont été assassinés sur des mondes séparatistes.

— Des nouvelles de Yoda ou d’Obi-Wan ? demanda Shryne.

— Je n’ai rien entendu de plus que les spéculations véhiculées par l’HoloNet.

— Même chose pour Skywalker, dit Nam Poorf. Mais sur Dellalt, nous avons entendu une rumeur selon laquelle il serait mort sur Coruscant.

Le Chevalier Jedi Ho’Din jeta un coup d’œil en direction de Shryne.

— Si Skywalker est mort, cela veut-il dire que la prophétie est morte avec lui ?

— Quelle prophétie ? demanda la Padawan aveugle de Forte.

Iwo Kulka regarda de nouveau Shryne.

— Je ne vois plus aucune raison de garder cela secret, Roan Shryne.

— Il s’agit d’une ancienne prophétie, expliqua l’intéressé à Nalual, Klossi Anno et aux deux agronomes. Elle dit que l’Élu naîtra en une période sombre pour restaurer l’équilibre de la Force.

— Et on pensait qu’Anakin Skywalker était l’Élu ? fit Lu avec étonnement.

— Certains membres du Haut Conseil, oui. (Les yeux de Shryne se déplacèrent vers Iwo Kulka.) Pour répondre à votre question, j’ignore quelle est la place de la prophétie dans ce qui arrive en ce moment. La divination n’a jamais été mon fort.

Il avait parlé plus sèchement qu’il n’en avait eu l’intention. Mais il était exaspéré qu’aucun d’eux n’abordât le véritable problème : les Jedi n’avaient plus de foyer. Ils avaient d’importantes décisions à prendre.

— Ce qui compte, dit-il dans le silence qui suivit son sarcasme, c’est qu’aujourd’hui tous les Jedi sont devenus des cibles. Les actions initiales de Palpatine n’étaient peut-être pas préméditées. Les historiens détermineront cela. Mais il est maintenant bien décidé à tous nous éliminer, et nous nous mettons en grand danger en nous regroupant.

— C’est pourtant ce que nous devons faire, protesta Starstone. Tout ce qui vient d’être dit devrait nous pousser à nous unir. Des Jedi retenus prisonniers. Les enfants. L’incertitude qui plane sur le destin de Maître Yoda et de Maître Kenobi…

— À quelles fins, Padawan ? demanda Forte.

— Eh bien, ne serait-ce que pour empêcher que la flamme Jedi ne s’éteigne !

Starstone regarda autour d’elle, cherchant un signe d’encouragement. Mais quand elle n’en trouva aucun, cela ne l’empêcha pas de continuer.

— Ce n’est pas la première fois que l’ordre Jedi est au bord de l’extinction. Il y a cinq mille ans, les Sith crurent pouvoir anéantir les Jedi, mais toutes leurs tentatives échouèrent, et les seigneurs Sith ne réussirent qu’à s’entre-tuer. Palpatine n’est peut-être pas un Sith, mais en temps et en heure, il sera rattrapé par sa cupidité et son amour du pouvoir.

— C’est une attitude pleine d’espoir, dit Forte. Mais je ne vois pas en quoi cela pourrait nous aider.

— Votre meilleure chance, c’est le Bras de Tingel, dit Jula. Pour le moment, Palpatine contrôle surtout les mondes du Noyau.

— À supposer que nous allions là-bas, dit Starstone, tandis que les autres commençaient à discuter entre eux. Nous pourrions prendre de nouvelles identités et nous cacher sur des mondes reculés. Nous avons la capacité de dissimuler notre lien avec la Force, même à des individus en harmonie avec elle. Mais est-ce bien ce que vous voulez faire ? Est-ce ce que la Force attend de nous ?

Tandis que les Jedi considéraient la question, Shryne dit :

— L’un de vous a-t-il entendu le nom de seigneur Vador ?

— Qui est Vador ? demanda Lu.

— C’est le Sith qui a tué mon Maître sur Murkhana, répondit Starstone avant que Shryne n’ait pu proférer un son.

Iwo Kulka jeta un regard dur à Shryne.

— Un Sith ?

Shryne leva les yeux au ciel, puis les posa sur Starstone.

— Je pensais que nous étions convenus…

— Vador se bat avec une lame écarlate, fit-elle.

Shryne inspira profondément avant de dire :

— Vador a assuré aux soldats qu’il n’était pas un Jedi. J’ignore ce qu’il est au juste. Peut-être un humanoïde, mais pas entièrement organique.

— Comme Grievous, supposa Forte.

— C’est possible. Son armure noire semble lui être nécessaire pour rester en vie. À part ça, j’ignore à quel pourcentage Vador est un cyborg.

Poorf secouait la tête, confus.

— Je ne comprends pas. Ce Vador est un commandant impérial ?

— Non, il leur est supérieur. Les soldats lui ont montré le genre de respect qu’ils réservent à une personne de très haut rang. Je pense qu’il répond directement à Palpatine.

Shryne sentit son exaspération refaire surface.

— Ce que je veux dire, c’est que Vador est la menace dont nous devons nous inquiéter. Il va nous pourchasser.

— Pourquoi ne pas l’éliminer ? demanda Forte.

Shryne montra leur petit groupe.

— Nous sommes huit contre un Sith probable et la plus grande armée jamais créée. Que voulez-vous que nous fassions ?

— Nous ne sommes pas obligés de le tuer maintenant, répondit Starstone, qui avait compris la question de Forte. Tout le monde n’est pas d’accord avec Palpatine.

Elle regarda Jula.

— Vous avez dit vous-même que son emprise se limite aux mondes intérieurs. Nous pourrions donc travailler en secret pour persuader les Sénateurs et les chefs militaires des Mondes de la Bordure Extérieure de se joindre à notre cause.

— Vous négligez le fait que de nombreuses espèces nous tiennent désormais pour responsable de la guerre, fit remarquer Shryne. Et ceux qui ne sont pas convaincus par les mensonges impériaux auraient tout à perdre en nous aidant, ou ne serait-ce même qu’en nous donnant l’asile.

Mais rien ne pourrait la faire changer d’avis.

— Hier, nous étions deux. Et aujourd’hui nous sommes huit. Demain, peut-être serons-nous vingt ou cinquante. Nous pourrions continuer à transmettre…

— Je ne peux pas le permettre, coupa Jula. Pas de mon vaisseau, en tout cas.

Elle regarda Forte et les autres.

— Vous avez dit qu’ils vous poursuivaient depuis Dellalt. Supposez que l’Empire monitore les fréquences à la recherche de vos neuf treize ? Tout ce que Palpatine aurait à faire, c’est d’attendre que vous soyez tous au même endroit pour envoyer ses clones. Ou ce seigneur Vador.

Starstone ne garda le silence qu’un instant.

— Il existe un autre moyen. Si nous savions sur quel monde il y avait des Jedi, nous pourrions lancer des recherches.

« Mais pour cela, il nous faut accéder aux banques de données du Temple.

— Pas de la Danseuse Ivre, il n’en est pas question.

— Nous ne le pourrions pas, même si nous le voulions, Capitaine, dit Eyl Dix. Cela demanderait un transmetteur à hyper-ondes plus puissant que celui que nous avons, et un tel engin ne se trouve pas n’importe où.

— Eyl a raison, renchérit Filli. (Puis il eut un sourire rusé.) Sauf que je sais où en trouver un.