CHAPITRE VI

Un chœur de bips annonça que les fonctions des casques et des armes des fantassins étaient rétablies. Rien n’avait souffert durablement de l’impulsion magnétique émise par les DCE.

Les soldats, qui avaient recouvré leur aplomb, ne perdirent pas une seconde. Ils armèrent leurs fusils et les pointèrent sur les quatre commandos, lesquels avaient levé leurs DC-17 en prévision de cette éventualité.

Les bras en croix, le commandant Salve s’interposa entre les deux groupes avant qu’un blaster ne puisse tirer.

— Du calme ! brailla-t-il. C’est un ordre ! (Il darda un regard menaçant sur Grimpeur.) Vous avez intérêt à faire ce que je vous dis, cette fois.

Tandis que tout autour de lui les clones baissaient leurs armes, le premier bataillon arriva en renfort. Les nouveaux venus semblèrent stupéfaits par la scène qui se jouait. Salve signala à Grimpeur qu’il voulait lui parler en privé.

— Votre programmation aurait-elle été effacée ? fit-il. Nos ordres viennent de tout en haut.

— Je croyais que les Jedi étaient tout en haut de la chaîne de commandement ?

— Du Général en Chef, Grimpeur ! Vous comprenez, maintenant ?

— Du Chancelier Suprême Palpatine ?

Salve hocha la tête.

— Apparemment, il est nécessaire de vous rappeler, ainsi qu’à vos hommes, que nous servons le Chancelier, et non les Jedi.

Grimpeur considéra cela.

— Vous a-t-on dit ce que les Jedi avaient fait pour mériter d’être exécutés ?

Salve eut une grimace de dégoût.

— Ça ne me regarde pas, Grimpeur, et vous ne devriez pas vous poser cette question non plus.

— Vous avez raison, Commandant, il doit y avoir un défaut dans ma programmation, car, depuis le début de la guerre, j’ai cru que la Grande Armée et les Jedi servaient la République. Personne ne m’a jamais dit que nous servions Palpatine.

— Palpatine est la République, Grimpeur.

— Palpatine a donné cet ordre en personne ?

— Il a exigé qu’un ordre donné avant le début de la guerre soit exécuté.

Grimpeur réfléchit un instant.

— Voilà ce que je pense, Commandant. Il s’agit de servir ceux qui se battent à vos côtés, assurent vos arrières et vous mettent une arme dans la main quand vous en avez le plus besoin.

Le ton de Salve se fit plus tranchant.

— Nous ne discuterons pas de ça maintenant. Mais je vous promets une chose : si nous ne les retrouvons pas, vous paierez pour cette trahison – vous et vos hommes.

Grimpeur hocha la tête.

— Nous savions que cela pouvait arriver.

Salve inspira profondément et secoua tristement la tête.

— Vous ne devriez pas penser par vous-même, frère. C’est bien plus dangereux que vous ne le pensez.

Sur ces paroles, il se tourna vers ses hommes et vers les renforts.

— Chefs de section, passez sur la fréquence protégée zéro-zéro-quatre. Déployez vos hommes. Nous allons passer chaque bâtiment, chaque ruelle, chaque recoin au peigne fin. Vous savez quelles sont nos cibles, alors restez sur vos gardes.

— Avez-vous déjà vu un Jedi courir, Commandant ? demanda l’un de ses interlocuteurs. Je parie qu’ils sont déjà à dix klicks d’ici.

Salve se tourna vers son spécialiste en communications.

— Contactez le Gallant. Informez le commandement que nous avons une situation difficile sur les bras. Qu’ils nous envoient tous les droïdes chercheurs et les détachements de BARC qu’ils peuvent.

— Commandant, dit le même chef de section, à moins que les Séparatistes nous aident dans cette chasse à l’homme, nous allons avoir assez d’occupations.

Grimpeur ricana.

— N’essayez pas d’aggraver les choses en l’embrouillant, Lieutenant.

— Ça les aggraverait pour vous si nous ne les retrouvions pas, aboya Salve.

 

Shryne connaissait Murkhana City par cœur.

— Par ici… là…, disait-il tandis qu’ils s’échappaient, utilisant la rapidité que leur conférait la Force pour mettre plusieurs kilomètres entre eux et leurs nouveaux ennemis.

La cité était désormais une cible facile pour les bombardements. Les boucliers d’énergie étaient tombés et les aérosols anti-laser avaient fini de se diffuser. Deux autres Destroyers Stellaires étaient suspendus au-dessus de la baie, mais les forces de la République continuaient de retenir leurs feux ; la majorité des combats faisait toujours rage autour de la plate-forme d’atterrissage, mais elles la protégeaient, ainsi que les trois ponts restants, pour pouvoir faire entrer leurs hommes et leur matériel dans la ville. Shryne se disait qu’une fois que la plate-forme serait prise, les Séparatistes feraient sauter les autres ponts, pour ralentir l’invasion et laisser aux habitants le temps de fuir.

Dans les rues, les combats avaient pris une autre tournure désormais, certaines sections de soldats clones les rompant pour se lancer à la recherche des Jedi. Shryne, Chatak et Starstone avaient assisté à plusieurs scènes de ce genre. Bien sûr, les grands gagnants étaient les mercenaires et les droïdes de combat.

Quand Shryne sentit qu’ils avaient quelques minutes de répit, il les conduisit dans un immeuble abandonné et tira son comlink de sa ceinture.

— Ils ont changé de fréquence pour éviter que nous n’écoutions leurs communications.

— Qu’importe, puisque nous connaissons leurs méthodes de recherche, répondit Chatak.

— Nous pouvons les éviter le temps qu’il nous faudra pour tirer cette histoire au clair. Et si les choses en arrivent là, j’ai des contacts dans la cité qui pourront nous aider à partir.

— Qui protégeons-nous ici ? demanda Starstone d’un ton cassant. Nous ou les soldats ? Je veux dire, n’est-ce pas nous qui sommes à l’origine de leur existence ?

Shryne et Chatak s’entre-regardèrent.

— Je ne vais pas commencer à tuer des clones, déclara Shryne avec emphase.

Chatak coula un regard à sa Padawan.

— C’est pour ça que les droïdes de combat ont été créés.

Starstone se mordilla la lèvre.

— Et Maître Loorne et les autres ?

Shryne continuait de régler son comlink.

— Nous n’avons toujours aucune nouvelle. Et pas parce que leur signal a été changé.

Sachant que Chatak faisait la même chose, il se servit de la Force pour étendre sa perception, mais il ne perçut aucun écho.

Les épaules de la Zabrak s’affaissèrent.

— Ils ont été tués.

Starstone soupira et baissa la tête.

— Faites appel à votre entraînement, Padawan, conseilla Chatak. Ils sont avec la Force.

Ils sont morts, pensa Shryne.

Starstone leva les yeux vers lui.

— Pourquoi se sont-ils retournés contre nous ?

— Salve a laissé entendre que l’ordre venait d’en haut.

— Cela ne peut vouloir dire que du Bureau du Chancelier Suprême, conclut Chatak.

Shryne secoua la tête.

— Ça n’a pas de sens ! Palpatine doit la vie à Skywalker et à Maître Kenobi.

— Alors il doit s’agir d’un malentendu, renchérit Starstone. Pour autant que nous le sachions, l’Alliance des Corporations peut avoir piraté le code du Haut Commandement et donné des ordres contrefaits aux commandants.

— Pour le moment, c’est le meilleur scénario, dit Shryne. Si nos comlinks étaient assez puissants, nous pourrions contacter le Temple.

— Heureusement, le Temple peut nous contacter, dit Starstone.

— Et il pourrait bien le faire, assura Chatak.

— Il est possible que Passel Argente ait passé un accord avec le Chancelier Suprême pour que Murkhana soit épargnée.

Shryne coula un regard à la Padawan.

— Combien d’autres théories comptez-vous proposer ? fit-il sur un ton plus dur qu’il n’en avait eu l’intention.

— Je suis navrée, Maître.

— Patience, Padawan, dit Chatak d’un ton réconfortant.

Shryne rangea le comlink dans sa poche.

— Il faut éviter tout combat avec les mercenaires et les droïdes de combat. Les blessures occasionnées par un sabre laser sont trop faciles à identifier. Nous ne devons pas laisser de trace.

Ils ressortirent du bâtiment et recommencèrent à grimper dans les collines.

Où qu’ils se tournent, les rues étaient pleines de clones, de droïdes de combat et de Koorivar pressés de fuir. Avant qu’ils n’aient fait un kilomètre, Shryne arrêta de nouveau ses compagnes.

— Nous n’allons nulle part. Si nous ôtions nos robes, nous aurions davantage de chances de nous fondre dans la masse.

— À quoi pensez-vous ? demanda Chatak.

— Trouvons quelques mercenaires et prenons leurs robes et leurs coiffes. (Il regarda la Jedi, puis la Padawan.) Si les clones peuvent changer de côté, nous aussi.