CHAPITRE XXVI

Vador se tenait derrière Armand Isard et les deux techniciens du Bureau de la Sécurité Intérieure. Ces trois derniers étaient assis devant la console de contrôle de la balise du Temple Jedi. Le seigneur Sith avait les bras croisés sur la poitrine. Le commandant Appo était debout à sa droite.

— Je veux savoir comment quelqu’un a pu pénétrer la balise, dit Vador.

— Par le moyen d’un transmetteur Jedi, seigneur Vador, répondit l’un des techs.

— Vérifiez son code d’identification en le comparant aux bases de données du Temple, dit le chef du BSI, anticipant l’ordre de Vador.

— Nous devrions avoir l’information dans une seconde, répondit l’autre tech, les yeux rivés au texte qui défilait rapidement sur l’un des moniteurs. Chatak, ajouta-il bientôt. Bol Chatak.

Seul le son de la respiration de Vador troubla le silence qui suivit.

Shryne et Starstone, pensa-t-il.

Apparemment, ils étaient en possession du transrécepteur de Chatak quand ils avaient quitté Murkhana. Et maintenant ils essayaient de pirater des informations pour savoir où se trouvaient les Jedi quand l’Ordre Soixante-Six avait été mis à exécution. Sans doute espéraient-ils entrer en contact avec d’autres survivants et redonner la vie à leur Ordre.

Et… ensuite ?

Voulaient-ils se venger ? C’était peu probable, puisque ce serait faire appel au Côté Obscur. Désiraient-ils alors fomenter un plan pour tuer l’Empereur ? Peut-être… Sauf qu’ils ignoraient que Palpatine était un Sith. Alors qui serait leur cible ? Celui chargé de faire respecter la loi de l’Empire ?

Vador songea à contacter Shryne à travers la Force, puis écarta cette idée.

— D’où vient la transmission ? demanda-t-il enfin.

— Du système de Jaguada, seigneur Vador, répondit le premier technicien. Ou plus précisément de la lune du seul monde habité.

Une grande holocarte de la galaxie jaillit de l’holoprojecteur de la console. Reliée à une myriade de bases de données à travers le Temple, elle utilisait toute une palette de couleurs pour indiquer les endroits critiques. Plus de deux cents mondes clignotaient en rouge sang – la carte datait des instants qui avaient suivi l’exécution de l’Ordre de Palpatine.

Peut-être cela explique-t-il pourquoi l’Empereur n’a pas fait raser le Temple, pensa Vador. Sans doute veut-il le voir de sa salle du trône et se gausser des Jedi.

L’holocarte fit la mise au point sur un site dans la Bordure Extérieure. Quand le système de Jaguada apparut enfin, Vador alla se placer au centre.

— Cette lune ? demanda-t-il, la montrant de l’index.

— Oui, seigneur Vador, répondit le technicien.

Vador tourna la tête vers Appo, qui avait déjà contacté le Centre des Opérations de Coruscant.

— Cette lune abrite une ancienne installation des Séparatistes, dit le commandant. Qui que soient les individus en possession du transrécepteur Jedi, ils doivent l’avoir connecté au réseau.

— Avons-nous un vaisseau dans ce secteur, Commandant ?

— Non, seigneur Vador, répondit Appo. Mais il y a une petite garnison impériale sur Jaguada.

— Donnez l’ordre à son commandant de rassembler ses troupes immédiatement.

— Pour capturer ces individus ou les tuer, seigneur Vador ?

— L’un ou l’autre.

— Je comprends.

Vador mit sa main sous l’holo-image de la petite lune et dit :

— Je vous tiens.

Et il serra le poing.

 

Le sabre laser que Klossi Anno avait donné à Shryne ne convenait pas vraiment à sa main, mais il était bien conçu et sa lame bleue dévia parfaitement la grêle de tirs de blaster des droïdes de combat. Près de lui, Jula faisait feu calmement et avec une précision redoutable, mettant hors d’état de nuire les machines que les rayons détournés par Shryne n’abattaient pas. Accroupis derrière la console, Filli et Dix continuaient d’entrer des commandes, couverts par les sabres laser de Starstone, Forte et Kulka.

Dans la salle de contrôle comme dans le reste du complexe, les alarmes sonnaient et les sas et les portes se fermaient.

— Quoi que vous ayez fait, défaites-le ! cria Shryne à Filli sans perdre le rythme. Désactivez ces droïdes !

Les écrans qui un instant plus tôt étaient encore noirs leur montraient que des dizaines de droïdes d’infanterie et de droïdekas se dirigeaient vers le centre de contrôle.

— Dépêche-toi, Filli ! cria Jula. Il y en a d’autres qui arrivent !

Shryne jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Il y avait trois portes, dont celle par laquelle Jula et lui étaient entrés, situées à cent vingt degrés l’une de l’autre.

— Pouvez-vous nous enfermer ici, Filli ? demanda-t-il.

— Probablement, répondit le pirate informatique. Mais nous pourrions avoir encore de plus gros ennuis.

— Nous pouvons nous charger des droïdekas, l’assura Forte.

Filli passa la tête par-dessus la console et la secoua.

— Non, je veux dire que quelqu’un dans le Temple nous a repérés.

Starstone pivota vers lui.

— Comment…

— Nous recevons un écho de la balise, expliqua Eyl Dix.

Redirigeant plusieurs rayons, Shryne réduisit six droïdes en pièces détachées.

— Combien leur faudra-t-il de temps pour nous situer ?

— Ça dépend qui est à l’autre bout, répondit Filli.

— Eh bien, débranchez-vous ! fit Jula.

— Nous téléchargeons toujours, dit Starstone. Nous avons besoin de toutes les données que nous pourrons obtenir.

Shryne lui adressa un regard noir.

— Et à quoi toutes les données du Temple pourront-elles nous servir si nous ne sommes plus là pour les utiliser ?

Elle plissa les yeux.

— Je savais que vous diriez ça. Faites ce qu’il dit, Filli, ajouta-t-elle par-dessus son épaule.

Elle adressa un regard d’excuse à Forte et à Kulka.

— Nous ferons au mieux avec ce que nous avons.

— C’est fait, annonça le pirate.

Shryne démantela un autre droïde.

— Maintenant, coupez le générateur avant que nous soyons tués par un tir de blaster ou emmurés vivants !

Une seconde plus tard, les droïdes redevinrent inertes et la salle de contrôle fut plongée dans le noir. Cinq lumas produisaient juste assez de lumière pour qu’ils pussent se voir.

— J’espère que quelqu’un connaît le chemin de la sortie, dit Forte.

— Moi, répondit Eyl Dix, dressant ses antennes.

— Alors espérons que la porte soit toujours ouverte, dit Shryne.

Filli hocha la tête.

— Elle l’est. J’ai jeté un coup d’œil à l’écran de sécurité juste avant de couper le jus.

— Bon travail, commença à dire Shryne, mais des tirs de blaster lui coupèrent la parole.

— N’as-tu pas dit que tu avais tout coupé, Filli ? cracha Jula.

L’intéressé écarta les mains en un geste d’impuissance.

— C’est ce que j’ai fait !

Shryne écouta attentivement.

— Il ne s’agit pas des mêmes armes, dit-il au bout de quelques secondes. Ce sont des DC-15.

Starstone le regarda fixement.

— Des Impériaux ? Ici ?

Le comlink de Jula bipa ; elle le prit et l’activa.

— Capitaine, nous avons de la compagnie, dit Archyr, resté à bord de la navette. Des soldats de la garnison de Jaguada.

Shryne échangea un regard avec Starstone.

— Ceux qui étaient dans le Temple n’ont pas perdu de temps.

Il hocha la tête.

— Ils ont dû nous monitorer dès le début.

— Combien ? demanda Jula à Archyr.

— Deux escouades, répondit-il. Skeck et moi sommes cloués sur la plate-forme d’atterrissage. Mais la majorité des Impériaux sont entrés dans le complexe.

— Je pourrais essayer de fermer l’entrée, dit Filli.

— Non, coupa Shryne. Pensez-vous pouvoir relier un retardateur au générateur ?

Ayant coincé sa luma entre ses dents, Filli commença à fouiller dans ses outils.

— Je devrais pouvoir bricoler quelque chose.

Shryne se tourna vers Jula.

— Combien de temps nous faut-il pour atteindre l’entrée la plus proche des falaises ?

Elle lui renvoya un regard interrogateur.

— Ça nous amènerait bien trop loin dans la vallée, Roan. À un bon kilomètre de la navette.

Il acquiesça.

— Mais ça nous éviterait d’engager le combat avec les troupes pour sortir d’ici.

Elle plissa le front.

— Alors pourquoi veux-tu que Filli… (Elle sourit soudain et se tourna à son tour vers le pirate.) Fais en sorte qu’il se réveille dans quinze minutes standard, Filli.

— Ça ne nous laissera pas beaucoup de temps, Capitaine.

— Juste assez.

 

Quand une holotransmission du commandant de la garnison de Jaguada atteignit le Temple, Vador pressentait déjà que les choses avaient mal tourné.

— Je suis navré, seigneur Vador, dit le soldat, mais nous sommes enfermés dans le complexe avec plusieurs centaines de droïdes d’infanterie réactivés.

Il esquiva un tir de blaster et riposta, visant un ennemi invisible.

— Où sont les Jedi ? demanda Vador.

— Ils sont partis avant que le générateur ne se remette en route.

— Avez-vous détruit leur navette ?

— Négatif, répondit le commandant, qui se battait toujours. Les contrebandiers ont fait sauter une charge à impulsion électromagnétique. Mes gars s’y attendaient, mais malgré ça, la navette avait décollé quand leurs casques se sont remis à fonctionner.

Hors champ, un autre soldat dit :

— Nous avons perdu les positions de repli deux et trois, commandant. Nous allons devoir tenir bon ici même.

— Ils sont trop nombreux ! répondit le gradé, alors que des parasites venaient troubler la transmission.

Et soudain, elle disparut complètement.

Armand Isard et les techniciens du BSI s’activèrent aux contrôles, ne serait-ce que pour éviter d’avoir à regarder Vador.

— Seigneur Vador, dit Appo. La base de Jaguada nous informe que les points de saut sont rares dans le secteur. Ils scannent l’espace alentour à la recherche du vaisseau Jedi. Ils devraient pouvoir calculer tous les vecteurs de fuite possibles.

Vador hocha la tête.

Puis, furieux, il tourna les talons et sortit de la pièce. Ah, s’il avait eu le pouvoir de cueillir les Jedi en plein ciel ! De terminer ce qu’il avait commencé – leur extermination totale.

Sidious a tort, se dit-il alors qu’il enfilait les couloirs déserts. Ils sont une menace. Tous.