CHAPITRE XXXII

Le palais avait plus de sept cents ans. C’était un ensemble de tours, de tourelles, de remparts, de salles et d’appartements privés, le tout relié par autant de grands escaliers que d’ascenseurs. Sans une carte, il était impossible de se retrouver dans ses kilomètres de couloirs. Alors même si rejoindre la porte sud à partir de la salle de maintenance des droïdes semblait une mince affaire, cela n’en fut pas une.

— Le droïde est plus futé qu’il n’y paraît, dit Archyr quand il lui vint enfin à l’esprit que les deux machines les faisaient tourner en rond depuis un quart d’heure. Je crois qu’il nous promène.

— Oh, non, il ne ferait jamais ça, l’assura C-3PO. N’est-ce pas, R2 ?

Quand l’astromec ne répondit pas, C-3PO lui flanqua une claque sur la tête.

— Tu n’as pas intérêt à m’ignorer !

Skeck tira son blaster et le brandit.

— Peut-être a-t-il oublié que nous étions armés ?

— Inutile de nous menacer encore, dit C-3PO. Je suis certain que R2 ne le fait pas exprès. Nous ne connaissons pas bien le palais. Voyez-vous, nous ne sommes ici que depuis deux mois locaux, alors nous ne savons pas encore bien nous repérer.

— Où étiez-vous avant cela ? demanda Skeck.

C-3PO garda le silence pendant un long moment.

— R2, où étions-nous avant ?

L’astromec siffla et trilla.

— Comment ça, ça ne me regarde pas ? Nous y revoilà ! Ce droïde peut être tellement têtu. Enfin, pour vous dire où nous étions… je me souviens d’avoir servi d’interface pour un groupe de débardeurs.

— Des débardeurs ? fit Archyr. Mais tu es programmé pour le protocole, non ?

C-3PO eut l’air plein de détresse – pour autant qu’un droïde puisse l’être.

— C’est vrai ! Mais je ne peux imaginer que je puisse faire erreur ! Je sais que j’ai été programmé pour…

— Oh, tais-toi donc, droïde ! lâcha Skeck.

Shryne les arrêta net.

— Ce n’est pas le chemin de la porte sud. Où sommes-nous ?

C-3PO regarda autour de lui.

— Je crois que nous sommes dans l’aile de la résidence royale.

La mâchoire pointue d’Archyr lui en tomba.

— Que diable faisons-nous là ? Nous sommes à cent quatre-vingts degrés de l’endroit où nous devrions être !

Skeck pointa son arme sur l’astromec.

— Tu peux calculer le vol d’un chasseur en hyperespace et tu ne saurais pas nous conduire à la porte sud ? Encore un tour de ce genre, et je te fais griller les circuits !

Shryne s’éloigna des autres pour contacter Jula.

— Des nouvelles de… ?

— Où étiez-vous dans la galaxie, tous les trois ?

— Nous nous sommes perdus, dit-il. Des nouvelles du paquet ?

— C’est ce que je voulais vous dire. Il s’est déplacé.

— Où est-il ?

— À la porte est.

Shryne exhala d’un coup.

— Très bien. Nous nous rendons là-bas. Dis-lui de rester où il est.

Il désactiva le comlink et rejoignit les autres.

— La porte est ? fit Skeck quand Shryne leur rapporta la mauvaise nouvelle. (Il pivota sur lui-même et pointa l’index dans une direction.) C’est par là, je crois.

L’astromec commença à biper et à striduler. Shryne et ses compagnons se tournèrent vers C-3PO.

— Il dit que le chemin le plus court vers la porte est est de monter au niveau supérieur…

— Nous sommes supposés descendre ! s’énerva Archyr.

— C’est vrai, concéda C-3PO. Mais mon camarade conseille de monter ou nous serons forcés de faire un détour pour contourner l’atrium de la Grande Salle de Bal.

— Assez ! dit Shryne, coupant court à tout argument. Finissons-en, vous voulez bien ?

Ils suivirent l’astromec, qui roulait devant eux. Il les conduisit à un ascenseur, qui les amena un étage plus haut. Mais dès qu’ils en furent sortis, R2-D2 prit à gauche et ils durent presque courir pour le rattraper.

— Pourquoi est-il soudain si pressé ? demanda Archyr.

— R2, ralentit ! appela C-3PO, qui se faisait distancer.

L’astromec disparut derrière un coude du couloir. Skeck jura et tira son blaster.

— Il essaie de nous semer !

Quand ils tournèrent au coin à leur tour, ils se retrouvèrent quasiment nez à nez avec une femme élégamment vêtue. Elle portait un bébé endormi dans ses bras.

L’astromec s’arrêta net, piailla et plusieurs de ses bras jaillirent et se tortillèrent pour leur barrer la route.

Confrontée à cette scène terrifiante, la femme serra l’enfant contre elle d’un bras et tendit l’autre pour appuyer sur un signal d’alarme placé dans le mur. Réveillée par les glapissements et les trilles du droïde, le bébé se mit à vagir à pleins poumons.

Après avoir échangé un regard alarmé, Shryne, Skeck et Archyr pivotèrent et prirent leurs jambes à leur cou.

 

La pose pleine d’assurance de Bail, qui était assis dans l’un des fauteuils élégants de la salle de réception, ne reflétait heureusement pas son profond désespoir.

À quelques mètres à peine, debout devant l’une des immenses fenêtres, Dark Vador regardait dehors. Les manifestants devenaient de plus en plus indisciplinés.

Seule la cadence de sa respiration sifflante meublait le silence.

C’est le père de Leia, se dit Bail, qui en était certain désormais.

Anakin Skywalker. Par quelque miracle, il avait survécu sur Mustafar et été ramené à la vie. Mais il était maintenant confiné dans cette armure qui allait comme un gant à ce qu’il était devenu à la fin de la guerre : un traître, un boucher, un assassin d’enfants. L’apprenti de Sidious et un adepte du Côté Obscur de la Force. Et bientôt, Leia serait en sa présence…

Quand Breha l’avait contacté, il avait failli lui dire de fuir. Il avait été prêt à en subir les conséquences. Il ferait n’importe quoi pour assurer la sécurité de sa fille – même sacrifier Fang Zar.

Vador reconnaîtrait-il Leia pour ce qu’elle était, grâce à la Force ? Qu’arriverait-il si cela se produisait ? Exigerait-il de Bail qu’il lui révèle où était Obi-Wan – et Luke ?

Non, Bail mourrait plutôt.

— Pourquoi faut-il tant de temps au sénateur Zar ? demanda Vador.

Bail allait répondre que l’aile des invités était l’une des plus éloignées quand Sheltray Retrac entra. Un coup d’œil à son expression lui apprit qu’elle était contrariée. Elle approcha de Bail et dit, d’une voix basse :

— Fang Zar n’est pas dans ses quartiers. Nous ignorons où il est.

Avant que Bail ne répondît, Vador pivota vers eux.

— Zar a-t-il été prévenu de ma venue ?

Bail se leva vivement.

— Non, car personne ne savait que vous arriviez.

Vador regarda le commandant Appo.

— Trouvez-le, Commandant, et amenez-le-moi.

Ces paroles avaient à peine quitté sa bouche grillagée que des alarmes retentirent dans tout le palais. Le capitaine Antilles alla immédiatement se placer sur la grille de transmission de l’holoprojecteur de la salle de réception, où l’hologramme d’un agent de la sécurité se formait déjà.

— Sire, trois individus non identifiés ont pénétré dans le palais. Leurs intentions sont inconnues, mais ils sont armés. La dernière fois qu’ils ont été vus, c’était dans l’aile des appartements royaux, en compagnie de deux droïdes.

Deux droïdes ! pensa Bail, courant pour arriver avant Vador devant l’holoprojecteur.

— Avons-nous des images des intrus ? demanda Retrac avant que Bail ne puisse lui intimer de se taire.

Le cœur du Sénateur eut un raté. Si Vador voyait C-3PO et R2-D2…

— Seulement des intrus, répondit l’officier.

— Montrez-les-nous, dit Antilles.

L’image montra trois mâles, un humain et deux humanoïdes, qui couraient dans un couloir.

— Arrêt sur image ! ordonna Vador. Serrez sur l’humain !

Bail s’étonna de sa réaction. Vador connaissait-il ces hommes ? S’agissait-il d’agitateurs à la solde de l’Empire ?

— Un Jedi, dit Vador, comme se parlant à lui-même.

Bail ne fut pas sûr de l’avoir bien entendu.

— Un Jedi ? Ce n’est pas possible…

Vador pivota vers lui d’un bloc.

— Ils sont ici pour Fang Zar. (Il étudia Bail de derrière son masque.) Zar essaie de retourner sur Sern Prime. Apparemment, il espérait ne pas vous mêler à cela.

Un silence pesant tomba sur la salle de réception, mais rien qu’un instant. Car l’image de Breha apparut à son tour. Elle tenait une Leia en larmes.

— Bail, je ne vais pas pouvoir te rejoindre, finalement, dit-elle, assez fort pour couvrir les vagissements de l’enfant. Nous avons fait une mauvaise rencontre, et notre fille est terrorisée. Elle n’est pas en état d’être présentée à qui que ce soit. Je vais essayer de la calmer, mais…

— C’est très bien ainsi, dit-il. Je viendrai vous voir toutes les deux dans un instant.

Bail se tourna vers Vador, affichant un mélange de déception parce que son épouse ne les rejoindrait pas et d’inquiétude pour ce qui se passait.

— Je suis certain qu’il y aura une autre occasion, seigneur Vador.

— Tout l’honneur sera pour moi, répondit celui-ci.

Puis il sortit.

Bail faillit s’évanouir. Soupirant de soulagement, il se laissa retomber dans son fauteuil.

— Un Jedi ? fit Antilles, stupéfait.

Bail secoua la tête.

— Je ne comprends pas non plus. Mais c’est Skywalker. (Il bondit sur ses pieds.) Nous devons trouver Zar avant lui.