Daniel1,28
Nous sommes en septembre, les derniers
vacanciers vont repartir ; avec eux les derniers seins, les
dernières touffes ; les derniers micro-mondes accessibles. Un
automne interminable m’attend, suivi d’un hiver sidéral ; et
cette fois j’ai réellement terminé ma tâche, j’ai dépassé les
toutes dernières minutes, il n’y a plus de justification à ma
présence ici, plus de mise en relation, d’objectif assignable. Il y
a toutefois quelque chose, quelque chose d’affreux, qui flotte dans
l’espace, et semble vouloir s’approcher. Avant toute tristesse,
avant tout chagrin ou tout manque nettement définissable, il y a
autre chose, qui pourrait s’appeler la terreur
pure de l’espace. Était-ce cela, le dernier stade ?
Qu’avais-je fait pour mériter un tel sort ? Et qu’avaient
fait, en général, les hommes ? Je ne sens plus de haine en
moi, plus rien à quoi m’accrocher, plus de repère ni
d’indice ; la peur est là, vérité de toutes choses, en tout
égale au monde observable. Il n’y a plus de monde réel, de monde
senti, de monde humain, je suis sorti du temps, je n’ai plus de
passé ni d’avenir, je n’ai plus de tristesse ni de projet, de
nostalgie, d’abandon ni d’espérance ; il n’y a plus que la
peur.
L’espace vient, s’approche et cherche à me
dévorer. Il y a un petit bruit au centre de la pièce. Les fantômes
sont là, ils constituent l’espace, ils m’entourent. Ils se
nourrissent des yeux crevés des hommes.