Chapitre XII
Ala fin de l'année 1756, la maison de Marguerite connut des désagréments qui manquèrent porter un coup fatal à mon lucratif passe-temps. Depuis quatre années, ce digne établissement prospérait près de la Bastille, et jamais son commerce n'avait été inquiété par les services du lieutenant criminel du Châtelet. C'était sans compter sur l'arrivée à ce poste du zélé M. de Sartine.
Avant de vous narrer plus avant les tracas de mon associée, et puisque je viens d'évoquer un nom qui vous deviendra familier au cours de ce récit, j'aimerais vous brosser à grands traits le portrait de ce nouveau venu. J'emploie à dessein la formule de « nouveau venu » car Antoine de Sartine naquit à Barcelone où il a passé ses vingt premières années, avant d'élire domicile en France sur les conseils d'un père bien introduit à la cour de Versailles et dont la fortune s'était faite en ravitaillant les armées françaises pendant la guerre de Succession d'Espagne. En 1752, son entregent procura à son fils des lettres de nationalité puis en 1755 la charge de lieutenant criminel du Châtelet, avec tous les pouvoirs de police y afférant.
Il y a dans notre royaume des mystères qui sont bien gardés : comment un jeune homme de vingt-six ans, baragouinant encore assez mal notre langue, peut-il être désigné à une si importante fonction ? D'autant qu'il m'est revenu que le prix de sa charge, habituellement de deux cent cinquante mille livres, fut ramené par ordre du roi à seulement cent mille livres. Pourquoi un tel cadeau ? Mes questions sont sans réponse encore aujourd'hui, mais ne me dites pas que c'est avec de telles méthodes que l'on conduit adroitement le char de l'État. Bref, M. de Sartine devint du soir au matin l'un des hommes les plus puissants de Paris. Industrieux et de ces esprits qui veulent mettre en coupe réglée leur monde, il entreprit de réformer tout ce qui marchait très bien sans lui. On lui doit les maisons publiques de jeux – qui n'ont jamais supplanté les clandestines, je vous l'ai raconté –, mais aussi toute une série de mesures destinées à prétendument améliorer l'hygiène et l'approvisionnement de Paris, clament ses thuriféraires. Pour moi, je ne retiens de l'homme que sa propension à jouer de la lettre de cachet, sa basse police, son cabinet noir et surtout ses hypocrisies à l'égard des bonnes mœurs, dont il feignait d'être l'ardent défenseur. M. de Sartine, j'en ai les preuves, était – et reste – un débauché qui a fait la chasse aux libertins et aux prostituées pour se rendre populaire auprès des bourgeois et des dévots. Ce en quoi il a d'ailleurs échoué, si j'en juge par les libelles qui fustigent encore régulièrement son administration.
Nous avions donc laissé Marguerite dans l'embarras : en voici les raisons. Un beau matin, ou plutôt une nuit, la maisonnée fut mise sens dessus dessous par l'irruption des hommes du guet. J'étais chez moi quand une servante de Marguerite vint m'en avertir. Je me rendis sur place prestement mais, lorsque j'arrivai, Marguerite et ses pensionnaires n'étaient plus là. Encore effrayés, les gens de maison m'expliquèrent qu'on les avait amenées sans ménagement au Châtelet sur ordre du nouveau lieutenant criminel. La femme de chambre de Marguerite m'avisa également que les sbires de Sartine avaient fait main basse sur les cassettes de plusieurs jeunes femmes. Deux ou trois gentilshommes présents me confirmèrent ce fait. J'envoyai dans l'instant un domestique au Châtelet pour prendre des nouvelles. Il en revint presque bredouille et la seule information qu'il put obtenir m'inquiéta : Marguerite et ses ouailles seraient bientôt déférées devant le tribunal de police comme de vulgaires prostituées. La chose était choquante. Jamais une seule des disciples de Marguerite ne s'était adonnée au racolage, encore moins dans la rue. Les rencontres, dont j'étais parfois l'entremetteur, laissaient à la libre appréciation de leurs amants la nature de la gratification. Et les bénéfices qu'elles tiraient de leurs pratiques ne se pouvaient comparer aux ébats tarifés dont les maquerelles avertissent le passant dans les faubourgs. Le zèle des hommes du guet me parut d'autant plus suspect qu'il n'y avait eu aucune semonce. Dans toutes les petites maisons de Paris, on savait qu'il était courant en matière de police de voir débarquer le guet. Mais la chose conservait une pondération propre à en maîtriser les conséquences pour les deux parties. En clair, la plus grande tolérance était de mise pourvu qu'une maison fût bien tenue. Et c'était le cas de celle de Marguerite, qui de surcroît n'oubliait jamais d'exprimer toute sa gratitude aux officiers du guet par quelques menues attentions. Pourtant, ce bel équilibre semblait s'être rompu.
Le jour suivant, une de mes relations m'indiqua qu'il se préparait une audience publique afin d'instruire le cas de Marguerite. Sartine avait décidé de marquer son arrivée par un coup retentissant. Il me fallait agir. Et vite, au risque de voir le beau collège de Marguerite disséminé aux quatre vents de la justice. Je décidai de prendre conseil auprès du prince de Conti, qui, depuis sa rencontre avec Faustine, avait goûté aux mérites de plusieurs autres de mes filleules. Il me reçut le soir même en son palais de l'enclos du Temple. Je lui exposai l'affaire. Elle ne l'étonna pas car ses espions lui avaient déjà fait part des intentions du nouveau lieutenant criminel : Sartine s'était donné pour mission de se faire craindre du Paris débauché. Bien sûr, il savait qu'il ne pourrait éradiquer le libertinage – ce n'était d'ailleurs pas son souhait –, mais, en maniant la menace, il ambitionnait de se garantir des soumissions. Sartine voulait tout savoir, et dans son esprit les petites maisons devaient devenir de précieuses auxiliaires. Pour mener à bien cette stratégie, il lui fallait d'abord montrer sa force : le commerce de Marguerite en avait fait les frais. Pourtant, me précisa le prince, c'était justement au nom de cette ambition, que son cas pouvait trouver une issue heureuse. Il connaissait bien le lieutenant général de Police, le comte de la Ferrière, et se faisait fort de lui suggérer que Marguerite pourrait avantageusement entrer dans les plans de la police. Il suffisait ensuite d'en convaincre Sartine, qui n'avait rien à refuser à son puissant supérieur.
La chose paraissait simple : elle le fut. Deux jours plus tard, Marguerite et sa petite troupe étaient discrètement élargies. Après une abstinence de deux semaines, son commerce reprit, et le mien par là même. Elle avait donné des gages de son obéissance à M. de Sartine, qui dès lors devint beaucoup plus arrangeant à l'égard de son entreprise. En échange, elle fit des rapports plus ou moins circonstanciés de ses activités mais surtout de ses clients. Je lui conseillai bien sûr d'omettre ma collaboration, ce que je crois elle fit tant qu'elle le put. Nous félicitâmes M. de Conti pour ses bons offices, qui ne demanda rien d'autre comme remerciements que la copie des récits de Marguerite à Sartine. Enfin, en ce qui concerne les cassettes, aucune ne retrouva ses légitimes propriétaires mais le labeur de ces dames combla bien vite le manque à gagner.
Quelques jours après cet épisode, il me prit l'envie de me divertir dans les cabarets de la rue de la Tannerie et de la Vieille-Place-aux-Veaux. J'y déconseille le séjour aux amis de l'humanité, ils en reviendraient misanthropes, ou bien n'en rentreraient pas du tout, car l'endroit est assurément le plus périlleux de Paris. On n'y marche pas, on rampe ; les corps sont faits de fange, les âmes d'ordure ; la souillure est partout. Qu'allais-je y faire, me demanderez-vous ? Vous allez le lire, mais méditez d'abord cette maxime : pour bien goûter le beau, il faut pareillement aimer le sordide. Elle est de votre serviteur et trouvera écho, j'en suis certain, chez quelques-uns d'entre vous.
Ce soir-là, je décidai donc de diriger mes pas vers ce cloaque. En ces lieux, je me faisais habituellement reconnaître sous le surnom de comte de Boutez. J'y étais tenu en estime par diverses maquerelles, dont une particulièrement, qui jouissait d'une espèce de célébrité locale à cause des deux pilons qu'elle avait à la place des jambes. Elle avait perdu ces dernières après une gangrène provoquée par un empoisonnement du sang, chose commune dans ce commerce impur. Le mal ne s'était d'ailleurs pas arrêté en chemin et poursuivait lentement son œuvre, si bien que l'odeur fétide qu'elle transportait partout lui valait le surnom de « Charogne » de la part des aimables habitants de ce quartier. Elle fut pourtant jolie, m'assura un marchand de vin qui l'avait connue quinze ans plus tôt. Et c'est vrai qu'au milieu d'un visage ravagé par le mauvais alcool et la maladie, un œil expert pouvait encore déceler les vestiges d'une beauté passable. Pour survivre, cette ignoble créature s'était acoquinée avec un ancien portefaix tout aussi repoussant. Ensemble, ils recueillaient des enfants des rues pour les soumettre à leur loi. Les garçons, ils en faisaient des mendiants ou des voleurs dans le meilleur des cas, des gitons à deux sols l'affaire pour le pire. Quant aux filles, la maquerelle en menait l'éducation à sa manière et beaucoup ne voyaient pas leur douzième année sans avoir été livrées au plus abject commerce. Il arrivait qu'au milieu de ce fumier une rose se développât : la Charogne s'empressait alors de la vendre à des amateurs éclairés dont je fus quelques fois, je le confesse. J'ai écrit plus haut que les lecteurs n'étaient pas obligés de me suivre sur ces chemins. Il est toujours temps de refermer ce livre. Mais si vous poursuivez, ne vous plaignez pas de ce que vous découvrirez.
Lorsqu'elle me vit paraître sur le haut de la ruelle où elle tenait son immonde pension, la Charogne se précipita vers moi de toute la célérité que son infirmité lui permettait. Nous étions en été, la nuit était chaude et elle me parut mériter son sobriquet encore plus qu'à l'habitude. Après s'être fendue d'une burlesque révérence sur ses deux moignons, elle voulut m'entraîner dans son bouge car, affirmait-elle, elle y avait un morceau de choix à me proposer. Je la suivis en prenant soin au préalable de me couvrir le nez d'un mouchoir.
Dans son abjecte masure, un semblant d'ordre régnait toujours, ce qui n'était pas sans surprendre. Nous descendîmes les marches d'un escalier branlant afin de nous rendre dans un réduit qui faisait office de chambre à coucher pour les filles qu'elle tenait sous sa coupe. Quatre ou cinq petits êtres y étaient pelotonnés sur une paillasse pendant que, sur un autre grabat, une enfant plus âgée se dissimulait le visage avec les mains. L'obscurité empêchait de voir distinctement la physionomie des pauvres captives. La Charogne avança une lampe vers la plus grande : la pauvrette avait de longs cheveux blonds qui encadraient un visage qu'elle continuait de cacher de ses deux mains sales. La maquerelle lui intima l'ordre de nous montrer sa figure. Tremblotante, la fille s'exécuta, laissant apparaître une belle tête d'angelot, où deux grands yeux bleus nous scrutaient avec effroi. Elle devait avoir à peine quatorze ans. Selon la Charogne, elle était encore pure, et elle me proposa de vérifier. Je déclinai l'invitation. Je demandai toutefois à ce qu'elle se levât pour pouvoir mieux juger de son apparence. Voulant m'être agréable, la Charogne lui ordonna en sus de se dévêtir. La jeune fille s'exécuta à nouveau en ôtant les lambeaux qui lui servaient de vêtement. La lumière vacillante de la lampe éclaira bientôt son corps nu : elle n'était pas encore femme mais ne tarderait pas à le devenir, de ce que je pus en voir. Pour mieux me convaincre, la maquerelle lui demanda d'approcher.
J'avoue qu'au premier coup d'œil elle ne me déplut pas et qu'il me passa par l'esprit de la sortir de ce bouge pour la confier à Marguerite afin qu'elle l'éduquât à son école. J'avais déjà pratiqué ainsi une ou deux fois : il s'agissait en quelque sorte d'un pari sur l'avenir, en même temps qu'une bonne action. Ma décision était presque acquise quand la fille ne put retenir une affreuse toux. La quinte venait du plus profond de son être et raisonna comme un glas dans sa petite poitrine. Atteinte à l'évidence de consomption pulmonaire, elle n'aurait pas longtemps à attendre pour quitter sa misérable condition. Je lui demandai de se rhabiller et quittai les lieux promptement, suivi de l'odieuse Charogne qui tenta de me retenir en répétant à l'envi que la petite serait bientôt guérie. Exaspéré, je lui enjoignis de se taire si elle ne voulait pas que je lui tranchasse la langue. Elle pâlit, autant que son affreux teint pouvait encore blêmir.
J'allais quitter son trou infâme quand je butai sur un garçon vautré en travers de la porte. Je lui allongeai un coup de botte bien senti pour le faire dégager lorsqu'il se releva, déployant une carrure admirable pour un garçon de son âge. L'air stupide, il se découvrit de son bonnet graisseux, et marmonna ce qui me sembla des excuses. La Charogne lui hurla de déguerpir. Je l'arrêtai. Il est dans l'existence des rencontres baroques. Allez savoir pourquoi cet adolescent sale et plutôt hideux retint tout à coup mon attention. Sa carrure, peut-être ? L'idiotie innée qui ornait sa figure ? Ou alors les bénéfices que je pourrais faire des deux ? Je ne me le rappelle plus mais j'ai toujours eu un don pour dresser des créatures. Celle-ci, dans un registre nouveau, m'interpella. Je demandai à la Charogne combien elle en voulait. Interloquée, elle ne sut d'abord me répondre, prétextant qu'elle devait demander à son ignoble compagnon ce qu'il comptait en faire puisque c'était lui qui l'avait récupéré à demi mort sur les quais de la Seine. Depuis, il ne servait à rien de plus qu'à subir les bordées de coups de bâton dont le couple l'abreuvait à tout propos. Mais mon intérêt soudain venait de lui donner du prix. Chose étrange, le jeune bougre savait un peu lire et passablement écrire. Dans une autre vie, un défroqué lui avait soi-disant enseigné les deux, en même temps qu'il se faisait payer en nature les leçons par son élève, m'expliqua la Charogne qui n'en savait pas plus.
Le dadais répondait au prénom de Simon. En revanche, pour son nom, je n'en ai jamais rien su, ni lui non plus d'ailleurs. Grand d'au moins six pieds, il avait une petite tête dont le visage inanimé, décoré d'un long nez, paraissait comme un masque de carnaval. J'ai toujours eu du goût pour les êtres étranges, et, avec ma soubrette naine, je me dis qu'il composerait une étonnante ménagerie. En outre, je n'avais plus de valet. Le précédent s'était lassé de mes tocades et des gages qu'il jugeait trop modestes pour les efforts consentis par son échine à mon service. Le bonhomme avait alors tenté d'améliorer son statut en se plaçant chez un paisible et honnête chanoine. La position était trop belle pour un individu de son espèce. Bientôt convaincu de s'être livré au vol de son débonnaire maître, mon ex-valet fut prestement envoyé aux galères, où le fouet des gardes-chiourmes lui fit amèrement regretter mes bienveillants coups de canne. Ce Simon le remplacerait avantageusement, d'autant qu'il me semblait l'esprit vicieux. J'ai l'œil pour ce talent-là. Je n'attendis donc pas le verdict du compagnon de la Charogne et je lançai un louis à cette ordure pour la débarrasser du garçon. Elle s'empara avidement de la pièce et brailla à Simon de me suivre.
Rentré en mon hôtel, j'expédiai le garçon aux cuisines pour qu'il se nourrît en même temps qu'il se présenta à mes autres domestiques. J'avais d'ailleurs résolu de faire mon Sartine en lui commandant de me répéter tout ce qu'il y entendrait. Ce fut ainsi qu'un peu plus tard il me rapporta le surnom de Sultan dont mes gens m'avaient affublé. Je tus ma colère à ce sujet quelque temps, mais à la première occasion je vidai les lieux de la présence de ma cuisinière et de son mari. La naine échappa à la purge au seul motif qu'il m'amusait de l'assortir avec Simon. Ce dernier était bien aussi sot qu'il en avait l'air. Cette tare était compensée par une rare soumission, héritage des mauvais traitements qui lui avaient forgé une âme d'esclave dans un corps d'Hercule. Le bonhomme possédait une taille proprement remarquable, assortie d'une musculature digne d'un gladiateur. À dix-sept ans à peine, il dépassait d'une tête toute la maisonnée, moi y compris, bien que vous sachiez que ma taille était fort honnête.
Venu de nulle part, il avait cependant dû avoir une nourrice généreuse dans sa prime jeunesse. Mais tout ce dont il se souvenait, me dit-il, c'était ce lubrique curé qui lui enseigna les rudiments de la lecture et de l'écriture, et où il séjourna quelque temps. Il s'était enfui de ce gîte un soir, croyant désormais vivre libre, en vagabond. Toutefois à Paris, même cet état a des règles : les mendiants y ont leurs territoires attitrés qu'ils défendent jalousement. Plusieurs fois, Simon essuya leurs menaces mais, plus par bêtise que par insolence, il ne déguerpit pas. À la fin, pour bien lui faire entrer la leçon dans la tête, ils la lui ouvrirent à coups de pierre, et c'est plus mort que vif que le compagnon de la Charogne l'avait trouvé sous le pont Neuf. Après avoir songé l'achever pour le revendre à ces messieurs de la Faculté qui sont friands de corps frais, il hésita, décidant finalement de le traîner jusqu'à son minable logis. Simon avait une belle constitution et la tête dure : en deux jours, il était remis. L'odieux couple imagina alors le prostituer, mais sa terrible corpulence faisait fuir les clients. Il est vrai que, dans cette manie, les faibles sont souvent plus goûtés que les forts. Ne sachant qu'en faire, ils le gardèrent pour diverses corvées qu'ils lui rétribuaient généreusement à coups de bâton. Rendu à demi sauvage, totalement prostré dans l'intervalle des cruautés qu'il endurait quotidiennement, son intelligence ne s'en était pas améliorée.
Au cours des premiers temps passés dans ma maison, Simon démontra cependant qu'il pouvait apprendre, au moins à l'imitation. Ma naine lui enseigna diverses astuces utiles à son service auprès de moi, tandis que je pris l'habitude de lui parler de mille choses, comme l'on fait avec un animal de compagnie dont on s'amuse à croire qu'il nous comprend. Mais Simon n'avait pas plus d'entendement qu'un lévrier ou un angora, qualité inestimable pour un domestique car elle permet de ne rien s'interdire d'évoquer en sa présence. J'avais toutefois remarqué qu'il savait observer. Peu à peu, en plus de me servir, il sut à la perfection mes habitudes. Il m'accompagna bientôt dans toutes mes expéditions, marchant toujours deux pas en deçà de moi, répondant au sifflet comme un bon chien de chasse. J'avais pris soin de le faire habiller d'une livrée sombre et austère, ce qui redoublait l'effet de sa puissante physionomie. Chez tous mes amis on me l'envia, en particulier chez M. de Richelieu, à qui je dus promettre de le lui céder s'il me prenait l'envie de m'en débarrasser. Pour l'heure, je n'en avais pas le dessein et tout Paris s'habitua à me voir accompagné en tous lieux par ce ténébreux serviteur.