Lorsque Tania apparaît derrière les grilles de la propriété, Maxime débite à la hache le tronc d’un arbre arraché par le vent. Il a trouvé son rythme, assure son geste et la lame s’enfonce à chaque fois plus profondément dans la blessure. Cette activité occupe son esprit, mobilise ses muscles restés trop longtemps inactifs. Georges n’est pas encore rentré de la pêche, il est installé au bord de la rivière, à l’abri d’un saule. Son seau est rempli de poissons, il imagine son arrivée dans la cuisine, la joie de Thérèse à la vue de son butin. La fille du colonel lit sur la terrasse, allongée sur une chaise longue, bercée par le choc régulier de la hache. De temps à autre elle caresse des yeux l’homme en bras de chemise, admire son effort, l’encourage de la voix.

C’est elle qui voit Tania en premier. Elle sursaute, saisie par la beauté de la jeune femme qui se tient immobile de l’autre côté du muret, un sac de voyage à la main. Une silhouette parfaite, vêtue d’une petite robe grise aux épaules droites, à la taille marquée. Elle ressent un pincement au cœur, cette présence radieuse annonce un malheur, elle en est sûre. Les deux hommes lui ont parlé d’elle et elle l’a reconnue, avant même que Maxime ne lève la tête pour l’apercevoir à son tour. Il tressaille, laisse sa hache plantée dans le tronc de l’arbre, essuie son front. Ils se font face, Maxime est debout, les bras ballants, à quelques mètres de Tania, toujours immobile derrière les grilles. Lorsque Thérèse surprend leur regard elle comprend. Un nuage traverse le ciel et vient masquer le soleil de cette après-midi.

 

Tania s’installera dans la chambre destinée à Simon, qui dispose de deux lits jumeaux. Maxime et Georges s’empressent auprès de leur belle-sœur, lui font faire le tour du village, l’emmènent admirer l’église et le prieuré, l’accompagnent sur les rives de la Creuse.

 

Peu après son arrivée elle tente d’appeler ses beaux-parents, sans succès. Elle imagine le grelot du téléphone résonnant dans le salon désert, trouant un silence de mort. Elle envoie un télégramme à Martha, pour la rassurer, mais ne veut pas penser à Robert. Comme une petite fille obstinée elle a cédé à un caprice, elle est enfin auprès de l’homme qu’elle désire. Il l’attire plus que jamais, elle lutte contre la tentation de se réfugier contre son torse, de coller sa bouche à la sienne. Rien n’a d’importance en dehors de cette force qui la possède tout entière.

Jour après jour les yeux de Maxime se font plus insistants, elle leur répond, se laisse envahir par ces vagues de désir. Elle peut se livrer encore à ce jeu troublant, l’arrivée d’Hannah et de Simon y mettra fin. À chaque fois qu’elle s’abandonne au regard clair de Maxime, elle se sait observée par Thérèse : l’institutrice réagit comme une enfant jalouse.

 

Bouleversé par Tania, Maxime se retourne chaque nuit sans fin, obsédé par l’image de la jeune femme qui dort dans la chambre voisine, sa chevelure répandue sur l’oreiller, sa peau hâlée tranchant sur la pâleur des draps.