J’avais quitté le primaire, je fréquentais le collège de mon quartier. Je me faisais un devoir de me maintenir en tête du peloton et je franchissais la ligne d’arrivée dans les premiers. Dispensé de sport pour raisons médicales je passais l’heure de gymnastique dans la salle de permanence, plongé dans mes livres. Par la fenêtre je voyais les autres s’empoigner, chercher à s’emparer du ballon qui se faufilait entre leurs jambes, j’entendais leurs cris, leurs vivats qui saluaient un but. Aussi robustes que mon frère, aussi impitoyables, ils terrassaient leurs adversaires pendant que je penchais ma poitrine creuse sur la table de travail.

Les jours défilaient, tous semblables, les nuits se succédaient, j’y déployais mon théâtre d’ombres. Une existence parfaitement réglée, jusqu’à l’événement qui allait en marquer le tournant.