Le port de l’étoile est devenu obligatoire. Une gifle pour Maxime qui ne peut plus rien opposer à ceux qu’il a tenté de rassurer. Les inquiétudes de Joseph, les craintes des commerçants voisins étaient fondées. La perspective d’arborer l’insigne jaune anéantit tous ses efforts, le rallie de force à une communauté avec laquelle il voudrait prendre ses distances. Pire, l’ennemi n’est plus l’envahisseur mais son pays lui-même, qui le range du côté des proscrits. Il décide une fois encore de désobéir, ce chiffon ne viendra pas salir ses costumes de prix, ni humilier sa famille. La tension avec ses proches devient électrique, Georges lui reproche ce qu’il considère comme un reniement, Esther et lui porteront l’étoile avec fierté, pourquoi devraient-ils en avoir honte ? Chaque discussion est l’occasion d’une nouvelle empoignade, Joseph ose à peine s’adresser à son fils, tente parfois de lui faire entendre le risque que sa décision fait courir à sa femme et à Simon. Maxime balaye avec colère ces arguments : rien ne le désigne aux yeux de l’ennemi, pourquoi l’inquiéterait-on ? A-t-il le nez aquilin, les doigts crochus, le menton fuyant que les affiches de la terrible exposition du palais Berlitz proposent aux Parisiens pour leur permettre de reconnaître les ennemis de la France ?
Louise a obéi, elle a cousu l’insigne à sa poitrine. Elle ne s’est pas senti la force de se dérober mais l’étoile lui pèse, plus encore que la lourde semelle de sa chaussure orthopédique. Maxime passe la voir chaque jour, discute avec elle, s’inquiète de son avis sur la situation. Il voudrait lui reprocher sa capitulation mais le visage défait de son amie l’en dissuade. Il ne peut plus reculer, le lutteur sait à quel point une seconde d’hésitation, un regard qui défaille, un geste incertain peuvent profiter à l’adversaire. Cette mesure est peut-être le signe qu’il attendait. Il lui faut franchir la ligne de démarcation, avec Hannah et Simon. À plusieurs reprises, il va en parler à Louise.
Elle tentera d’abord de l’en dissuader, effrayée par le danger, mais devant sa détermination, lui proposera une solution : une de ses cousines travaille à la mairie de Saint-Gaultier, une petite commune de l’Indre, elle la joindra pour organiser avec elle leur accueil.
Maxime est persuadé que le passage en zone libre reste la seule issue possible. Le dimanche suivant, il organise chez Georges un conseil de famille afin de recueillir l’avis de tous. Élise, protégée par le patronyme de Marcel, veut rester à Paris, les réunions avec ses amis politiques sont une nécessité pour elle, elle va participer à l’organisation d’un réseau de résistance. Georges et Esther se disent prêts, pour des raisons différentes : il ne supporte plus les privations ; elle est séduite par l’aspect romanesque de l’aventure. Tous deux pensent cependant qu’il serait prudent d’envoyer les hommes, qui sont les plus menacés, en avant-garde. Une fois en sécurité ils pourront faire signe aux autres. Simon sera du second voyage, avec sa mère. Tania ne veut pas abandonner Martha qui souffrirait de la savoir loin d’elle. Les femmes pourraient assurer la garde du magasin, puis, accompagnées de Louise, elles prendraient elles aussi la route de Saint-Gaultier. Tout le monde décide de s’accorder une semaine de réflexion.
Simon, pendant ce temps, est-il sensible à l’inquiétude de ces regards ? Il surprend des conversations, entend parler de départ, sans doute ressent-il le désarroi de son père, l’angoissé de sa mère. Mais il reste le véritable centre de cette constellation. Comme Maxime, il sait obtenir d’un sourire ce qu’il désire, la vie lui appartient. Dans le quartier il croise des voisins, des inconnus qui portent cette étoile sur leur cœur, il la voudrait aussi. Peut-être même a-t-il demandé à Hannah de la coudre à son gilet afin de l’arborer fièrement, comme les médailles de son père.