CHAPITRE VI
 
Que se passa-t-il pendant la nuit ?

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CE SOIR LÀ, Annie commença à se sentir oppressée lorsque la nuit tomba.

« Personne ne viendra cette nuit, n’est-ce pas François ? demanda-t-elle à son grand frère, au moins une demi-douzaine de fois.

— Non, Annie. Mais, si tu le veux, je dormirai dans ta chambre à la place de Claude. »

Annie réfléchit et secoua la tête.

« Non, répondit-elle. Je préfère avoir Claude et Dago. Tu comprends, Claude et moi —et même toi !— nous pouvons être effrayés, mais pas Dagobert !

— Tu as raison, répondit François. Mais je suis sûr que rien n’arrivera cette nuit. Si tu veux nous allons fermer les fenêtres de nos chambres ; tant pis si nous avons trop chaud ; ainsi personne ne pourra entrer. »

Ce soir-là, François ne ferma pas seulement les portes et les fenêtres du rez-de-chaussée, comme il l’avait fait la veille (excepté celle de l’office qui ne fermait pas), mais aussi toutes les ouvertures de l’étage.

« Et la chambre de Maria ? demanda Annie.

— Elle dort toujours la fenêtre fermée, hiver comme été, répondit François en grimaçant. Les gens de la campagne croient que l’air de la nuit est mauvais ! Et maintenant, tu n’as plus rien à craindre. »

Annie alla calmement se coucher. Claude tira les rideaux. Si le « visage » apparaissait, elles ne risquaient pas de le voir, ni l’une, ni l’autre.

« Sors Dagobert à ma place, demanda Claude à son cousin, Annie veut que je reste avec elle. Tu n’as qu’à ouvrir la porte et le laisser dehors, il rentrera tout seul.

— Parfait ! » répondit François et il ouvrit la porte du bas.

Dagobert s’éloigna en remuant la queue. Il reniflait de tous côtés, car il aimait l’odeur des haies fraîchement taillées. Il mit le nez à l’entrée d’un terrier, puis guetta le moindre bruit avec l’espoir de surprendre un rat ou un lapin.

« Dagobert n’est pas rentré ? demanda Claude du haut de l’escalier. Appelle-le, François, je veux qu’il vienne se coucher. Annie dort déjà.

— Il reviendra dans un petit moment, dit François qui voulait finir son livre, ne t’impatiente pas ! »

Mais lorsqu’il acheva la dernière page, Dagobert n’était pas revenu. François sortit dans le jardin et siffla. Il s’attendait à voir accourir Dago, Mais il n’y eut aucun bruit. Il siffla de nouveau. Le temps lui parut long. Enfin il entendit le chien revenir dans l’allée.

« Te voilà, Dago ! dit François. Où étais-tu ? Tu chassais des lapins ? »

Dago remua faiblement la queue ; il ne fit aucune fête à François.

« On dirait que tu as fait une bêtise ! Allez, va vite te coucher et n’oublie pas d’aboyer si tu entends du bruit.

— Ouah ! approuva Dago d’une voix éteinte. Il grimpa l’escalier, bondit sur le lit de Claude et soupira profondément.

— Quel soupir ! murmura Claude. Qu’est-ce que tu as mangé ? Tu as dû déterrer un vieil os, j’en suis sûre. Pouah ! J’ai bien envie de te chasser de mon lit ! » 

Dagobert s’installa pour dormir, la tête posée sur les pieds de Claude, comme d’habitude. Il ronflait un petit peu, ce qui réveilla Claude au bout d’une demi-heure.

« Tais-toi, Dagobert ! » ordonna-t-elle, en le poussant un peu.

Annie s’éveilla, inquiète.

« Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle, le cœur battant.

— Rien. C’est seulement Dagobert qui ronfle ! Il n’y a pas moyen de l’en empêcher ! dit Claude irritée. Réveille-toi, Dago ! »

Dago bougea un petit peu, puis s’endormit. Il ne ronflait plus. Claude et Annie s’assoupirent. François s’éveilla au milieu de la nuit. Il avait cru entendre quelque chose tomber ; quelques instants plus tard, il sombra de nouveau dans le sommeil.

Il s’éveilla vers sept heures du matin. Maria descendait l’escalier, ouvrait les volets de la cuisine, s’affairait. François se rendormit.

Vingt minutes plus tard, des cris l’arrachèrent à ses rêves. Il se précipita hors de sa chambre. Mick le suivit.

« Regardez ! Regardez ! Le bureau de monsieur sens dessus dessous, les tiroirs vidés, les dossiers par terre, le coffre ouvert ! Un voleur est venu ici cette nuit ? »

Maria se lamentait….

« Mais comment est-il entré ? » se demanda François.

Il sortit de la maison, regarda toutes les portes et toutes les fenêtres. Rien n’avait été touché.

Annie descendit ; elle paraissait bouleversée.

« Qu’y a-t-il ? »

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François la rabroua, il avait besoin de mettre de l’ordre dans ses pensées. Comment ce voleur avait-il pu entrer si personne ne lui avait ouvert ?

François se souvint avoir entendu du bruit au milieu de la nuit. Le chien n’avait-il donc pas aboyé ? Pourquoi ? Tout cela était bien mystérieux.

Dans sa chambre, Claude essayait en vain de réveiller Dagobert.

« François ! François ! Dago ne va pas bien, il ne peut pas se réveiller ! cria-t-elle. Il respire très fort, écoute ! Qu’y a-t-il en bas ? Que s’est-il passé ? »

François le lui expliqua en peu de mots, tandis qu’il examinait Dago.

« Quelqu’un est venu cette nuit et a fouillé dans le bureau de ton papa. Je me demande comment il a pu entrer.

— C’est horrible ! s’écria Claude, qui avait pâli. Je suis sûre qu’il est arrivé quelque chose à Dago : Il ne s’est même pas réveillé la nuit dernière quand le voleur est entré. Il est malade, François !

— Non, il a été drogué ! dit le jeune garçon, en soulevant les paupières du chien. Voilà pourquoi il est resté si longtemps dehors. Quelqu’un a dû lui donner un morceau de viande contenant un somnifère ; il l’a mangé et il s’est endormi si profondément qu’il n’a rien entendu et qu’il ne peut plus se réveiller.

— Oh ! François, est-ce qu’il guérira ? demanda Claude inquiète. Mais comment a-t-il pu accepter de la nourriture d’un étranger en pleine nuit ?

— Peut-être qu’il n’a eu qu’à la ramasser par terre, murmura François. Maintenant je comprends pourquoi il avait l’air si abattu lorsqu’il est revenu. Il ne m’a même pas regardé !

— Oh ! Dagobert, mon chéri, je t’en prie, réveille-toi ! » supplia la pauvre Claude en caressant doucement le chien.

Il grogna un peu.

« Laisse-le, dit François. Il ira mieux tout à l’heure. Il n’est pas empoisonné, mais seulement endormi. Descends voir le bureau de ton père. ».

Claude fut horrifiée en voyant la pièce.

« Il y avait ses deux carnets de notes sur l’Amérique ! s’exclama-t-elle. Je suis sûre qu’ils y étaient ! Papa avait dit que tous les pays du monde souhaiteraient posséder ces documents. Qu’allons-nous faire ? C’est cela que le bandit est venu voler !

— Il vaut mieux appeler la police, dit gravement François. Nous ne pouvons résoudre de tels problèmes tout seuls. Connais-tu l’adresse de ton père en Espagne ?

— Non, répondit Claude. Mes parents voulaient avoir de vraies vacances cette fois. Ils devaient nous télégraphier leur adresse dès qu’ils seraient installés quelque part.

— Bon. Appelons la police », décida François.

Claude le regarda. Son cousin agissait en homme. Il traversa le hall d’un pas ferme, décrocha le téléphone et appela la gendarmerie du bourg.

« François a raison, soupira Maria. Je vais préparer du café pour les gendarmes. »

Elle se sentait un peu réconfortée à l’idée d’offrir deux tasses de café bien chaud aux représentants de la loi. Ils lui poseraient maintes questions et elle serait fière de répondre.

Les quatre enfants demeurèrent silencieusement dans le bureau. Quel désordre ! Pourrait-on jamais remettre tous ces dossiers en place ; et classer tous ces documents ? Personne ; ne saurait vraiment ce qui avait disparu jusqu’au retour de l’oncle Henri.

« J’espère que Claude se trompe et que ces carnets si importants n’ont pas été volés ; oncle Henri les avait peut-être emportés avec lui, dit Mick.

— Le voleur a probablement trouvé ce qu’il cherchait, répondit François, plus pessimiste. Voilà la police. Venez ! Je crois que nous ne prendrons notre petit déjeuner que fort tard ce matin. »

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