CHAPITRE XIX
Escalade acrobatique
« JO ! s’écrièrent les garçons. Viens ! »
Il n’y avait personne dans la cour. Jo se glissa jusqu’à la cabane et y pénétra.
« J’ai un couteau dans ma poche, dit François, Sors-le, ce sera plus facile de couper ces cordes que de défaire les nœuds. Je n’ai jamais été aussi content de retrouver quelqu’un ! »
Jo se hâtait. Elle s’empara du couteau et l’ouvrit. C’était un magnifique canif de scout à la lame acérée.
« Je suis restée un peu en arrière, expliqua-t-elle rapidement, puis j’ai suivi le même chemin que vous, mais c’était très sombre. Je n’aime pas ça ! J’étais bien contente lorsque je vous ai vus.
— Heureusement que les hommes ne t’ont pas aperçue ! dit Mick. Comme je suis content que tu sois là, ma petite Jo ! Je te demande pardon pour tout ce que je t’ai dit de désagréable ! »
Jo était ravie. Elle coupa les dernières cordes qui liaient François. Bientôt les deux garçons furent libres.
« Où est Claude ? demanda-t-elle.
— Dans cette tour, répondit François. Tu peux regarder et la voir par la fenêtre ; nous avons aussi aperçu ce pauvre Dago, abruti de sommeil.
— Je ne le laisserai pas tuer, dit Jo, c’est un gentil chien, je vais y aller et l’emporter dans une grotte.
— Pas maintenant ! s’écria François horrifié, si les hommes te voient, nous serons de nouveau capturés ! »
Mais Jo courait déjà vers la petite maison d’été où se trouvait le chien.
Une porte qui claquait fit sursauter les enfants, Jo se cacha. Mesnil-le-Rouge traversait la cour.
« Vite, il arrive ! dit Mick en proie à la panique. Replaçons-nous devant les anneaux de fer, cachons nos mains derrière nous, faisons semblant d’être toujours attachés ! »
L’homme s’approcha de la cabane et rit.
« Vous pouvez rester ici jusqu’à ce que les gendarmes viennent », dit-il ; il ferma la petite porte à clef, marcha vers l’hélicoptère, l’examina consciencieusement. Puis, il rentra dans la maison.
Lorsque tout redevint calme, Jo courut de la maison d’été à la cabane. Elle en tira les verrous.
« Sortez ! dit-elle, et nous refermerons à clef, personne ne saura que vous n’êtes plus là ! Vite ! »
Ils sortirent en espérant que personne ne regardait de leur côté. Jo ferma la porte derrière eux, et ils coururent vers l’entrée du souterrain, dont ils descendirent les premières marches.
« Merci, Jo », dit Mick.
Ils s’assirent sur une marche. La tête dans ses mains, François essayait de réfléchir. Que faire ? La police ne viendrait pas. Il avait bluffé. Personne ne savait rien de « Mesnil-le-Rouge », ni de Claude. La malheureuse petite emportée dans l’hélicoptère ne pourrait appeler au secours et Dagobert serait tué. « Il n’y a aucun moyen de faire sortir Claude de la tour », pensa-t-il.
« Les portes sont sûrement verrouillées, dit-il tout haut. Sinon Claude serait venue tout au moins dans la cour. Comment faire pour la délivrer ? »
La gitane regarda Mick.
« Vous voulez vraiment délivrer Claude ? demanda-t-elle.
— Quelle question stupide ! répondit Mick. Bien sûr !
— Bon, j’y vais tout de suite ! » et elle se leva. « Nous ne plaisantons pas, Jo, dit François ! tout cela est très grave.
— Je suis sérieuse aussi, répondit Jo. Je la ferai sortir, je vous le dis, vous savez bien que vous pouvez me croire, maintenant. Vous aviez l’impression que je ne valais pas grand-chose, mais je peux vous aider.
— Comment ? » demanda François étonné et sceptique.
La petite fille expliqua :
« Cette tour est grande. Il y a sûrement plus d’une pièce. Si je peux me glisser jusqu’à la chambre voisine de celle de Claude, je pourrai la libérer.
— Et comment arriveras-tu jusqu’à la chambre voisine de la sienne ? demanda Mick.
— En grimpant le long du mur, bien sûr ! Ce n’est pas difficile, je m’accrocherai au lierre. Je fais cela souvent ! »
Les garçons la regardèrent. Ils se souvenaient de l’effroi d’Annie le premier soir, lorsqu’elle avait vu un visage derrière la fenêtre de la villa des Mouettes. Ils comprenaient tout. C’était donc la gitane !
« Cette tour est trop haute, affirma François. Je ne te laisserai pas faire ! Si tu tombais, tu te tuerais ! »
La gitane éclata de rire.
« Tomber d’un mur comme celui-là ? J’ai souvent grimpé quand il n’y avait même pas de lierre, en m’accrochant aux arêtes de la pierre, aujourd’hui ce ne sera vraiment pas difficile. »
François n’arrivait pas à la croire, mais Mick songeait au père de Jo, un acrobate ; la petite fille avait probablement hérité de ses dons.
« Je voudrais que vous me voyiez danser sur une corde, dit Jo, et sans filet ! C’est un jeu d’enfant… Bon, j’y vais. »
Elle grimpa les escaliers silencieusement, comme un petit chat et attendit à la porte que tout soit calme, elle traversa la cour et puis arriva au pied du mur couvert de lierre.
François et Mick, réfugiés sous le porche d’entrée du souterrain, la regardaient.
« Elle risque de se tuer, dit François.
— Je n’ai jamais vu une gosse pareille ! Regarde ! Elle grimpe comme un singe ! » répondit Mick.
En effet, elle montait, légère et rapide. Elle se tenait vigoureusement par les mains et posait son pied, d’abord légèrement pour s’assurer de la solidité des branches avant de monter de plus en plus haut. Soudain, une branche cassa, et Jo glissa un peu ; les deux garçons avaient la gorge serrée en la voyant faire. Mais la petite acrobate continuait sa difficile ascension. Elle avait dépassé le premier étage, puis le second, puis le troisième. Maintenant, elle était presque au sommet, elle paraissait minuscule.
« Je ne peux pas m’empêcher de la regarder, dit Mick, c’est épouvantable ! » Il frémissait. « Si elle tombe maintenant, que ferons-nous ?
— Tais-toi, murmura François, elle ne tombera pas, c’est un vrai chat ! Regarde ! Elle pousse la fenêtre, elle entre… »
La gitane était maintenant assise, triomphante, sur le rebord de la fenêtre. Elle avait atteint la chambre voisine de celle de Claude, elle faisait de grands gestes de bras imprudents, pour montrer sa joie aux garçons !
La fenêtre était entrouverte, et comme Jo ne réussissait pas à la pousser, elle se glissa dans la mince fente, entre les deux battants, et disparut à la vue des enfants. Mick sentait ses genoux trembler.
Son frère l’entraîna vers l’escalier du souterrain où ils étaient plus en sécurité.
« C’était pire qu’au cirque ! dit enfin Mick, je ne pourrai plus jamais regarder d’acrobates ! Que fait-elle maintenant ? Peux-tu l’imaginer ? »
Jo s’était fait une bosse en sautant à l’intérieur de la pièce. Maintenant son cœur battait très fort. Elle se cacha un moment derrière un fauteuil dans la crainte que quelqu’un l’ait entendue entrer. Mais personne ne semblait habiter cet étage.
La pièce était garnie de meubles anciens. Il y avait de la poussière partout et des toiles d’araignées pendaient au plafond.
Jo traversa doucement la chambre. Comme elle était pieds nus, elle ne faisait aucun bruit. Elle découvrit un escalier qui descendait en spirale. De chaque côté se trouvait une porte. Il devait y avoir quatre pièces dans la tour, une à chaque angle. Chacune avait deux fenêtres. « La porte voisine, pensa Jo, doit être celle de la prison de Claude. »
Jo tira le verrou. Cela fit un peu de bruit et elle se cacha de nouveau, mais personne ne vint. Alors, elle se hasarda à tourner l’énorme clef dans la serrure. La porte s’ouvrit, la fillette passa sa tête prudemment. Claude était là, une Claude amaigrie et triste, assise près de la fenêtre. Elle regardait Jo sans pouvoir en croire ses yeux.
« Pstt ! dit Jo qui s’amusait beaucoup de tout cela. Je suis venue te chercher ! »