CHAPITRE XI
L’embuscade de Mick
Mick demeura immobile ; il retenait sa respiration pour mieux écouter. Il n’entendait rien hormis le frémissement des feuilles dans le léger vent nocturne. La nuit était profonde, des nuages obscurcissaient la lune. Quelqu’un guettait peut-être, tapi dans les buissons.
Il réfléchit pendant quelques minutes, puis conclut que personne ne devait surveiller l’arrière de la maison qui se trouvait dans l’ombre. François et les autres étaient assis dans le salon éclairé.
Enfin, Mick décida de grimper dans un arbre.
« Pourquoi pas justement dans celui qui se trouve près de la grille ? Si le vent chasse un peu les nuages, je pourrai peut-être voir l’homme qui s’emparera du paquet ; je descendrai alors doucement de mon arbre et je le suivrai. »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Il s’installa le plus commodément possible sur une branche et attendit.
« Quelle heure indiquait le message ? Onze heures. » Mick entendit la cloche du village sonner dix heures et demie. Encore une demi-heure à attendre ! Il glissa sa main dans sa poche, en ressortit un morceau de chocolat qu’il suça lentement pour faire durer le plaisir. Onze heures moins le quart… Mick finit son chocolat, et se demanda si François tarderait encore. Juste au moment où le premier coup de onze heures tinta, la porte de la cuisine s’ouvrit et Mick vit son frère apparaître, portant le paquet sous son bras.
Mick regarda François marcher vers la grille et le sentier ; il ne lui fit pas signe, car il redoutait d’être vu par quelqu’un d’autre ! Puis François, après avoir déposé le paquet sous la dalle, retourna vers la cuisine et claqua la porte derrière lui.
Mick se sentait nerveux… Qui viendrait prendre le paquet ? Une feuille emportée par le veut tomba dans son cou et le fit sursauter.
Cinq minutes s’écoulèrent ; personne ne venait. Enfin, Mick entendit un bruit léger ; quelqu’un rampait dans les buissons… Mick s’efforçait de voir ; il distingua seulement une ombre qui se penchait. Il crut enfin entendre une respiration, comme si l’homme avait du mal à soulever la pierre, puis la dalle retomba, l’ombre rampa de nouveau vers les buissons, emportant le paquet. Mick descendit doucement de son arbre ; il avait des souliers à semelles crêpe et ne faisait aucun bruit. Il écarquilla les yeux pour voir l’homme qu’il devrait suivre, mais il ne discerna toujours qu’une ombre ; il lui emboîta le pas.
L’ombre s’éloignait du jardin, et tout à coup retentit le ululement de la chouette. Mick avait sursauté, mais ce n’était que le signal dont parlait le message. L’inconnu avait parfaitement imité l’oiseau de nuit. Comme il reprenait sa marche, Mick le suivit. Soudain, le petit garçon entendit des voix ; mais il ne put malheureusement pas comprendre un mot. Un bruit sourd le fit sursauter, une vive lumière s’alluma. L’enfant recula jusqu’à la grille du jardin et se cacha. Une voiture s’approchait doucement. Mick fit de son mieux pour voir les occupants ; il n’aperçut qu’un homme, le conducteur. Il n’y avait personne d’autre ! Cela paraissait impossible ! Quelqu’un avait pris le paquet et l’avait donné à l’automobiliste. Mick avait entendu deux voix. Qu’était donc devenu le premier personnage ? S’il était resté là, Mick ferait bien de faire attention ! L’auto avait maintenant dépassé la grille et s’éloignait sur la route qui longeait le jardin. Le bruit du moteur décrut. Mick ne pouvait évidemment pas suivre la voiture ! Il retint sa respiration, terrifié à l’idée que l’un des individus était demeuré dans les parages.
Soudain, il entendit une petite toux et demeura immobile. Une ombre se dirigeait vers la maison des Mouettes et se perdit bientôt dans l’obscurité du parc. Mick s’élança à sa poursuite, traversa la pelouse ; mais l’ombre s’était à nouveau cachée dans une haie.
Pourquoi le bandit revenait-il ? Il s’était approché maintenant d’une fenêtre obscure. « Il va encore entrer dans la maison pour fouiller dans les papiers de l’oncle Henri, je suppose ! » pensa Mick, rageusement. Il regarda attentivement la silhouette qui se découpait près de la fenêtre, elle semblait très petite. Mick pouvait peut-être terrasser cet homme et appeler François de toutes ses forces.
« À notre tour de faire un prisonnier ! pensa Mick. S’ils retiennent Claude comme otage, nous garderons l’un d’entre eux, nous aussi ; œil pour œil, dent pour dent ! » Il attendit encore un peu, puis bondit. La victime roula au sol avec un gémissement.
Mick était surpris de sa petite taille et aussi de sa défense farouche. Le bandit griffait, mordait, donnait des coups de pied !
« François ! François ! au secours ! François ! »
François sortit immédiatement.
« Mick ! Mick ! où es-tu, que se passe-t-il ? »
Il posa sa lampe sur la pelouse, afin d’avoir les deux mains libres. Il venait de découvrir, en éclairant ce coin de parc, Mick qui terrassait quelqu’un.
Il ne leur fallut pas longtemps à tous deux pour venir à bout de leur adversaire qu’ils traînèrent, gémissant, jusqu’à la maison ; soudain, Mick reconnut cette voix. Cela paraissait impossible ! C’était Jo. Lorsque la gitane fut dans la maison, sanglotante, le corps couvert de coups et d’égratignures, traitant les garçons des noms les plus affreux qu’elle connaissait, ils la reconnurent bien ! Annie et Maria arrivèrent toutes surprises ; que s’était-il encore passé ?
« Montez-la dans une chambre, dit François, couchez-la, elle est en piteux état. Moi aussi, d’ailleurs.
— Je n’aurais jamais cru qu’elle fût si forte, dit Mick, une vraie tigresse.
— Je ne savais pas que c’était toi, Mick, je ne savais pas, sanglotait Jo. Tu as bondi sur moi et je me suis défendue.
— Tu es un chat sauvage, une bête féroce, une menteuse ! répondit Mick, furieux. Tu as osé nous dire que tu ne savais rien de l’homme qui t’a donné ce message et tu étais sa complice ! Tu as aidé ces gangsters !
— Ce n’est pas vrai ! gémissait Jo.
— Ne mens pas encore une fois ! cria Mick. J’étais grimpé dans un arbre ; j’ai vu quelqu’un prendre le paquet sous la dalle et le remettre à l’homme qui attendait dans une voiture. Je comprends maintenant : c’était toi ! Tu es revenue ici pour voler autre chose, je suppose ? »
Jo pleurait toujours. « Non, non !
— Tu seras conduite à la police demain ! décréta Mick.
— Je ne suis pas revenue pour voler ! cria Jo. J’avais une autre raison ! »
Ses yeux scintillaient, elle rejetait ses cheveux en arrière avec un mouvement d’orgueil.
« Tu es une menteuse ! Comment te croire ? Tu es venue pour faire du mal !
— Non, répondit-elle misérablement. Je suis revenue vous dire que je vous conduirai vers Claude, si vous ne le répétez pas ; mon père me tuerait s’il l’apprenait. Je sais qui a pris le paquet. Je ne pouvais pas faire autrement que de l’aider. J’obéis à Manolo. Je suis revenue pour vous dire la vérité, et vous me battez ! »
Quatre paires d’yeux observaient la gitane. Elle cacha son visage dans ses mains. Mick la força de nouveau à le regarder.
« Regarde-moi, dit-il, c’est très important et très grave pour nous. Sais-tu vraiment où se trouve Claude ? ». Jo approuva.
« Est-ce que tu nous amèneras jusqu’à elle ? » demanda François d’une voix très froide. Et Jo répondit :
« Oui. Vous avez été très méchants, mais je vous montrerai que moi, je suis gentille. Vous retrouverez Claude. »