CHAPITRE XXI
 
Nouvelles surprises

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FRANÇOIS avait l’impression d’entendre du bruit ; les autres écoutèrent attentivement… Le cœur de Claude battait très fort.

« C’est peut-être la rumeur de la mer dans les grottes, dit enfin François. D’habitude, nous n’avons pas besoin de tendre l’oreille, Dagobert nous avertit toujours, mais cette fois-ci, il a été tellement drogué, le pauvre ! Je suis sûr qu’il n’entend rien du tout.

— Est-ce qu’il retrouvera toutes ses forces ? demanda Claude, inquiète pour Dago.

— Bien sûr, répondit son cousin, pour cacher sa propre inquiétude ; d’ailleurs, il n’a pas l’air malade.

— Tu as dû passer des moments épouvantables, ma pauvre Claude, dit Mick.

— Oui, riposta Claude, je n’aime pas beaucoup en parler ! Si seulement j’avais eu Dagobert avec moi, j’aurais été moins malheureuse, mais le brave chien ne faisait qu’aboyer et se plaindre, alors les bandits l’ont drogué.

— Comment as-tu été amenée jusqu’à ce château ? interrogea François.

— J’étais enfermée dans cette roulotte qui sentait mauvais, lorsque soudain un homme, appelé Antonio — le père de Jo, je suppose — vint me faire sortir. Dagobert somnolait, abruti ; on l’avait frappé sur la tête ; le gitan le mit dans un sac et nous installa tous les deux sur le cheval. C’est ainsi que nous avons traversé le bois, et suivi un sentier désert ; à la nuit tombée nous sommes arrivés jusqu’à la côte et jusqu’à cette affreuse demeure.

— Pauvre petite Claude, s’apitoya François. J’aimerais que Dagobert soit guéri, cela me ferait plaisir de le voir sauter à la gorge de ce monstre !

— Je me demande ce qui a pu arriver à Jo, dit Mick se souvenant avec tristesse que la gitane était maintenant captive dans la tour.

— Crois-tu que Mesnil-le-Rouge et Markhoff ont déjà découvert notre évasion et la disparition de Dagobert ? Ils vont être furieux ! s’exclama François.

Nous ne pouvons pas partir ? demanda Claude brusquement alarmée. Vous êtes venus en bateau ? Alors partons, nous ramènerons du secours pour délivrer Jo. »

Il y eut un silence. Aucun des garçons ne se décidait à dire à Claude que son bateau avait été mis en pièces par Markhoff, pourtant, il fallait bien qu’elle sût la vérité ; en quelques mots, François lui résuma les événements.

Claude ne réagit pas. Ils demeurèrent silencieux durant quelques minutes. On n’entendait plus que la respiration de Dagobert.

« Ne pourrions-nous pas, lorsqu’il fera nuit, monter jusqu’à la cour et tâcher de franchir la grande grille ? Qu’en pensez-vous ? demanda Mick. De toute façon, nous ne pouvons pas nous échapper en descendant la falaise, puisque nous n’avons plus de bateau !

— Si nous attendions que Mesnil-le-Rouge et Markhoff soient partis dans leur hélicoptère ? suggéra François. Ce serait beaucoup plus sûr !

— Mais Jo ? riposta Mick. Ils la prennent pour Claude, n’est-ce pas ? Ils vont la pousser dans l’hélicoptère après l’avoir bâillonnée et ligotée ; je ne vois pas comment nous pourrions nous évader sans avoir délivré celle qui s’est sacrifiée pour notre cousine ! »

Ils discutèrent longuement sur la façon de libérer la gitane. Mais aucun des trois enfants ne trouva un plan réalisable. Le temps passait, ils avaient faim, ils avaient froid.

« Je me demande ce qui se passe là-haut dans la maison », grogna Mick.

Là-haut, dans la demeure mystérieuse, les événements se succédaient.

Markhoff était parti pour tuer Dagobert, comme son maître le lui avait ordonné, mais, lorsqu’il arriva dans la maison d’été, le chien n’était plus là ! Le bandit fut fort étonné ! Le chien avait été solidement attaché et drogué. Maintenant la corde gisait par terre, et l’animal avait disparu !

Markhoff fit le tour de la maison d’été. Qui pouvait avoir délivré Dago ? Il se dirigea ensuite vers la cabane où François et Mick étaient prisonniers. La porte était fermée à clef. Markhoff l’ouvrit.

« Ah ! maudits gosses ! Vous allez voir ! » cria-t-il, mais il fut surpris : il n’y avait personne.

Là aussi la corde gisait sur le sol. Elle était coupée ! Les captifs s’étaient enfuis !

Markhoff ne pouvait en croire ses yeux, il regarda tout autour.

« Qui a bien pu libérer le chien et les garçons ? grogna-t-il. Que va dire Mesnil-le-Rouge ? »

Markhoff regarda l’hélicoptère, prêt pour le départ. Il eut grande envie d’abandonner Mesnil-le-Rouge et de s’envoler seul, mais, se souvenant des colères et des méchancetés de celui-ci, il eut peur et changea d’avis.

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« Il vaudra mieux partir avant qu’il fasse nuit, pensa-t-il. Il y a sûrement un inconnu dans la maison ! Nous sommes en danger ! Je vais avertir Mesnil-le-Rouge.

Au moment où il allait entrer dans la grande salle, il aperçut deux hommes qui l’attendaient. Ils se tenaient dans l’ombre, et Markhoff fut incapable de les identifier tout de suite. Lorsqu’il s’approcha d’eux, il reconnut Antonio et Manolo.

« Que faites-vous ici ? s’écria-t-il, on vous avait dit de surveiller la villa des Mouettes, afin que personne n’aille alerter la police.

— Oui, répondit Manolo, nous sommes venus te dire que la cuisinière, Maria, est allée ce matin à la gendarmerie. Il y avait une petite fille avec elle. Les garçons ne semblaient pas être là.

— Naturellement ! Ils sont ici ! ou tout au moins ils y étaient, grogna Markhoff, car ils viennent de disparaître. Quant à la police, nous savons qu’elle est en route et nous avons établi nos plans. Vous nous apportez des nouvelles un peu tardives ! De toute façon, nous emmenons la fillette en hélicoptère avant que les gendarmes arrivent ! Savent-ils qu’elle est ici ?

— Nous n’avons aucun rapport avec la police ! répondit Antonio furieux. Nous n’avons pas l’intention de nous trouver là lorsque les gendarmes arriveront, mais nous voulons de l’argent. Nous avons fait tout votre sale travail et vous ne nous avez payé que la moitié de ce que vous aviez promis, donnez-nous le reste !

— Demandez à Mesnil-le-Rouge, rugit Markhoff. Allez ! demandez-lui !

— Parfait, nous y allons ! s’écria Manolo, dans un mouvement de colère. Nous avons fait tout ce qu’il nous a dit : volé les documents, kidnappé la gosse et son maudit chien— il m’a mordu, regarde ma main !— et nous ne serions pas entièrement payés ! Eh bien, nous arrivons à temps ! Ces beaux messieurs allaient s’envoler en hélicoptère et nous laisser ici nous débrouiller avec les gendarmes ! Où est Mesnil-le-Rouge ?

— Là-haut, répondit Markhoff. J’ai de mauvaises nouvelles pour lui.

Il ne se réjouira pas de nous voir ! Il vaut mieux que je lui parle le premier !

— Très malin ! répondit Manolo. Mais si tu crois que tu vas nous jouer un tour de ta façon, tu te trompes. Nous allons avec toi. »

Ni lui, ni Antonio n’aimaient Markhoff. Ils le suivirent dans l’escalier, jusqu’au bureau de Mesnil-le-Rouge. Celui-ci fouillait dans les papiers qui avaient été volés chez le père de Claude et il paraissait de fort mauvaise humeur. Lorsque Markhoff entra, il lui jeta les feuilles à la figure !

« Je n’ai pas le document que je voulais ! Je garderai donc la fillette en otage jusqu’à ce que… Mais que veux-tu, Markhoff ? Qu’est-il arrivé ?

— Des ennuis ! Premièrement, le chien s’est sauvé ! Il n’était plus là lorsque je suis allé pour le tuer ; deuxièmement, les garçons se sont enfuis aussi ; ils se sont échappés de la cabane, qui était pourtant fermée à clef ; troisièmement, il y a deux visiteurs pour vous ; ils réclament de l’argent et viennent vous apprendre ce que vous savez déjà : c’est-à-dire que la police est à vos trousses ! »

Pour la circonstance, Markhoff vouvoyait le bandit.

Mesnil-le-Rouge entra dans une grande fureur. La rage faisait scintiller ses yeux. Il regarda durement Markhoff, Antonio et Manolo. Markhoff semblait mal à l’aise, mais les deux gitans te provoquaient avec insolence.

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Mesnil Le Rouge entra dans une grande fureur.

« Vous ! Vous osez venir quand je vous ai ordonné de rester là-bas ! hurla Mesnil-le-Rouge. Vous avez été payés, vous n’avez pas le droit de me demander encore de l’argent ! »

Personne n’entendit ce qu’il dit ensuite, car de l’étage au-dessus venaient des cris, des hurlements, des trépignements.

« C’est la petite, je suppose, grogna Markhoff, elle veut défoncer la porte. Elle qui était si calme, jusqu’à présent !

— Il vaut mieux la faire sortir maintenant et partir, décréta Mesnil-le-Rouge ; Manolo, va la chercher ! Amène-la ici et tâche de la raisonner un peu.

— Va la chercher toi-même ! » répliqua Manolo. Mesnil-le-Rouge regarda Markhoff, puis sortit immédiatement un revolver de sa poche.

« On ne discute pas mes ordres ! cria-t-il d’une voix soudain très calme et très froide, jamais, vous entendez ? »

Manolo monta les escaliers quatre à quatre ; Antonio le suivit. Ils poussèrent les verrous de la porte, et entrèrent. Antonio demeura immobile en découvrant la jeune captive, il se frotta les yeux, s’avança, la regarda de plus près.

« Bonjour, papa, dit Jo. Tu as l’air bien surpris de me voir ! »