CHAPITRE XXIII
Markhoff les poursuit
CLAUDE s’empara de la clef et la regarda en souriant.
« Jo, c’est la clef ? et tu les as enfermés à l’intérieur ! C’est formidable ! Tu es merveilleuse !
— Oui, répéta Mick, Jo est extraordinaire. Je n’ai jamais rencontré une fille comme toi dans ma vie ! »
Il lui donna une gentille bourrade, et Jo eut un sourire de fierté.
« C’était facile ! dit Jo, les yeux brillants de joie. Tu me crois maintenant, Mick, n’est-ce pas ? Vous ne serez plus méchants avec moi, ni les uns ni les autres ?
— Bien sûr que non ! s’exclama François, tu es notre amie pour toujours.
— Et l’amie de Claude ? demanda la gitane.
— Bien sûr, répondit celle-ci, je te demande pardon pour toutes les sottises que je t’ai dites ; tu es aussi courageuse qu’un garçon. »
C’était le plus beau compliment que Claude pût faire à une fille. Jo cligna des yeux.
« J’ai fait tout cela pour Mick, avoua-t-elle, la prochaine fois, je le ferai aussi pour toi, Claude.
— J’espère bien qu’il n’y aura pas de prochaine fois, s’écria Claude horrifiée. Je peux dire que je n’ai pas connu une seule minute de paix durant ces derniers jours. »
Le chien leva soudain la tête, et se frotta doucement contre les genoux de Jo.
« Regardez, il me reconnaît ! s’écria celle-ci. Il va mieux, n’est-ce pas, Claude ? »
Claude, d’un geste très doux, replaça la tête de Dagobert sur ses genoux. Elle avait maintenant beaucoup d’amitié pour la gitane, mais pas au point de laisser son chien lui manifester tant de sympathie.
« Oui, il va mieux, dit-elle en caressant Dago. Il a mangé la moitié de mon petit pain. Mais il se méfie maintenant ; il sait qu’il a été drogué, pauvre vieux Dago ! »
Ils se sentaient tous rassérénés. Pourtant François regarda sa montre.
« Je me demande ce qu’ils font là-haut. »
Trois bandits étaient toujours enfermés. Markhoff n’avait sûrement pas pu défoncer la porte qui était très lourde.
Les deux mécaniciens de l’hélicoptère étaient venus aider Markhoff, mais la porte résistait toujours. Rien ne pouvait l’ébranler.
Antonio et Manolo surveillaient Mesnil-le-Rouge qui faisait les cent pas dans la pièce comme un lion en cage ; ils se réjouissaient d’être deux contre lui, car il était déchaîné et capable de commettre n’importe quel crime.
À l’extérieur, Markhoff et les deux mécaniciens, Charles et René s’inquiétaient. Les gendarmes n’étaient pas encore arrivés (ils n’arriveraient d’ailleurs pas, car Maria n’avait pas pu leur dire que François et Mick étaient partis à la recherche d’un homme appelé Mesnil-le-Rouge, puisqu’elle n’en savait rien !).
Mais Mesnil-le-Rouge et Markhoff redoutaient l’arrivée de la police. Si seulement ils parvenaient à s’enfuir avec l’hélicoptère que les mécaniciens avaient réparé !
« Markhoff, emmène Charles et René dans les grottes, ordonna Mesnil-le-Rouge. Les enfants y sont sûrement cachés ! Ils ne peuvent sortir d’ici puisque la grille est verrouillée et le mur beaucoup trop haut pour qu’on y grimpe. Attrapez-les et tâchez de trouver la clef ! »
Markhoff et ses deux compagnons s’élancèrent ; ils traversèrent la cour, descendirent les escaliers du souterrain. Leurs pas résonnaient dans le tunnel rocheux. Ils arrivèrent enfin dans la grotte. Il n’y avait personne ; les enfants, entendant du bruit, s’étaient glissés par la trappe dans l’autre cave. Ils avaient traversé la grotte hantée de chauves-souris et se trouvaient maintenant à mi-hauteur de la falaise.
« Impossible de nous cacher ! » dit François en retournant dans la grotte. Là, au moins, personne ne pouvait les voir.
Il chercha, en braquant sa lumière, quelque anfractuosité rocheuse où se tapir. Au-dessus de lui, la paroi offrait un renfoncement. Il y hissa Claude et Dagobert, encore somnolent ; Mick grimpa ensuite derrière Claude. François trouva une autre cachette, tandis que Jo se blottissait dans une faille et, en hâte, recouvrait son corps de sable. François admira la ruse de la petite fille. Mais, hélas, ce fut elle qui fut découverte, par hasard : Markhoff buta contre elle. Charles, René et lui venaient d’arriver dans la caverne. C’est en cherchant à l’éclairer avec sa lampe que Markhoff marcha lourdement sur la main de Jo qui ne put retenir un gémissement. Alors, il attrapa la gitane, l’arracha à son nid de sable !
« Voilà celle que je cherche, dit-il aux autres, elle a pris la clef. » Et bousculant la fillette : « Où est-elle, demanda-t-il, donne-la-moi ou je te précipite du haut de la falaise ! »
François était épouvanté à l’idée que Markhoff allait jeter la petite fille dans la mer ! Il se préparait à courir à son secours, lorsqu’il entendit Jo parler.
« C’est bon, dit-elle, lâche-moi, espèce de brute, voilà la clef ! Va délivrer mon père avant que la police arrive, je ne veux pas qu’il soit arrêté ! »
Markhoff poussa une exclamation de triomphe et arracha la clef de la main de la gitane.
« Maudite gosse ! Tu vas rester là avec les autres, vous ferez tous un long séjour dans ces grottes, car nous allons pousser un énorme rocher sur la trappe et vous serez prisonniers ! Vous ne pourrez vous échapper ni par en haut, ni par en bas ! Et si vous essayez de vous enfuir à la nage, les vagues vous rejetteront contre la falaise ! »
Les deux hommes ricanèrent.
« Bonne idée, dit l’un, ils seront emmurés vivants et personne ne le saura ; venez vite, nous n’avons pas de temps à perdre ! Si Mesnil-le-Rouge n’est pas bientôt délivré, il va devenir fou. »
Ils repartirent vers le souterrain et les enfants écoutèrent décroître leurs pas.
François sortit de sa cachette.
« Quelle histoire ! dit-il. Si ces hommes bouchent vraiment la trappe, nous ne pourrons plus nous enfuir ! La mer est trop agitée pour que nous puissions nous sauver à la nage !
— Je vais regarder s’ils ont déjà bloqué l’ouverture, dit Mick. Ils ont peut-être voulu seulement nous faire peur !»
Hélas, lorsque François et Mick éclairèrent le plafond, ils virent le rocher qui fermait la trappe. Impossible de ressortir !
Tristement, en silence, ils vinrent s’asseoir sur le rebord de la falaise, dans la lumière du soleil couchant.
« Quel dommage que la pauvre Jo ait été découverte ! dit Claude. C’est épouvantable qu’elle ait dû leur donner la clef ; maintenant Mesnil-le-Rouge et les autres seront en liberté !
— Mais non ! dit Jo. Je ne leur ai pas donné la clef de la tour, j’avais aussi sur moi celle de la cuisine !
— Dieu soit loué ! s’écria François. Tu es fantastique, Jo ! Mais tu possédais donc la clef de la cuisine ? »
Elle leur raconta comment elle s’était confortablement installée pour manger dans l’office…
« Tu es vraiment astucieuse ! »
Jo souriait.
« Les bandits sont toujours enfermés là-haut ! » dit-elle.
Mais soudain, Mick émit une pensée encore plus désagréable que les précédentes.
« Ne nous réjouissons pas trop vite, dit-il. Lorsque Markhoff et ses complices vont voir qu’ils ont été dupés, ils vont revenir ! Et qu’est-ce qui va nous arriver ! »