CHAPITRE IX
 
L’extraordinaire message

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FRANÇOIS ouvrit la porte. Sans un mot, Jo lui tendit une grande enveloppe. François la prit ; il se demandait ce que c’était. La gitane allait s’enfuir, mais le garçon la retint fermement, tandis qu’il lisait le message.

« Mick ! appela-t-il. Occupe-toi de Jo, ne la laisse par partir. Enferme-la à l’intérieur, tout cela est très sérieux !»

La gitane n’avait aucune envie d’être en prison. Elle cria et se débattit comme un beau diable. Dans sa fureur, elle donnait des coups de pied à Mick.

« Laisse-moi partir, je n’ai rien fait de mal, j’ai juste apporté ce message ! hurlait-elle.

— Tais-toi ! Ne sois pas sotte ! Je ne vais pas te battre, tu le sais bien ! Mais il faut que tu restes à l’intérieur de la maison ! »

Elle continua à crier ; elle semblait terrifiée. Enfin Mick et François arrivèrent à l’enfermer dans la salle à manger. Annie survint, l’effroi se lisait sur son visage.

« Venez voir ! dit François lorsque la porte fut fermée, c’est incroyable ! »

Il tendit le message aux autres —c’était une feuille tapée à la machine— ils lurent à voix basse :

Nous voulons le second carnet de notes du savant, celui qui contient des schémas et des dessins. Trouvez-le, mettez-le sous la première dalle du chemin pavé, à l’entrée du jardin, ce soir même.

Nous avons kidnappé la petite fille et son chien, nous les libérerons lorsque nous aurons obtenu ce document. Si vous appelez la police, ni l’enfant, ni le chien ne reviendront. La maison sera surveillée afin que personne n’en sorte pour alerter les gendarmes. La ligne téléphonique est coupée.

Quand il fera nuit, allumez les lumières de la pièce du devant, asseyez-vous non loin de la fenêtre, tous les trois là, ainsi que la bonne, Maria, afin que nous puissions vous voir et vous surveiller. À onze heures, l’aîné des garçons sortira de la maison ; il portera une lampe et viendra placer le carnet de notes là où nous vous le demandons ; il devra retourner aussitôt après dans la pièce éclairée. Quand vous entendrez un cri pareil à celui du cri de la chouette, cela signifiera que nous avons pris le document. La petite fille et le chien seront alors immédiatement relâchés.

Ce message effrayant fit pleurer Annie. Elle s’accrocha désespérément au bras de François.

« François ! François ! Claude a été kidnappée ! Pourquoi n’avons-nous pas commencé à la chercher tout de suite ? »

François avait pâli, il s’efforçait de réfléchir.

« Oui, quelqu’un devait guetter Claude et Dagobert dans l’obscurité, il n’y a pas de doute ; il est venu ensuite fermer la porte de la maison pour faire croire que Claude était rentrée. On nous a aussi probablement espionnés aujourd’hui pour savoir si nous nous inquiétions de la disparition de Claude, expliqua François.

— Qui t’a donné ce message ? » demanda Mick .durement à la gitane.

Elle tremblait.

« Un homme », dit-elle.

À son tour, François l’interrogea.

« Quelle sorte d’homme ?

— Je ne sais pas, répondit-elle.

— Si, tu sais ! affirma Mick. Il faut nous le dire, Jo ! »

Jo semblait sans forces. Mick la prit aux épaules et la secoua. Elle essaya en vain de s’enfuir.

« Parle ! Dis-nous comment était cet homme ! exigea-t-il.

— Il était grand, il avait une longue barbe, un long nez, des yeux noirs, dit Jo très vite. Il portait des vêtements de pêcheur, et il parlait comme un étranger. »

Les deux garçons la regardèrent. « Ne te moque pas de nous, Jo ! gronda François.

— Je dis la vérité, répondit la gitane, je ne l’avais jamais vu avant.

— Jo, dit Annie, prenant la petite main noiraude de Jo dans les siennes, je t’en supplie, dis-nous tout ce que tu sais, nous sommes tellement inquiets pour la pauvre Claude ! »

Tandis qu’elle parlait, les larmes coulaient de ses yeux.

« C’est bien fait pour cette fille ! répondit Jo durement. Cela lui apprendra. Je ne vous dirai rien !

— Pourquoi deviens-tu méchante ? demanda Mick, J’ai été attristé par ton sort, mais je ne le suis plus maintenant. »

La gitane parut effrayée, ses yeux étaient pleins de larmes.

« Laissez-moi partir, dit-elle, je vous ai dit la vérité. Cet homme m’a donné cinquante francs pour que je vous apporte ce message, c’est tout ce que je sais. Quant à Claude, elle n’est pas assez gentille pour que je la plaigne !

— Laissez-la partir, dit François. Je la croyais bonne, au fond ! Hélas, je me suis trompé !

— Je le pensais aussi, dit Mick, lâchant le bras de la gitane ; je l’aimais un peu. Eh bien, va-t’en, Jo ! Nous ne voulons plus de toi ici ! »

La gitane courut vers la porte et s’enfuit dans le jardin. Il y eut un long silence après son départ.

« François, demanda Annie, qu’allons-nous faire ? »

François ne dit rien. Il traversa le hall, il décrocha le téléphone, colla son oreille contre l’écouteur, attendit. Au bout d’un moment, il raccrocha.

« Il n’y a pas de tonalité, dit-il, ils ont dû couper la ligne. Je suis sûr qu’il y a vraiment quelqu’un pour nous espionner. Tout cela est absurde. Cela ne peut pas être vrai !

— Mais c’est vrai, François ! affirma Mick. Sais-tu quel carnet de notes ils exigent ? Je n’en ai aucune idée !

— Moi non plus ! répondit François. De toute façon, il est impossible de chercher quelque chose parmi les documents de l’oncle Henri, car le coffre est refermé et la police a la clef.

— Alors, qu’allons-nous faire ? interrogea Mick. Veux-tu que je sorte, et que j’aille au commissariat ?

— Non, répondit François après quelques minutes de réflexion. Nous avons affaire à des gens trop forts. La vie de Claude est en jeu et puis tu pourrais être pris et kidnappé en chemin. N’oublie pas que nous sommes surveillés !

— Mais, François, nous ne pouvons pas rester ici sans agir !

— Je sais, Mick, mais il nous faut être prudent. Si seulement nous savions où Claude a été enfermée, nous pourrions la sauver, mais je ne vois pas comment découvrir l’endroit où elle se trouve.

— J’ai une idée ! s’écria Mick. L’un d’entre nous va se cacher dans les buissons du jardin près de la grille d’entrée ; il attendra pour voir qui prendra le carnet de notes ; en suivant ensuite le voleur, nous découvrirons sans doute l’endroit où se trouve Claude.

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— Tu oublies que nous devons tous être assis dans la pièce éclairée, répondit François. Les bandits s’apercevraient vite que quelqu’un manque ; même Maria doit être là ! Ton plan est impossible !

— Personne ne doit venir à la maison ce soir ?

Aucun commerçant, par exemple ? » demanda Annie. Elle parlait tout bas, elle avait l’impression qu’il y avait des gens aux aguets autour de la maison.

« Non, c’est dommage, nous aurions pu lui donner un message », dit François.

Et soudain, il frappa si violemment sur la table que les autres sursautèrent.

« Mais si ! quelqu’un vient ! Le petit marchand de journaux. Nous sommes parmi les derniers à qui il distribue le quotidien du soir. Mais c’est peut-être risqué de lui confier un message. Cherchons encore !

— Ecoutez, dit Mick les yeux brillants, j’ai trouvé. Je connais le marchand de journaux. Nous laisserons la porte ouverte, nous le ferons entrer immédiatement ; je ressortirai avec sa casquette sur la tête et sa sacoche en bandoulière, je sauterai sur sa bicyclette et je m’enfuirai. Aucun des espions ne pourra se douter de la substitution. Je reviendrai lorsque la nuit sera tombée et je me cacherai dans les parages du jardin pour surveiller. Je verrai bien qui s’empare du document caché et je le suivrai !

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— Bonne idée, Mick, approuva François. Oui, c’est possible. Si nous pouvons nous débrouiller sans la police ce sera mieux, car les bandits risquent de se venger sur Claude.

— Est-ce que le marchand de journaux ne va pas être étonné de tout cela ? demanda Annie.

— Non, il est un peu simple d’esprit ; il croit tout ce qu’on lui raconte, Nous n’aurons qu’à être très gentils avec lui ; il passera une si bonne soirée qu’il ne pensera plus qu’à revenir.

— À propos du carnet de notes, dit François, nous allons prendre n’importe quel cahier dans le bureau de l’oncle Henri. Nous écrirons un petit mot à l’intérieur pour dire que nous espérons que c’est le bon. Celui qui viendra ramasser le document ne saura pas si c’est bien ce que cherchaient les bandits !

— Trouve un cahier, Annie, demanda Mick, moi je guette le marchand de journaux. Il ne vient jamais avant sept heures et demie, mais je ne veux pas le manquer, si, par hasard, il venait plus tôt. »

Annie courut au bureau de son oncle. Elle était, contente d’avoir quelque chose à faire. Ses mains tremblaient tandis qu’elle fouillait dans les tiroirs, François resta avec Mick sur le seuil de la porte. Ils attendaient patiemment. L’horloge sonna six heures, puis six heures et demie, puis sept heures.

« Le voilà ! s’écria Mick soudain, Occupe-toi bien de lui.

— Bonsoir, Jeannot ! »

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