CHAPITRE XVIII
 
Les événements se précipitent

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« JO LES conduisit à travers un tunnel rocheux. Son instinct la guidait. Ils se trouvaient maintenant dans une nouvelle grotte encore plus grande que la précédente, dont les murs ruisselaient d’humidité. François était très content d’avoir apporté sa lampe électrique. Il faisait froid et il frissonnait. Soudain, il sursauta ; quelque chose l’avait frappé à la figure.

« Ce n’est rien, dit Jo en riant, c’est une chauve-souris, il y en a des centaines ici ! Rien qu’à l’odeur je le devine, venez ! »

Puis ils débouchèrent dans une autre grotte, plus petite cette fois.

« Je n’ai jamais été plus loin qu’ici, expliqua Jo. Une fois nous avions amarré le bateau ; mon père et moi attendions Mesnil-le-Rouge. Lorsqu’il est apparu, je n’ai jamais su par où il était entré.

— Il existe sûrement un passage. Nous allons le trouver ! » et Mick alluma sa lanterne.

François et Mick commencèrent à explorer la grotte, cherchant une faille, un tunnel, une ouverture. Jo attendait dans un coin, elle n’avait pas de lampe. Soudain les enfants eurent une émotion terrible. Une voix tonna dans la caverne. C’était une voix basse et pleine de colère qui fit battre leur cœur à coups violents :

« Ainsi, vous avez osé venir ici ! »

Jo se cacha dans une anfractuosité du rocher, comme un petit animal. Les garçons demeurèrent cloués sur place. D’où venait le son ?

« Qui êtes-vous ? gronda la voix.

— Et vous, qui êtes-vous ? cria François courageux, sortez et montrez-vous ! Nous sommes venus pour voir un homme appelé Mesnil-le-Rouge, conduisez-nous jusqu’à lui ! »

Il y eut un long moment de silence, comme si l’inconnu était parti, puis de nouveau la voix tonna :

« Pourquoi voulez-vous voir le Rouge ? Qui vous envoie ?

— Personne, nous sommes venus exiger la liberté de notre cousine et de son chien ! » hurla François.

Il y eut un autre silence, puis deux jambes apparurent dans un trou du plafond, et quelqu’un sauta légèrement à côté d’eux. Les garçons sursautèrent, ils n’avaient pas réalisé que la voix venait d’en haut.

François prit l’inconnu dans le faisceau de sa lampe. C’était un géant aux cheveux couleur de flamme ; ses sourcils étaient roux, comme ses cils, et il portait une barbe fauve, qui cachait en partie sa bouche cruelle. François regarda les yeux de l’homme et pensa aussitôt : « Il est fou ! Qui est-ce ? Un savant, jaloux du travail et de la réussite de l’oncle Henri, ou un voleur, travaillant pour un gang, essayant d’obtenir des documents importants pour les vendre ? De toute façon, il a un regard de fou ! »

Mesnil-le-Rouge observait les deux garçons…

« Ainsi, vous croyez que je retiens ici votre cousine ? demanda-t-il. Qui vous a raconté une histoire aussi stupide ? »

François ne répondit pas. Mesnil-le-Rouge avança vers lui.

« Qui vous a dit cela ?

— Je vous l’expliquerai lorsque les gendarmes viendront », répondit froidement François.

L’homme recula.

« Les gendarmes ? Que savent-ils ? Pourquoi viendraient-ils ici ? Répondez-moi !

— La police sait sans doute beaucoup de choses à votre sujet, monsieur, répliqua François. Qui a envoyé des hommes pour voler les documents de mon oncle ? Qui nous a adressé un message pour obtenir un important carnet de notes secrètes ? Qui a kidnappé ma cousine et l’a gardée en otage ? Qui l’a conduite jusqu’ici dans la vieille roulotte d’Antonio ? Qui ?

— Ah ! ah ! ah ! » s’exclama l’inconnu ; il y avait de l’effroi dans sa voix. « Que de mensonges ! Les gendarmes ont-ils entendu ce récit fantastique ?

— Qu’en pensez-vous ? » demanda François qui souhaitait de tout son cœur que la police soit avertie à temps, tandis qu’il bravait courageusement ce fou.

Et soudain celui-ci, levant la tête vers la trappe, appela :

« Markhoff ! descends ! »

Deux jambes apparurent et un homme se laissa glisser près des garçons.

« Descends la falaise, tu trouveras, à l’entrée de la grotte probablement, le bateau dans lequel nous avons vu ces garçons arriver, dit le géant roux. Fais-le couler, détruis-le, rends-le inutilisable, puis reviens ici, conduis les enfants dans la cour, ligote-les. Nous partirons au plus vite avec la gosse. »

Markhoff regarda Mesnil-le-Rouge d’un air surpris.

« Comment partirons-nous ? reprit-il. Tu sais bien que l’hélicoptère n’est pas en état de marche !

— Répare-le, rugit le bandit, nous partons ! Ce soir la police sera là, tu entends ? Ce garçon sait tout et il a prévenu les gendarmes. Il faut filer !

— Que ferons-nous du chien ? demanda Markhoff.

— Tue-le ! ordonna Mesnil-le-Rouge, tue-le avant que nous partions. C’est une brute ! Nous aurions déjà dû lui envoyer quelques balles dans la peau ! Obéis ! »

L’homme disparut. François serrait les poings. Quelle tristesse de penser que le bateau de Claude allait sombrer !

Mesnil-le-Rouge attendait, ses yeux cruels brillaient.

« Je vous aurais emmenés avec nous s’il y avait eu de la place, dit-il à François, et je vous aurais jetés à la mer ! Vous pouvez dire à votre oncle qu’il entendra parler de moi ! S’il veut retrouver sa fille, qu’il m’envoie les documents, je l’exige ! Merci beaucoup de m’avoir averti de l’arrivée de la police ! Je partirai à temps ! »

Il faisait les cent pas dans la grotte, en parlant entre ses dents.

Mick et François se regardaient en silence. Ils étaient anxieux pour Claude ; l’homme allait-il vraiment l’emmener dans son hélicoptère ? Il semblait fou ! Il devait être capable de tout !

Enfin, Markhoff revint.

« Le bateau a coulé ! dit-il.

— Parfait, répondit Mesnil-le-Rouge. Je passe le premier, ensuite les garçons, ensuite toi ! Surveille-les bien »

Mesnil se hissa dans l’ouverture, le plafond était d’ailleurs très bas. François et Mick suivirent, ils n’avaient vraiment aucun moyen de résister ! Markhoff grimpa derrière eux.

Quant à Jo, elle était demeurée si bien cachée dans l’anfractuosité du rocher, que personne ne l’avait vue. Que faire ? François se demandait s’il devait en parler à Mesnil. Il lui semblait terrible de laisser la petite fille seule ; elle ne pourrait pas s’enfuir, puisque le bateau était perdu ; mais elle était si débrouillarde qu’elle s’en tirerait peut-être.

Le géant roux leur montra le chemin à travers une autre grotte, si basse de plafond qu’il fallait marcher courbé en deux. Markhoff éclairait le chemin avec une lampe puissante. Le passage secret, d’accès peu facile conduisait à la demeure, sur la falaise. Une rampe avait été installée le long du mur, car le chemin souterrain montait assez dur. Un escalier taillé dans le roc, aux marches très hautes, conduisait jusqu’à une porte qui se dressait maintenant devant les enfants.

L’homme roux l’ouvrit. François fut aveuglé par la lumière du jour. Ils se trouvaient dans une grande cour pavée de larges pierres ; entre les dalles, l’herbe poussait. Au milieu, ils virent un hélicoptère ; cela faisait un effet curieux, dans cette cour ancienne. Des bâtiments couverts de lierre épais bordaient la cour sur trois de ses côtés. Sur le quatrième s’élevait un mur assez haut, percé en son milieu d’une ouverture fermée par une forte grille. François distingua les énormes verrous dont elle était pourvue.

« On dirait une citadelle », pensa-t-il.

Et soudain il fut entraîné vers une cabane édifiée dans un angle de la cour. On le poussa à l’intérieur. On attacha durement ses poignets dans son dos ; la corde fut nouée autour d’un anneau de fer. François était prisonnier ! Il pouvait voir maintenant Markhoff attacher le pauvre Mick. L’aîné des garçons cherchait désespérément un moyen d’échapper à ce cauchemar. Par la fenêtre de la cabane, il regarda la tour qui dominait la demeure. Dans l’encadrement d’une fenêtre, il distingua un petit visage pâli. Le cœur de François battit très fort. Etait-ce la pauvre Claude ? Pourvu qu’elle ne les ait pas vus ! Ne serait-elle pas affreusement découragée si elle apprenait que Mick et lui étaient faits prisonniers ?

Mais où se trouvait Dagobert ?

De l’autre côté de la cour, il y avait une petite maison basse. François distingua un animal couché là ; était-ce Dagobert ? Pourquoi n’aboyait-il pas en les voyant ?

« Est-ce le chien de ma cousine ? demanda-t-il à Markhoff.

— Oui, répondit celui-ci. On lui a donné des somnifères, car il aboyait trop. C’est une sale bête, heureusement qu’on va le tuer ! »

Mesnil-le-Rouge avait traversé la cour et avait franchi une porte voûtée. Markhoff le suivit. François et Mick furent abandonnés à eux-mêmes.

« Nous n’avons pas beaucoup de chance de réussir ! dit François. Ils vont s’en aller et emmener Claude ! »

Mick ne répondit rien, il se sentait misérable, ses poignets attachés lui faisaient très mal. Les deux garçons, compagnons de misère, se demandaient ce qui allait leur arriver.

« Pstt !

— Qu’est-ce que c’est ? »

François se retourna dans la direction de la porte d’accès du souterrain. Jo était là, dans l’ombre.

« Pstt ! Attendez, je vais venir vous détacher ! »

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