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L’araignée dessinée par Nathan et offerte à Élodie en même temps que son serpent avait intégré les pièces à conviction à cause de la présence du lotus esquissé en bas de page. Nous essayions de comprendre comment le meurtrier avait choisi Élodie Philibert ainsi que les victimes précédentes parmi quatre mille deux cent trente-six enfants premiers de leur classe.

– Il recoupe la liste des surdoués avec une autre, proposa Jane. Faut juste trouver laquelle.

L’interrogatoire du père d’Élodie mit au jour un élément important. Sa fille participait à un concours de dessin autour de la préservation de l’environnement. Le journal La Tortue verte avait présélectionné vingt enfants, dont la fillette et… Jordan Jolih. Le nom du vainqueur serait annoncé le premier décembre 2008.

– Deux gamins, c’est beaucoup ! dit Honfleur.

– Pour que ce soit la bonne liste, il aurait fallu que tous les surdoués tués y figurent, rectifia Christian.

– Faut chercher les concours pour enfants, organisés depuis fin 2007, suggéra Jane.

– Peut-être que le meurtrier organise lui-même un concours, proposa Honfleur.

Nous prîmes rendez-vous l’après-midi même avec Philippe Brunoit, directeur des publications de La Tortue verte. Le journal organisait un concours tous les trois ans. Le dernier, réalisé en novembre 2005, avait eu pour gagnante Victoria Nilhous, neuf ans. Le nom ne correspondait à aucune victime du meurtrier en série. Cette année, le prix, sponsorisé par des fonds privés, avait pour mécènes Pharmacop, dont le P-DG se nommait Nicolas Véraneau et Semagrain, dirigé par Olivier Sirlon. Le premier fabriquait des médicaments à base de plantes. Son industrie se plaçait dans le top dix des entreprises de la région. Il exportait de Vitry-sur-Seine vers toute l’Europe et les États-Unis. La deuxième entreprise avait Créteil pour siège social et se positionnait au quatrième rang mondial des semenciers. Le directeur de la publication, Philippe Brunoit, les connaissait bien et les rencontrait régulièrement. Je lui demandai de les décrire. Véraneau, un homme de terrain, avait contracté la malaria lors de ses nombreux voyages et vivait reclus en laissant ses associés le représenter. Sirlon était attiré par la politique et le pouvoir. Il sponsorisait le concours et nombre d’autres, pour le plaisir de donner des interviews. Les années passées, Brunoit avait trouvé un autre mécène, Jean-Paul Friedel, le créateur du Conservatoire botanique de Paris. Le Globe, avais-je conclu en me souvenant l’avoir interrogé pour connaître la variété de lotus trouvée dans la fontaine. Friedel avait refusé de participer au concours de cette année par manque de temps.

Le lundi 17 novembre, en fin de journée, je pris connaissance des dernières investigations menées par la Crim’. Ils venaient de se voir attribuer le cas d’Élodie comme se rapportant à la série des meurtres suicides. Ils cherchaient également la « deuxième liste » qui permettait au meurtrier de choisir ses cibles parmi les enfants premiers de leur classe. Depuis la découverte des noms de Jordan Jolih et d’Élodie Philibert en lauréats intermédiaires, la Crim’ étudiait sérieusement la piste du concours de dessin. Ils surveillaient Véraneau de Pharmacop, Sirlon de Semagrain et Brunoit de La Tortue verte, estimant que le vainqueur pourrait être la prochaine victime. Restaient quatorze jours avant les résultats du concours de dessin, le 1er décembre 2008.

 

L’après-midi suivant, le journal Le Monde fit le rapprochement entre les meurtres suicides et la prophétie publiée dans son intégralité, page trois. Le journaliste mettait en avant le paragraphe évoquant les enfants de six ans et désignait 2008 comme étant « l’année 1 du deuxième millénaire ». Deux questions concluaient l’article : Quel lien existait-il entre le criminel et le Moine aux abeilles ? Et s’agissait-il d’un fou ?

– D’où peut bien venir la fuite ? interrogea Honfleur.

– Cherche pas. Le journaliste a mené son enquête. Il est parti dans la bonne direction, répondit Jane.