Mardi 11 novembre, 18 h 10
L’homme sourit en se félicitant de la bêtise humaine. Comme de coutume, on verrouillait la porte d’entrée en oubliant de sécuriser celle du garage ou de la cave. Il ouvrit la porte de service, accessible par l’arrière du jardin, et se remémora les informations dictées par l’éclaireur. Le mardi, la maison restait inoccupée jusqu’à 19 h 00. Accéder à la tuyauterie et déposer la boule de plantes séchées ne prendraient qu’une dizaine de minutes. Il portait un bleu de travail, sans marque ni logo, et enfila une paire de chaussons de chirurgie par-dessus ses chaussures. Après une rapide inspection, il se décida. Comme pour les Villon, les Jolih et les Luzignan, il déposerait le poison dans le ballon d’eau chaude. Sa méthode préférée, la plus simple et la plus efficace. Un coup d’œil à la cuisine et à la chambre de la mère, le cumulus ne s’y trouvait pas. Il entra dans la chambre de l’enfant. Un long serpent orange et noir traînait en travers de la pièce. Son aspect misérable le fit sourire. En voilà un qui cesserait d’abîmer ses jouets. La salle de bains était attenante, le ballon d’eau chaude ne devait pas être loin. Il le trouva dans le placard. Muni de sa lampe torche, il purgea le réservoir et ouvrit le clapet de sécurité. L’homme se limita à une dose. Le conglomérat végétal suffisait à terrasser huit adultes. Il referma le tout, épongea l’eau, essuya ses traces et revint dans la chambre de l’enfant. Des feuilles de papier recouvraient la table. Sur l’une d’elles, une énorme araignée, dessinée façon mygale, maladroitement signée : « Nathan ». De sa main gantée, l’homme prit un feutre et griffonna dans un coin un lotus. Il se plut à imaginer l’enfant se plaignant auprès de sa mère d’une intervention sur son dessin. Ses derniers mots avant de mourir. Satisfait, il se dirigea vers la porte de service qu’il referma soigneusement et regarda sa montre : 18 h 25.
Il se fondit dans la nuit avec un sourire de satisfaction. Celui d’un perfectionniste qui venait de mener à bien une mission délicate.