Nous passons l’énorme huis de chêne et de fer, aujourd’hui disparu, et foulons l’herbe haute du parc en friche qui s’étend devant la façade nord du château.

Le vent balaye des ombres sur la grosse tour et sur ses ailes. Une rêverie qui ridait le front de pierre du château se dissipe comme brume.

Un homme vit ici quelquefois, mais il n’est pas là ces temps-ci, il travaille à Paris. On dit qu’il a les mains percées.

Les gens du pays appellent le chemin que nous avons suivi pour monter ici le sentier de la Fée.

Il nous semble qu’un cheval galope non loin, on entend le bruit de ses sabots qui frappent contre les pierres.

Sur notre droite, quelques stèles sont semées dans un désordre inquiétant devant une très ancienne chapelle.

Nous entrouvrons la porte de la bâtisse et nous nous glissons dans son ventre. Les vitraux sont tous brisés et les vents traversent l’édifice comme le souffle dans une flûte.

 

Sur l’un des murs, nous déchiffrons cette inscription presque effacée :

 

En cet an 1187, Esclarmonde, Damoiselle des Murmures, prend le party de vivre en recluse à Hautepierre, enfermée jusqu’à sa mort dans la petite cellule scellée aménagée pour elle par son père contre les murs de la Chapelle qu’il a bâtie sur ses terres en l’honneur de sainte Agnès, morte en martyre à treize ans de n’avoir pas accepté d’autre époux que le Christ.

 

Une cloche sonne dans la vallée de la Loue et nous guettons son dernier tintement pour mesurer combien de temps il résonnera.