XXXIII
Juillet-août 1975
Au moment précis où Kalya, penchée au-dessus du caniveau, jetait les balles au fond de la rigole, elle entendit :
— Kalya ! Kalya ! Maintenant je peux venir ? Je viens ! L’enfant ne lui laissa pas le temps de répondre. Échappant à la surveillance de Slimane, elle s’élança sur le terre-plein.
Clouée sur place, Kalya ne pouvait que la regarder accourir.
L’enfant fendait l’air, couronnée par la gerbe étincelante de ses cheveux.
Elle courait pieds nus, l’écharpe faillit la faire trébucher. Elle s’en dégagea d’un bond et redoubla de vitesse.
La longue chevelure, déployant autour d’elle sa masse flexible et claire, évoquait le chaume, les épis, le printemps.
Sybil filait à toute allure. Filait plus vite encore.
Par instants, on aurait dit qu’elle planait ; que ses pieds ne toucheraient plus jamais le sol.
Derrière elle, Slimane s’était mis en mouvement.
Il était trop tard pour rappeler la fillette, la ramener dans l’immeuble. Le danger avait disparu, l’aube balayait tous les recoins de la Place.
L’enfant cria encore :
— Je viens ! J’arrive !
Kalya avait mis un genou à terre et se tenait immobile pour la recevoir dans ses bras écartés.