… avant que la ville se scinde avant que le dernier passage se bloque avant que les otages servent de monnaie d’échange avant meurtres et talion avant que les milices rivales essaiment et se combattent avant le premier le deuxième le troisième « round » avant les mutineries les factions les accrochages avant que les armées d’ici et d’ailleurs martèlent saccagent terrifient avant que les cessez-le-feu s’enchaînent sans effet que les réfugiés se jettent sur les routes à la recherche de leurs communautés d’origine avant que les villages soient livrés aux pillards avant que les francs-tireurs abattent leur gibier avant que les chefs s’allient s’attaquent se réconcilient pour se combattre encore avant que l’ennemi se découvre dans la maison voisine avant que l’ami de ce matin se transforme en bourreau du soir avant que les délateurs se multiplient avant les trêves dérisoires avant que routes chemins boulevards se hérissent de machines mugissantes funestes avant que bazookas mortiers lance-roquettes Katioucha 357 magnum canons de 106 Kalachnikov fusées missiles Sol-sol bazookas deviennent des mots de tous les jours avant l’assassinat des chefs et le massacre des innocents avant que les bâtisses s’effondrent que les corps brûlent et se rompent avant qu’herbes et poussières s’abreuvent de sang avant que les mères hurlent de douleur que les enfants soient marqués à jamais avant que par centaines les habitants fuient cette terre meurtrière et meurtrie avant que les équilibres se rompent que l’éternel montreur embrouille les ficelles s’écroule dans un enchevêtrement de poulies de toile de cordages parmi ses marionnettes démantibulées avant que l’acrobate-miracle symbole de cette cité vaincue par trop de machinations trop de tempêtes chancelle et tombe de son filin avant que le pire devienne le pain de chaque jour avant que le barrage de toutes les fraternités de tous les dialogues se brise que l’horreur dévaste submerge avant que avant que avant avant avant…
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Avant n’est déjà plus. Tandis que Kalya se déplace d’un point à l’autre du terre-plein, il ne reste plus que l’après.
Devant elle, ce n’est plus le vide de la page blanche. La page est souillée, éclaboussée. La mare de sang s’élargit.
Chacun de ses pas continue de tracer une ligne précaire, fragile. Une ligne qui, partant du seuil où se tient Sybil, conduit au centre du terre-plein où gisent ces deux corps.
Le destin est en suspens. La mort ne sait encore sur qui se ruer…