Monsieur des Yveteaux, ancien précepteur de Louis XIII, disgracié, achète une maison à une extrémité de Paris, là où la campagne commence, ce qui lui vaut d’être surnommé « le dernier des hommes ». En 1627, se promenant dans son jardin, ses yeux croisent par la porte ouverte sur la rue les yeux tristes d’une femme enceinte. C’est une harpiste qui gagne sa vie en jouant dans les cabarets. En une seconde elle pince toutes les cordes de l’âme de Monsieur des Yveteaux. Il l’installe chez lui avec son mari, lui donne les clés de sa maison et de ses pensées les plus intimes. Des chroniques de l’époque notent cette alliance. L’écriture met son pied dans la porte du jardin du dernier homme, la maintenant ouverte pour qu’une harpiste mélancolique s’y encadre jusqu’à la fin du monde.

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En fin d’après-midi, au-dessus du carrefour des quatre chemins, une longue écharpe d’air rose et bleu flottait, perdue par une quelconque reine des cieux.

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Elle serrait son pain sur sa poitrine comme un nouveau-né.

 

Si nous avions le dixième de l’attention qu’a le chat pour le vol de la mouche — le monde serait sauvé.

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Voilà bientôt quinze ans que G. a traversé les murailles en feu de la mort. Tout a brûlé d’elle sauf sa bonté. Toutes choses dans ce monde ont des rouages qui finissent tôt ou tard par être découverts. La bonté est la seule vraie énigme — ce que savent les libellules et les assassins.

 

De celui qui part sans un adieu ou sans payer on dit au dix-septième siècle qu’il « fait un trou dans la nuit ».

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Antoine Arnauld bataille pour le jansénisme avec une épée d’encre. Chassé de France, menacé, il se réfugie à Bruxelles. Il y vit ses dernières années cloîtré dans une maison, ne sortant que pour une promenade dans l’étroit jardin qu’on recouvre alors d’une toile afin que les voisins ne s’aperçoivent pas de sa présence.

 

Quand il veut voir un peu de ciel, il ouvre un livre.

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Ils marchent en projetant devant eux, à moins d’un mètre, l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes : leur âme arrogante ou craintive leur ouvre le chemin. Le saint est celui qui avance précédé par la seule idée qu’il se fait de Dieu — un amandier en fleur qui vient à notre rencontre.