Je me demande si l’herbe que je voyais par la fenêtre du train qui me menait à Birmingham savait qu’elle était anglaise.
La vieille dame endormie sur la banquette, sa tête appuyée contre la vitre sale : le soleil brossait son visage en jaune paille, sans oublier la tache mauve de la bouche grande ouverte. Les gens sont des chefs-d’œuvre qui prennent le train.
Dévalant par centaines les pentes du grand parc de Birmingham, les jacinthes bleues jetaient au ciel leurs âmes parfumées avant de s’écraser contre la muraille de l’air frais.
La langue anglaise, à l’entendre, a une note aristocratique en arrière-fond, dans le palais, comme si dans la gorge du parleur un serviteur à perruque apportait chaque mot sur un plateau d’argent, jusqu’à la barrière des dents.
Elle était vieille comme on l’est dans les contes. Assise sur sa chaise dans le jardin, près des plants de radis, face à la marée montante des myosotis, elle égrenait une poignée de vieux pissenlits. La mort n’osait plus venir au fond du jardin où irradiaient ses yeux bleus. Son émerveillement devant trois pissenlits rasés comme des bagnards m’émerveillait. Dans sa robe de chambre en laine bleue, avec sa petite tête ronde de l’art roman, elle rayonnait de génie. Elle savait — pour les subir par l’âge et la fatigue — des choses très nouvelles sur le ciel. Elle était dans un autre monde et ne tenait plus au nôtre que du bout des doigts, par le secret d’une délicatesse dont sont incapables les vivants acharnés à leurs affaires.
Les vieillards sont des livres saints d’os et de chair.
Le grand âge est le tambour voilé de Dieu.
De la vieille cathédrale de Coventry, détruite pendant la guerre, il ne reste que les murs. Nue comme la carcasse d’un aigle dont des insectes auraient nettoyé tous les os, elle vibre infiniment.
Ce qui a subi le martyre parle de la vie avec une grâce irréfutable.
Les mélancoliques maisons de Birmingham ont laissé dans les plis de mon cerveau une poudre de brique orangée.