Les aboiements des chiens sur la route de campagne ont fait fuir le soleil.

 

À l’heure de mourir Angélique Arnauld s’inquiète du visage qui s’approche et dont tous les traits austères sont les siens.

 

L’âme — ce petit ciel dans les yeux qui change tout le temps et à la fin gèle comme de l’eau.

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En 1645 Madeleine Briquet, orpheline, est confiée à Port-Royal à l’âge de trois ans. Elle y grandit en gaieté. À quinze ans elle fait le choix définitif de la vie monacale. Ses oncles grands bourgeois, pour l’en dissuader, la plongent quatre mois au milieu du monde dans l’espoir que les fêtes l’enivrent : elles ne font qu’affermir son goût d’une joie réelle. En 1664 un archevêque soumet les religieuses à un questionnaire. Les insolentes réponses de la jeune Briquet renvoient l’homme d’Église à l’incurable mélancolie de sa sagesse. À la suite de cet interrogatoire, douze religieuses sont exilées dans d’autres monastères. Madeleine organise la résistance avec les sœurs qui restent. Interdite de communion, elle se confesse par écrit à un prêtre janséniste qui en retour lui fait parvenir sous un pli une hostie consacrée. Les années passent, l’archevêque se décolore dans ses dentelles, la petite Briquet meurt à quarante-sept ans plus fraîche que l’aube.

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Le chat noir avec sa démarche ondulante — une pensée charbonneuse qui s’approche de moi.

 

La toile peinte du ciel accélérait son déroulement, des machinistes dans les coulisses s’affairaient, des nuages plus lumineux les uns que les autres défilaient à toute allure sous mes yeux, me faisant patienter en attendant que commence la pièce — celle où ma mort apparaît.

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Léonard Fournier grandit près de Tours. À trente ans, ne sachant ni lire ni écrire, il vend ses biens et part sur les chemins. Les vagabondes lumières du ciel l’escortent jusqu’à Port-Royal où il s’occupe du jardin en échange de sa nourriture. Comme un enfant il tend à chaque visiteur un Évangile pour qu’il lui en lise une page. Chassé par les soldats du roi, il est accueilli à l’abbaye de Voisins, près d’Orléans. Quand la mort vient, il lui tend son âme pour qu’elle lui lise ce qui s’y trouvait d’ébloui.