La sœur de Pascal, religieuse à Port-Royal, pressée par les autorités de signer un formulaire contraire à sa foi, écrit dans le calme atomique de sa cellule : « Puisque les évêques ont des courages de filles, les filles doivent avoir des courages d’évêque. »

 

Notre enfance résiste à tout. Même notre mort ne pourra lui fermer les yeux.

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La vie a besoin des livres comme les nuages ont besoin des flaques d’eau pour s’y mirer et s’y connaître.

 

La page est une maison dont il faut inlassablement aérer chaque chambre, changer ici l’eau des fleurs, remettre là des draps frais, rendre chaque phrase accueillante pour l’âme harassée par un long voyage.

 

Chaque fois qu’on simplifie on attrape Dieu.

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Le singe de la méfiance avait sauté sur ses épaules.

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Pour défendre les gens de Port-Royal contre les jésuites Pascal écrit ses Provinciales dans un français enjoué, couvert de rosée. Les soldats du roi traquent les imprimeurs mais ne peuvent élever de barrage assez haut contre le ciel. La femme d’un imprimeur entasse les plombs du prochain texte de Pascal dans son tablier et passe sans se faire arrêter au milieu des gardes.

 

L’armure sans défaut de la joie.

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La pluie en guenilles frappe au carreau. Elle ne demande pas grand-chose, juste un regard, deux sous d’enfance.

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Pour ne pas être inquiété Pascal prend un faux nom — Monsieur de Montalte — et s’installe dans l’auberge à l’enseigne du roi David, à Paris, juste en face du collège des jésuites que ses écrits pilonnent. Cette période clandestine est la plus heureuse de sa jeunesse. Les guerres invisibles font la santé de l’âme.

 

La jeunesse est le rire du malheur.

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La moitié du citron coupé en deux me regardait avec une franchise stupéfiante.

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Je n’arrive pas à bout de la sixième sonate pour violon et clavecin de Jean-Sébastien Bach : dès les premières notes un oiseau fabuleux jaillit d’un buisson et je n’écoute plus rien, je reste avec la merveille de cette apparition.

 

Parfois quelqu’un vous donne à manger en une seconde pour votre vie entière.

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Sur une hauteur une grange est reliée au monastère de Port-Royal par un chemin de cent marches. Pascal souvent emprunte ce chemin qui mène au paradis du blé à côté duquel, en 1651, sont construites des salles de classe. Les cent marches s’illuminent du bruit des pas des écoliers.

 

Les corolles luisantes des boutons-d’or dans le pré : un tableau à peine fini, la peinture n’a pas eu le temps de sécher.

 

La fenêtre du bureau donne sur une petite école : des graminées qui écoutent les leçons du soleil et écrivent quelques phrases sous la dictée du vent.

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Chaque fois que je parle d’André Dhôtel je ne rencontre que des fossoyeurs. C’est à croire qu’il est mort.

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Les Petites Écoles de Port-Royal changent plusieurs fois de lieu jusqu’à leur destruction totale en 1660. La volée d’enfants se pose au château de Vaumurier, proche du monastère. Caillassés par les soldats du roi, les moineaux se cachent par paquets de dix chez tel ou tel de leurs maîtres. Puis, plus rien. Le roi a gagné. Il se rendort dans son palais de vitres que ne brise aucun fou rire d’enfant.

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Le jardin retient son souffle, les hautes herbes sont toutes immobiles sauf une que trouble une confidence du vent.

 

Pascal lit les Évangiles comme un chasseur suit son gibier à la trace.

 

Trois roses fatiguées dans le pot à eau — trois cantatrices en robe de velours rouge descendant lentement l’escalier qu’il y a entre le ciel et la terre.

 

Les morts ont raflé toutes les fleurs du fleuriste.

 

Le sens de cette vie c’est de voir s’effondrer les uns après les autres tous les sens qu’on avait cru trouver.

 

Les ablutions musicales des oiseaux sont toute ma religion.