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Percées

STENDAL, RDA

— Soyez prudent, Pacha.

— Comme toujours, camarade général, répondit Alexeyev en souriant. Venez, capitaine.

Sergetov suivit son supérieur. Tous deux, cette fois, portaient des gilets pare-balles. Le général n’était armé que de son pistolet, à sa hanche avec l’étui à cartes, mais le capitaine était non seulement un officier d’état-major, mais, à présent, un garde du corps, alors il avait à la bretelle un pistolet-mitrailleur tchèque. Il avait l’impression que le général était un autre homme. À son premier voyage sur le front, Alexeyev avait été presque hésitant, mais l’idée n’était pas venue au jeune homme que le général, en dépit de son grade élevé, n’avait jamais été au combat et affrontait le baptême du feu avec autant d’appréhension qu’une nouvelle recrue. Cela, c’était fini. Il avait sentit la poudre. Le changement était remarquable. Sergetov se dit que son père avait raison, c’était un homme dont on devait tenir compte. Ils furent rejoints à leur hélicoptère par un colonel de l’armée de l’air. Le MI-24 décolla dans l’obscurité, survolé par son escorte de chasseurs.

LAMMERSDORF, RFA

Peu de gens comprenaient l’importance du magnétoscope. Un appareil utile à la maison, certes, mais c’était seulement après qu’un capitaine de l’armée de l’air royale hollandaise en eut fait la démonstration, deux ans plus tôt, que son utilité sur le champ de bataille avait été prouvée au cours de manoeuvres secrètes en Allemagne puis dans l’ouest des États-Unis.

Les avions de surveillance radar de l’OTAN conservaient leur position habituelle à très haute altitude, au-dessus du Rhin. Les appareils E-3A Sentinelles, plus connus sous le sigle d’AWACS, et les plus petits et moins célèbres TR-1, accomplissaient leurs missions soit en décrivant des cercles soit en effectuant des vols rectilignes loin derrière le front. Ils avaient des fonctions similaires, mais différentes. Les AWACS s’intéressaient surtout au trafic aérien. Les TR-1, une nouvelle version du vénérable U-2, cherchaient les véhicules au sol. Initialement, le TR-1 avait été plus ou moins un échec, parce qu’il repérait trop d’objectifs, dont beaucoup étaient des réflecteurs radar immobiles que les Soviétiques avaient installés partout ; en conséquence, les commandements de l’OTAN étaient submergés par une masse d’informations trop confuses pour être utilisables. Vint alors le VCR, ou vidéocassette recorder. Toutes les informations transmises par les avions étaient enregistrées sur bande magnétique, de toute façon. C’était un moyen commode de conserver les données, mais le VCR de l’OTAN avait des limites opérationnelles. Le capitaine hollandais avait eu l’idée d’apporter à son bureau son propre magnétoscope et il avait démontré qu’en utilisant l’avance et le recul accélérés, les données radars montraient non seulement où les choses allaient, mais d’où elles venaient. Avec un ordinateur, il devenait facile d’éliminer les objets qui ne bougeaient pas plus d’une fois toutes les deux heures, ce qui éliminait les leurres russes ; et voilà, on avait un tout nouvel instrument pour traiter l’information !

Avec plusieurs copies d’une même bande, un personnel de plus d’une centaine d’experts du renseignement et du contrôle aérien examinait les données vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Certains s’intéressaient à la seule information tactique, d’autres cherchaient des ensembles. Un grand nombre de blindés faisant des aller et retour nocturnes entre les unités de première ligne révélait forcément des navettes vers des dépôts de munitions ou de carburant. Un certain nombre de véhicules se détachant d’un convoi de division pour se déployer parallèlement au front signifiait que l’artillerie se préparait à attaquer. Le plus difficile, découvrirent-ils, c’était de transmettre les renseignements aux commandements opérationnels assez vite pour qu’ils puissent être utiles.

À Lammersdorf, un lieutenant belge achevait de travailler sur une bande qui ne datait que de six heures ; son rapport fut envoyé par téléphone aux commandements avancés de l’OTAN. Au moins trois divisions avaient été acheminées au nord et au sud de l’Autobahn 7, annonçait-il. Les Soviétiques attaqueraient à Bad Salzdetfurth en force et plus tôt que prévu. Immédiatement, des unités de réserve des armées belge, allemande et américaine firent mouvement vers le front et les unités aériennes alliées mises en alerte pour une action décisive au sol. Dans ce secteur, les combats avaient déjà été assez effroyables. Les forces allemandes couvrant la région au sud d’Hanovre étaient à moins de 50 % de leur effectif et la bataille qui n’avait pas encore commencé était déjà une course, alors que les deux camps s’efforçaient d’amener avant l’autre leurs réserves au champ de bataille.

HOLLE, RFA

— Trente minutes, dit Alexeyev à Sergetov.

Quatre divisions de fusiliers motorisés étaient en ligne sur un front de moins de vingt kilomètres. Derrière eux, les chars d’une division blindée attendaient pour exploiter la première percée dans les lignes allemandes. L’objectif était la ville d’Alfeld, sur la Leine. La ville commandait deux routes utilisées par l’OTAN pour les navettes d’unités et de ravitaillement du nord au sud, et sa capture ouvrirait dans les lignes de l’OTAN une brèche permettant aux groupes opérationnels soviétiques de faire irruption et de les prendre à revers.

— À votre avis, camarade général, comment progressent les choses ? demanda le capitaine.

— Posez-moi la question dans quelques heures, répliqua le général.

Ils n’étaient qu’à trente kilomètres de la frontière... et l’on s’était attendu à ce que les chars de l’Armée rouge emportent Holle en deux jours seulement. Alexeyev fronça les sourcils en se demandant quel petit génie de l’état-major avait imaginé ce calendrier. Encore une fois, on avait négligé le facteur humain. Jamais il n’avait rien vu de pareil au moral et à l’esprit combattif des Allemands. Il se rappelait les histoires de son père, sur les grandes batailles d’Ukraine et de Pologne, mais il n’y avait jamais trop cru. Il y croyait maintenant. Les Allemands disputaient chaque motte de terre de leur pays comme des louves ‘ défendant leurs petits, ne battant en retraite que contraints et forcés, contre-attaquant à toute occasion, saignant à blanc les unités russes qui attaquaient avec tout leur armement.

Le plan soviétique prédisait de lourdes pertes. La bataille de mouvement ne pouvait réussir qu’au prix, très élevé, d’un assaut frontal qui devait avant tout percer les premières lignes, mais les armées de l’OTAN interdisaient cette ouverture aux Soviétiques. Leur armement sophistiqué tirait de positions sûres, bien préparées, et éventrait chaque vague d’assaut. Leurs raids aériens sur l’arrière soviétique sapaient les unités avant même leur engagement et faisaient des ravages dans le soutien de l’artillerie en dépit des mesures de camouflage les mieux étudiées.

L’Armée rouge avançait, se répéta Alexeyev, et l’OTAN le payait cher. Leurs réserves aussi étaient clairsemées. Les forces allemandes n’utilisaient pas leur mobilité comme l’aurait fait Alexeyev, elles s’attachaient trop souvent à des sites géographiques au lieu de combattre les forces soviétiques en mouvement.

Il consulta sa montre. Une nappe de feu s’éleva de la forêt au-dessous de lui ; l’artillerie russe commençait un tir de barrage. Ensuite les lance-roquettes se mirent de la partie et le ciel matinal étincela de traînées de feu. Alexeyev prit ses jumelles. En quelques secondes, il vit les explosions orangées et blanches dans les lignes de l’OTAN. Il était trop loin pour distinguer les détails, mais un secteur qui devait faire plusieurs kilomètres de large s’était illuminé comme les enseignes au néon si populaires en Occident. Il entendit un tonnerre au-dessus de lui et vit arriver les premiers éléments des chasseurs-bombardiers se ruant à l’attaque.

— Merci, camarade général, souffla-t-il.

Il compta au moins trente chasseurs-bombardiers Sukhoi et MIG, volant tous en rase-mottes. Sa figure se fendit d’un sourire résolu et il entra dans le bunker de commandement.

— Les éléments de tête avancent en ce moment, annonça un colonel.

Sur la table, des planches grossières sur des tréteaux, des marques étaient faites au crayon gras sur des cartes d’état-major. Des flèches rouges commencèrent à défiler vers une suite de lignes bleues. La mise à jour était assurée par des lieutenants ; chacun portait un casque à écouteurs et restait en ligne avec un régiment. Les officiers affectés à des unités de réserve se tenaient à l’écart et fumaient des cigarettes en observant la marche des flèches. Derrière eux, le commandant de la VIIIe Armée de gardes regardait se dérouler son plan d’offensive.

— Résistance modérée. Nous affrontons des tirs de l’artillerie et des blindés ennemis, dit un lieutenant.

Des explosions secouèrent l’abri du PC. À deux kilomètres de là, une escadrille de Phantoms allemands venait de fondre sur un bataillon d’artillerie motorisée.

— Chasseurs ennemis en survol, annonça à retardement un officier de la défense aérienne.

Quelques regards se levèrent avec inquiétude vers le plafond en rondins. Pas celui d’Alexeyev. Une bombe « intelligente » de l’OTAN les tuerait tous en un clin d’oeil. Tout en appréciant beaucoup son poste de commandant adjoint du théâtre des opérations, il regrettait le temps où il avait commandé une division combattante. Ici, il n’était qu’un observateur et il éprouvait le besoin d’avoir les rênes en main.

— L’artillerie signale de violents tirs de contre-batteries et des attaques aériennes. Nos missiles attaquent les avions ennemis dans le secteur arrière de la 57e division de fusiliers motorisés, dit l’officier de la défense aérienne. Importante activité aérienne sur tout le front.

— Nos chasseurs engagent des appareils de l’OTAN, signala rageusement l’officier de l’aviation du front. Des SAM amis descendent nos chasseurs !

— Officier de défense aérienne ! cria Alexeyev. Dites à vos unités d’identifier leurs objectifs !

— Nous avons cinquante appareils au-dessus du front. Nous pouvons liquider les chasseurs de l’OTAN tout seuls, insista l’aviateur.

— Dites à toutes les batteries SAM de ne pas tirer sur des objectifs au-dessus de mille mètres, ordonna Alexeyev.

Il avait discuté de tout cela la veille au soir avec son commandant de l’aviation sur le front. Les pilotes de MIG devaient rester en haute altitude après leurs raids, laissant ainsi les batteries de missiles et de canons libres de n’attaquer que les appareils de l’OTAN menaçant les unités au sol. Pourquoi ses propres avions se faisaient-ils abattre ?

À dix mille mètres au-dessus du Rhin, deux avions-radar E-3A de l’OTAN défendaient chèrement leur peau. Une solide offensive soviétique était en cours et deux escadrilles d’intercepteurs MIG-23 se ruaient vers eux dans les airs. Les contrôleurs alliés appelaient au secours. Cela les détournait de leur mission et coûtait des chasseurs occupés ailleurs. Sans souci pour leur propre sécurité, les Russes venaient de l’ouest à plus de quinze cents kilomètres-heure avec tout un matériel de brouillage. Des Eagles F-15 américains et des Mirages français convergèrent sur la menace en remplissant le ciel de leurs missiles. Cela ne suffit pas. Quand les MIG furent à cent kilomètres, les AWACS stoppèrent leurs radars et piquèrent vers le sol pour échapper à l’attaque. Les chasseurs de l’OTAN restèrent seuls au-dessus de Bad Salzdetfurth. Pour la première fois, les Soviétiques avaient obtenu la supériorité aérienne au-dessus d’un grand champ de bataille.

— Le 143e gardes fusiliers rapporte qu’ils ont percé les lignes allemandes, annonça un lieutenant sans lever la tête, en allongeant la flèche dont il était responsable. Les unités ennemies se replient en désordre.

— Selon le rapport du 149e gardes, dit son voisin, la première ligne de résistance allemande s’est effondrée. Le régiment va vers le sud en suivant la ligne du chemin de fer... les unités ennemies sont en pleine débandade. Elles ne se regroupent pas, ne tentent pas de faire demi-tour.

Le général commandant la VIIIe Armée des gardes tourna vers Alexeyev un regard triomphant.

— Faites avancer cette division de chars !

Les deux brigades allemandes, aux effectifs réduits, couvrant ce secteur avaient trop souffert, avaient été appelées à repousser trop d’attaques. Leurs hommes étaient épuisés, leurs munitions aussi, ils n’avaient plus de salut que dans la fuite, en espérant former une nouvelle ligne dans les bois derrière la route 243. À Hackenstedt, à quatre kilomètres, la 20e division de gardes blindée entama un mouvement par cette route. Ses trois cents chars d’assaut lourds T-80, soutenus par plusieurs centaines d’autres blindés de transport d’infanterie, se déployèrent à droite et à gauche de la route secondaire et se mirent en formation d’attaque par colonnes de régiments. La 20e chars était le groupe d’opération de la VIIIe Armée de gardes. Depuis le début de la guerre, l’armée soviétique essayait de briser une de ces puissantes unités sur l’arrière de l’OTAN. C’était maintenant possible.

— Bien joué, camarade général, dit Alexeyev.

La table des opérations révélait une percée générale. Trois des quatre divisions attaquantes de fusiliers motorisés avaient traversé les lignes allemandes.

Les MIG réussirent à abattre un des AWACS et trois chasseurs Eagle, en le payant par la perte de dix-neuf des leurs, au cours d’une mêlée furieuse qui dura un quart d’heure. Les AWACS survivants étaient maintenant de retour en altitude, à cent trente kilomètres derrière le Rhin, et leurs opérateurs radar s’appliquaient à rétablir la maîtrise de l’air au-dessus de l’Allemagne centrale alors que les MIG se hâtaient de regagner leurs bases à travers un nuage de missiles sol-air de l’OTAN. À un coût exorbitant, ils avaient accompli une mission pour laquelle ils n’avaient même pas été entraînés.

Mais ce n’était que le commencement. Maintenant que l’offensive initiale avait réussi, le plus dur de la bataille restait à faire. Les généraux et les colonels commandant l’offensive devaient faire avancer rapidement leurs unités, en prenant soin de garder les formations intactes tout en déplaçant leur artillerie par bonds successifs vers le sud afin de fournir un soutien continu aux régiments qui avançaient. La division de chars avait la priorité. Elle devait attaquer les lignes allemandes suivantes quelques minutes derrière les fusiliers motorisés, pour atteindre Alfeld avant la nuit. Des unités de police militaire établirent des points de contrôle de la circulation, et dirigèrent les unités par des routes dont les panneaux indicateurs avaient été enlevés par les Allemands... naturellement. Ce n’était pas aussi facile qu’on avait pu l’imaginer. Les unités n’étaient pas intactes. Certains commandants étaient morts, des véhicules étaient tombés en panne, les routes endommagées ralentissaient la circulation bien au-dessous des prévisions d’une avance normale.

De leur côté, les Allemands essayaient de se réorganiser. Les unités d’arrière-garde s’attardaient derrière chaque tournant de la route, s’arrêtaient pour lâcher leurs missiles antichars contre l’avant-garde soviétique, qui subissait des pertes particulièrement sévères de commandants d’unités. L’aviation alliée se réorganisait aussi et des chasseurs d’assaut à basse altitude commençaient à attaquer les unités soviétiques à découvert.

Derrière la ligne allemande brisée, une brigade de chars allemande entra dans Alfeld, avec un régiment motorisé belge à dix minutes derrière elle. Les Allemands avancèrent vers le nord-est par la route principale, observés par des habitants qui venaient de recevoir l’ordre d’évacuer leurs maisons.

FASLANE, ÉCOSSE

— Pas de chance, hein ? demanda Todd Simms, commandant du USS Boston.

— Aucune, confirma McCafferty.

Même le voyage à Faslane avait été malchanceux. Le sous-marin de garde au chenal de transit surveillé, le HMS Osiris, s’était présenté sans qu’ils l’aient détecté. Si ce sous-marin diesel britannique avait été un Russe, McCafferty serait probablement mort.

— Nous avions notre chance contre le groupe amphibie, vous savez ? Tout allait être parfait. Les Russes avaient déployé leur ligne de bouées et nous les avions déjoués, nous avions nos objectifs pour une attaque de missiles... Je pensais que nous frapperions d’abord avec nos missiles et puis que nous finirions avec les torpilles...

— Ça me paraît bon, ça, reconnut Simms.

— Et voilà que quelqu’un d’autre a lancé son attaque de torpilles. Ça a tout foutu en l’air. Nous avons lancé trois Harpoons mais un hélico nous a vu faire et vlan, nous avions les salopards sur le dos, dit McCafferty en poussant la porte du carré des officiers. J’ai besoin de boire un coup.

— Pour ça oui, approuva Simms en riant. Tout paraît plus souriant après quelques bières. Allons, ce genre de choses arrive. La chance tourne, Danny, déclara Simms en s’accoudant au bar. Deux sans faux col.

— À vos ordres, commandant.

Un steward en veste blanche tira à la pression deux chopes de bière brune tiède. Simms prit l’addition et conduisit son ami vers une table dans le coin. Au fond de la salle, il y avait une espèce de petite fête.

— Danny, je vous en prie, détendez-vous. Ce n’est pas votre faute si les Russes ne vous ont pas envoyé d’objectifs, quoi !

McCafferty but une grande gorgée. À trois kilomètres, le Chicago faisait le plein. Ils devaient rester deux jours au port. Le Boston et un autre sous-marin de classe 688 étaient amarrés au même quai, et deux autres étaient attendus dans la journée. Ils devaient être ravitaillés pour une nouvelle mission, mais ils ne savaient pas encore laquelle. En attendant, les officiers et les équipages profitaient de leur bref temps de liberté pour respirer l’air frais et se détendre.

— Vous avez raison, Todd. Comme toujours.

— Bien. Prenez des bretzels. On dirait que ça rigole, là-bas. Si on allait voir ?

Simms prit sa chope et traversa la salle. Ils trouvèrent un groupe d’officiers sous-mariniers, ce qui n’avait rien de surprenant, mais le pôle d’attraction l’était : un capitaine norvégien, un grand blond d’une trentaine d’années, qui buvait manifestement depuis plusieurs heures. Dès qu’il vidait un verre de bière, un commandant de la Royal Navy lui en tendait un autre.

— Il faut que je trouve le type qui nous a sauvés ! criait le Norvégien d’une voix pâteuse.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Simms.

Des présentations furent faites. L’officier de la Royal Navy était le commandant du HMS Oberon.

— C’est le gars qui a envoyé en l’air le Kirov à Mourmansk, dit-il. Il raconte son histoire toutes les dix minutes. Il ne va pas tarder à recommencer.

— Nom de dieu, marmonna McCafferty.

C’était le type qui avait coulé son objectif ! Effectivement, le Norvégien se remit à parler.

— Nous effectuons notre approche lentement. Ils viennent – hic – droit sur nous et nous avançons très lentement. Je monte périscope et le voilà ! Quatre mille mètres, vingt noeuds, il va passer à cinq cents mètres sur tribord... Baissons périscope ! Arne... Où t’es, Ame ? Ah ! soûl comme un cochon. Arne est mon officier torpilleur. Paré à tirer quatre torpilles. Type trente-sept, torpilles américaines.

D’un grand geste, qui envoya valser sa chope par terre, il désigna les deux officiers américains qui venaient de se joindre au groupe.

Quatre Mark-37 ! McCafferty frémit à cette pensée. Ça pouvait vous gâcher toute une journée.

— Kirov tout près maintenant. Hissons périscope ! Cap pareil, vitesse pareille, distance maintenant deux mille mètres... je tire ! Un ! Deux ! Trois ! Quatre ! recharge et plonge en profondeur.

— Vous êtes celui qui a bousillé mon approche ! cria McCafferty.

Le Norvégien parut presque dégrisé, pendant un instant.

— Qui êtes-vous ?

— Dan McCafferty. USS Chicago.

— Vous étiez là ?

— Oui.

— Vous tiriez missiles ?

— Oui.

— Héros !

Le commandant sous-marinier norvégien courut vers l’Américain et faillit le renverser en le serrant dans ses bras à l’étouffer.

— Vous sauvez mes hommes ! Vous sauvez mon bateau !

— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? demanda Simms.

— Ah, présentations, intervint un capitaine de la Royal Navy. Capitaine Bjorn Johannsen du sous-marin Kobben de Sa Majesté de Norvège. Capitaine Daniel McCafferty du USS Chicago.

— Après nous tirons sur Kirov ils viennent autour de nous comme des loups. Kirov saute...

— Quatre poissons ? Je le crois aisément, dit Simms.

— Russes viennent sur nous avec croiseur, deux destroyers, poursuivit Johannsen maintenant complètement dégrisé. Nous, euh... éludons, allons profond, mais ils nous trouvent et tirent leurs roquettes RBU, beaucoup, beaucoup roquettes. La plupart loin, certaines près. Nous rechargeons et je tire sur croiseur.

— Vous l’avez touché ?

— Une fois. Blessé, mais coule pas. Cela dure, je ne sais pas, dix minutes, quinze. C’est moment très occupé, oui ?

— Pour moi aussi. Nous sommes arrivés en vitesse, nous avons actionné le radar. Il y avait trois bâtiments là où nous pensions que se trouvait le Kirov.

— Kirov était coulé... sauté ! Ce que vous voyez, c’est croiseur et deux destroyers. Et puis vous tirez missiles, oui ? demanda Johannsen, les yeux pétillants.

— Trois Harpoons. Un Hélix a vu le lancement et nous a poursuivis. Nous lui avons échappé, sans savoir si nos missiles avaient touché quelque chose.

— Touché ? Ha ! Laissez-moi vous raconter ! Nous morts, batterie à plat. Nous avons avaries, maintenant, pouvons pas fuir. Nous avons déjà éludé quatre torpilles, mais à présent ils nous ont. Sonar nous a. Destroyer nous tire RBU. Trois premiers, ratés, mais ils nous ont. Et alors... Boum ! Boum ! Peut-être plus. Destroyer explose. Autre touché, mais pas coulé, je crois. Nous nous échappons !

Johannsen serra de nouveau McCafferty dans ses bras et tous deux renversèrent leur bière sur le plancher. L’Américain n’avait jamais vu de Norvégien manifester une telle émotion, même autour de sa femme.

— Mon équipage vivant à cause de vous, Chicago ! Je vous paie un verre. Je paie tournée générale à tous vos hommes !

— Vous êtes sûr que nous avons tué ce tas de ferraille ?

— Vous pas tuer, mon bateau mort, mes hommes morts, je mort. Vous tuer.

Un destroyer coulé ne valait pas un croiseur nucléaire, se dit McCafferty, mais c’était rudement mieux que rien. Et des avaries à un autre, se rappela-t-il. Et qui sait ? L’autre était peut-être allé par le fond sur le chemin du retour.

— Pas trop minable, Dan, dit Simms.

— Il y a des gens, dit le commandant du HMS Oberon, qui ont toutes les veines.

USS PHARRIS

Il n’y avait que deux cadavres à immerger. Quatorze autres hommes étaient portés disparus et présumés morts, mais, malgré tout, Morris s’estimait heureux. Vingt matelots étaient plus ou moins blessés. L’avant-bras fracturé de Clarke, plusieurs chevilles cassées à la suite de l’impact de la torpille, une demi-douzaine de graves brûlures par la rupture des collecteurs de vapeur. Et il ne comptait pas les coupures par éclats de verre.

Morris lut la cérémonie dans le manuel, d’une voix sans émotion quand il prononça les phrases sur l’espoir que la mer rendra un jour ses morts... Au commandement, les matelots soulevèrent d’un côté les tables du poste. Les corps enveloppés dans des sacs en plastique et lestés de gueuses glissèrent de sous les pavillons et tombèrent tout droit dans l’eau. Le fonds était de trois mille mètres, un long dernier voyage pour son second et un canonnier de troisième-classe de Détroit. Le salut des armes suivit, mais il n’y eut pas de sonnerie « Aux morts ». Personne à bord ne jouait du clairon et le magnétophone était cassé. Morris referma le manuel.

— Repos... !

Les pavillons furent soigneusement pliés et emportés dans le caisson à voiles. Les tables du poste furent descendues. Les chandeliers furent remis en place. Et l’USS Pharris n’était toujours qu’une moitié de navire, bon pour la ferraille.

Le remorqueur Papago le tirait à reculons à tout juste un peu plus de quatre noeuds. Trois jours jusqu’à la terre. Ils avaient mis le cap sur Boston, le port le plus rapproché, plutôt que sur une base navale. La raison était assez évidente. Les réparations dureraient plus d’un an et la marine ne tenait pas à encombrer ses propres chantiers avec un travail aussi prolongé. Seuls les bâtiments pouvant être réparés pour un service de guerre utile le seraient rapidement.

Morris se disait que même son commandement du Pharris était une sinistre plaisanterie. Le remorqueur avait un équipage de réserve, dont plusieurs hommes étaient des experts du sauvetage en mer dans la vie civile. Trois d’entre eux étaient à son bord pour surveiller la remorque et « conseiller » Morris sur ce qu’il y avait à faire. Ces conseils étaient en réalité des ordres, mais polis.

Il y avait pas mal de travaux pour occuper son équipage. Les cloisons avant nécessitaient une surveillance constante. Des réparations étaient en cours dans les machines. Une seule chaudière fonctionnait et fournissait de la vapeur pour faire tourner les turboalternateurs et avoir de l’électricité. La seconde avait encore besoin d’une journée de travail, au moins. Le principal radar de recherche aérienne, lui affirmait-on, marcherait dans quatre heures. L’antenne du satellite avait repris sa place aussi. Quand ils arriveraient au port s’ils y arrivaient  – tout ce qui pouvait être réparé à bord par l’équipage le serait. Ça n’avait pas grande importance, mais un équipage au boulot, avait toujours dit la Navy, était un équipage heureux. Plus pratiquement, cela voulait dire que les hommes, contrairement à leurs chefs, n’avaient pas le temps de réfléchir sombrement aux erreurs commises, aux vies perdues à cause d’elles, à ceux qui les avaient commises.

Morris descendit au PC/OPS. Le personnel repassait la bande et les notes de la rencontre avec le Victor, en essayant de comprendre ce qui s’était passé.

— Je ne sais pas, dit l’opérateur sonar. Il y avait peut-être deux sous-marins, et non un seul. Parce que c’est bien là, n’est-ce pas ? Ce sillage brillant, là, et puis deux minutes plus tard, le sonar actif le capte là-bas !

— Un seul sous-marin, affirma Morris. Passant d’ici à là en quatre minutes, à vingt-cinq noeuds.

— Mais nous ne l’avons pas entendu, commandant, et il n’a pas été visible sur l’écran. Et d’abord, il se dirigeait de l’autre côté quand nous l’avons perdu.

L’homme du sonar ré-enroula la bande pour la repasser.

— Ouais...

Morris remonta sur la passerelle, en rejouant tout dans sa tête. Il connaissait toute la séquence par coeur, maintenant. Il sortit sur l’aileron. Les déflecteurs d’embruns restaient perforés et il y avait encore une trace de sang là où le second était mort. Quelqu’un repeindrait ça dans la journée. Le chef Clarke avait organisé toutes sortes d’équipes de travail.

Morris alluma une cigarette et contempla l’horizon.

REYDARVATH, ISLANDE

L’hélicoptère fut le dernier avertissement dont ils avaient besoin. Edwards et son groupe marchaient vers le nord-est. Ils passèrent par une région de nombreux petits lacs, traversèrent une route de gravillons et, après avoir attendu une heure pour se faire une idée de la circulation – nulle – ils repartirent à travers une suite de marécages. Edwards était maintenant complètement dérouté par le terrain. Ce mélange de roche nue, de pâturages, de champs de lave et maintenant de marais d’eau douce l’amenait à se demander si l’Islande n’était pas le coin où Dieu avait jeté tout ce qui restait après la création du monde. Il avait dû créer juste le nombre d’arbres qu’il fallait, apparemment, puisqu’il n’y en avait pas dans ce paysage où leur meilleure couverture était l’herbe haute et les roseaux croissant dans l’eau. Ce devait être une végétation résistante, pensait le lieutenant, puisque ce marécage était complètement gelé il n’y avait pas si longtemps. Il était encore glacial et quelques minutes à peine après y être entré, tout le monde avait des douleurs dans les jambes. Ils supportèrent la souffrance. Autrement, il leur faudrait voyager à découvert et par de légères hauteurs, ce qui n’était pas à envisager avec des hélicoptères qui patrouillaient.

Vigdis le surprenait par son endurance. Elle suivait l’allure des marines sans se plaindre et sans être à la traîne. Une véritable fille de la campagne, pensait Edwards, elle bénéficiait encore d’une enfance passée à courir après des moutons – ou quoi qu’on puisse faire avec des moutons – et à escalader ces collines désolées.

— Repos, cria-t-il. Dix minutes.

Tout le monde chercha un coin relativement sec où s’écrouler. Garcia monta la garde avec les jumelles prises aux Russes. Smith alluma une cigarette. Vigdis s’assit sur une pierre à côté d’Edwards.

— Ça va ?

— Je suis fatiguée, avoua-t-elle avec un petit sourire. Mais pas autant que vous.

— Vraiment ? dit-il en riant. Nous devrions peut-être forcer l’allure.

— Où nous allons ?

— A Hvammsfjördur. On ne m’a pas dit pourquoi. Encore quatre ou cinq jours, je pense. Nous voulons rester autant que possible à l’écart des routes.

— Pour me protéger, oui ?

— Pour nous protéger tous. Nous ne voulons nous battre contre personne. Il y a trop de Russes par ici pour jouer au petit soldat.

— Alors, je ne... je ne vous empêche pas de faire des choses importantes ?

— Pas du tout. Nous sommes tous heureux de vous avoir avec nous. Qui ne serait pas ravi de se promener dans la campagne avec une belle fille ? demanda galamment Edwards en se demandant si c’était une chose à dire.

Elle le considéra d’un air bizarre.

— Vous pensez je suis jolie, après... après...

— Vigdis, si vous aviez été renversée par un camion... Oui, vous êtes très belle. Aucun homme ne peut changer cela. Ce qui vous est arrivé n’était pas votre faute. Si cela a produit des changements, ils sont à l’intérieur, pas à l’extérieur. Et je sais que quelqu’un doit vous aimer.

— Mon bébé, vous voulez dire ? Erreur. Il a une autre fille. Ce n’est pas important. Toutes mes amies ont des bébés.

Elle haussa les épaules avec indifférence.

Edwards se souvint que la bâtardise ne subissait aucun ostracisme en Islande. Puisque personne n’avait de nom de famille – la plupart des Islandais avaient un prénom suivi d’un patronyme – on ne pouvait même pas distinguer les enfants naturels des légitimes. Et d’ailleurs, les Islandais n’y faisaient pas attention du tout. Des jeunes filles célibataires avaient des enfants, elles en prenaient bien soin et voilà tout. Mais qui avait pu abandonner une aussi belle fille ?

— Eh bien, Vigdis, personnellement, je n’ai jamais rencontré de fille plus jolie que vous.

— C’est vrai ?

Elle avait les cheveux dans un état épouvantable, sales, en désordre, reconnut le lieutenant. Sa figure était couverte de poussière et de boue. Une douche chaude changerait cela en quelques minutes, révélant la ravissante créature qu’elle était. Mais la beauté vient de l’intérieur et il commençait à peine à connaître Vigdis.

— Tout homme qui dit le contraire est un imbécile !

Il se retourna et vit arriver le sergent Smith.

— Temps de se remuer, si vous ne voulez pas que nos jambes s’ankylosent, mon lieutenant.

— D’accord. Je veux faire encore douze à quinze kilomètres. Il y a des fermes et des routes de l’autre côté de cette montagne que nous contournons. Il nous faudra bien examiner cette région-là, avant d’essayer de la traverser. J’appellerai aussi par radio, de là-bas.

— Allons-y, chef. Rodgers ! Prends la tête et penche un peu vers l’ouest.

BODENBOURG, RFA

Le trajet vers le front n’était pas facile. La VIIIe Armée de gardes porta son PC avancé aussi près que possible derrière les troupes de tête. Son commandant, comme Alexeyev, aimait avoir les yeux et les oreilles aussi rapprochées du front qu’il le pouvait. Le voyage dura quarante minutes, dans des transports de troupes blindés – c’était beaucoup trop dangereux d’utiliser l’hélicoptère – pendant lesquelles Alexeyev assista à deux attaques aériennes sauvages contre les colonnes russes.

Des renforts allemands et belges étaient arrivés et des interceptions de messages radio indiquaient que des unités américaines et britanniques étaient également en route. Alexeyev avait fait venir aussi des unités russes supplémentaires. Ce qui avait débuté comme une poussée relativement simple par une armée motorisée devenait un engagement majeur. Il jugea que c’était un bon signe. L’OTAN ne se renforcerait pas si elle ne considérait pas que la situation était dangereuse. La tâche des Soviétiques était d’arriver au résultat désiré avant que les renforts entrent en jeu.

Le général commandant la 20e division de chars des gardes était au PC. Ils l’avaient installé dans une école secondaire, un bâtiment neuf, spacieux. En attendant qu’un bunker souterrain soit préparé, cela devrait faire l’affaire. L’allure de l’avance se ralentit, autant à cause des difficultés du contrôle de la circulation que des Allemands.

— Tout droit par cette route vers Sack, ordonna le chef de la VIIIe Armée au commandant de chars. Mes fusiliers motorisés devront l’avoir dégagée, avant que vous arriviez.

— Encore quatre kilomètres jusqu’à Alfeld. Oui, faites bien en sorte de pouvoir nous soutenir quand nous sauterons la rivière.

Le général coiffa son casque et mit pied à terre. Ça marcherait, pensait Alexeyev. Ce général avait effectué un travail magnifique, en amenant son unité au front presque en ordre parfait.

Sur ce, il entendit une explosion. Des vitres volèrent en éclats, des bouts de plafond tombèrent tout autour de lui. La Croix du Diable était revenue.

Alexeyev courut dehors et vit une douzaine de blindés en feu. Un équipage sautait en catastrophe d’un char T-80 tout neuf. Un instant après, le véhicule explosa ; le feu gagna les râteliers de munitions et une colonne de flammes jaillit vers le ciel comme d’un petit volcan.

— Le général est mort ! Le général est mort ! hurla un sergent.

Il montrait un transport d’infanterie BMD dont personne n’était sorti vivant.

Alexeyev trouva le chef de la VIIIe Armée de gardes à côté de lui, qui jurait copieusement.

— Le commandant en second de cette division de chars est un colonel nouvellement promu.

Pavel Leonidovitch prit une décision rapide et pratique.

— Non, camarade général. Et moi ?

Surpris, le général le regarda, puis il se rappela la réputation d’Alexeyev comme commandant de char, et celle de son père. Il prit à son tour une décision rapide.

— La 20e chars est à vous. Vous connaissez la mission.

Un autre transport d’infanterie arriva. Alexeyev et Sergetov y montèrent et le conducteur accéléra vers le PC de la division. Il s’arrêta au bout d’une demi-heure. Alexeyev vit des rangées de chars en stationnement sous les arbres. De l’artillerie alliée tombait, mais il n’y prit pas garde. Ses commandants de régiment étaient réunis. Le général leur donna promptement des ordres quant à l’objectif et au minutage. Tout le monde connaissait sa mission, ce qui était tout à l’honneur du général qui venait de mourir. La division était parfaitement organisée, chaque partie du plan d’attaque était déjà tracée. Alexeyev vit tout de suite qu’il avait un bon état-major de combat. Il le mit au travail, tandis que ses commandants d’unités rejoignaient leurs régiments.

Son premier QG de bataille était à l’ombre d’un grand arbre. Son père n’aurait pu souhaiter mieux. Alexeyev sourit. Il alla interroger son officier divisionnaire de renseignements.

— Quelle est la situation ?

— Un bataillon de chars allemands contre-attaque sur cette route qui mène à l’est de Sack. Ils devraient être contenus et, d’ailleurs, nos véhicules avancent au sud-ouest derrière eux. Les fusiliers motorisés d’avant-garde sont juste à l’intérieur de la ville et ne rapportent qu’une résistance mineure. Nos premiers éléments sont en mouvement et devraient être là-bas dans l’heure.

— Officier de la défense aérienne ?

— Il y a des SAM et des canons antiaériens mobiles juste derrière les échelons de tête. Nous avons aussi une couverture aérienne amie. Deux régiments de MIG-21 sont à notre disposition pour la défense aérienne, mais on ne nous a pas encore affecté de chasseurs d’attaque au sol. Ils ont pris une pile ce matin, mais l’autre camp aussi. Nous avons abattu douze appareils de l’OTAN avant midi.

Alexeyev opina, en divisant le nombre par trois comme il avait appris à le faire.

— Excusez-moi, camarade général. Je suis le colonel Popov, votre officier politique divisionnaire.

— Parfait, camarade colonel. Ma cotisation au Parti est payée jusqu’à la fin de l’année et avec un peu de chance je vivrai pour la payer l’année prochaine. Si vous avez quelque chose d’important à me dire, soyez bref.

S’il y avait une chose au monde dont Alexeyev n’avait pas besoin, c’était un zampolit !

— Quand nous aurons pris Alfeld...

— Si nous prenons Alfeld, je vous remettrai les clefs de la ville. Pour le moment, laissez-moi faire mon boulot. Vous pouvez disposer !

Il voulait probablement l’autorisation de fusiller les personnes suspectes de fascisme, pensa-t-il. Général quatre étoiles, Alexeyev ne pouvait se permettre de négliger les officiers politiques, mais il pouvait au moins négliger ceux qui étaient au-dessous du grade de général. Il alla examiner les cartes tactiques. D’un côté de la table des lieutenants indiquaient l’avance de ses ses ! — unités. De l’autre, des officiers des renseignements réunissaient l’information qu’ils avaient sur l’ennemi. Il saisit son officier des opérations par l’épaule.

— Je veux ce régiment de tête juste derrière les fusiliers motorisés. S’ils ont besoin d’aide, donnez-la. Je veux cette percée et je la veux aujourd’hui. Quelle artillerie avons-nous ?

— Deux bataillons de canons lourds sont prêts.

— Parfait. Si l’infanterie a des objectifs pour eux, trouvez-les et commençons à leur taper dedans tout de suite. Ce n’est pas le moment de finasser. L’OTAN sait que nous sommes ici et notre pire ennemi c’est la montre. Le temps travaille pour eux, pas pour nous.

L’officier des opérations et le commandant de l’artillerie se réunirent et deux minutes plus tard les canons de 152 mm arrosaient le front. Alexeyev se promit de faire conférer une décoration posthume au général de la 20e chars. Cet homme méritait un hommage, pour le parfait entraînement de son état-major.

— Raid aérien ennemi en cours, annonça un des lieutenants.

— Des chars ennemis surgissaient de la forêt à l’est de Sack, force estimée un bataillon. Un tir d’artillerie lourde soutient les Allemands.

Alexeyev savait qu’il devait maintenant se fier à ses colonels. Les temps étaient bien révolus où un général pouvait observer et diriger toute une bataille. Ses officiers firent de petites marques sur la carte, les Allemands auraient dû attendre, pensait-il ; ils auraient dû laisser passer le fer de lance de la division et ensuite attaquer la colonne de ravitaillement. C’était stupide, la première erreur tactique qu’il voyait commettre à un commandant allemand. Probablement un jeune officier, un bleu qui prenait la relève d’un supérieur mort ou blessé, ou peut-être un homme dont la maison était dans les parages. Quelle que fût la raison, c’était une faute et Alexeyev en profitait. Ses deux régiments blindés de tête subirent des pertes, mais ils écrasèrent la contre-attaque allemande en dix minutes de fureur.

— Deux kilomètres, des éléments de tête maintenant à deux kilomètres de Sack. Opposition de l’artillerie seulement. Des unités amies sont en vues. Les fantassins arrivés à Sack rapportent une résistance mineure. La ville est presque dégagée. Des éclairs signalent que la route d’Alfeld est ouverte.

— Laissez Sack ! ordonna Alexeyev. L’objectif est Alfeld, sur la Leine.

ALFELD, RFA

C’était une troupe improvisée. Des fantassins américains motorisés et l’escadron de chars représentant l’avant-garde d’une brigade britannique renforçaient les restes des Allemands et des Belges qui avaient été écrasés dans la journée par cinq divisions soviétiques. Le temps pressait. Le génie travaillait fébrilement avec ses bulldozers blindés pour creuser des abris aux chars pendant que les fantassins faisaient des trous pour leurs armes antichars. Un nuage de poussière à l’horizon, c’était tout l’avertissement nécessaire. Une division de chars était signalée et les civils n’avaient pas entièrement évacué la ville, derrière eux. À trente kilomètres sur l’arrière, une escadrille d’avions d’attaque au sol tournait en rond, attendant d’être appelée.

— Ennemi en vue ! annonça par radio un guetteur en haut d’un clocher.

En quelques secondes, le feu de l’artillerie se déversa sur les colonnes soviétiques. Les servants des missiles antichars firent sauter les capuchons de leurs lunettes de visée et chargèrent les premières munitions de ce qui promettait d’être un long après-midi. Les chars Challenger du 3e régiment royal de chars s’installèrent dans leurs trous, les panneaux hermétiquement fermés, et les canonniers braquèrent leurs canons sur de lointaines cibles. Tout était trop confus et il n’y avait pas eu assez de temps pour établir une solide chaîne de commandement. Un Américain fut le premier à tirer. Le missile TOW-2 fonça en traînant ses fils de contrôle comme une toile d’araignée, pour chercher à quatre kilomètres un char T-80...

— Les éléments avancés sont maintenant sous le feu d’équipes de missiles ennemies, annonça un des lieutenants de situation.

— Aplatissez-les ! ordonna Alexeyev à son commandant de l’artillerie.

En une minute, les lance-roquettes-multiples remplirent le ciel de traînées de feu. Le tir d’artillerie des canons s’ajouta au carnage sur la ligne de front. Et puis l’artillerie de l’OTAN se jeta corps et âme dans la mêlée.

— Le régiment de tête subit des pertes.

Alexeyev considéra la carte en silence. Il n’y avait pas de place pour une manoeuvre de diversion, il n’y avait pas le temps. Ses hommes devaient courir à travers les lignes ennemies aussi vite que possible pour s’emparer des ponts sur la Leine. Pour cela, ses équipages de chars auraient à souffrir cruellement. La percée coûterait très cher.

Douze chasseurs F-16 belges survolèrent le front à basse altitude, à neuf cents kilomètres-heure, en lâchant des grappes de bombes sur le régiment soviétique de tête, anéantissant près de trente chars et une vingtaine de transports d’infanterie à moins d’un kilomètre des lignes alliées. Un essaim de missiles s’éleva dans le ciel pour les poursuivre, et les chasseurs monomoteurs virèrent à l’ouest en rasant le sol dans leur fuite. Trois furent abattus et tombèrent parmi les troupes de l’OTAN, aggravant le massacre causé par le tir soviétique. Le commandant des chars britanniques comprit qu’il n’avait pas la puissance de feu nécessaire pour arrêter l’offensive russe. Il était temps de partir, alors que son bataillon était encore en état de se battre... Il alerta ses compagnies et leur donna l’ordre de se tenir prêtes à se replier et d’essayer de passer la consigne aux unités voisines. Mais les soldats autour d’Alfeld venaient de quatre armées différentes, ils ne parlaient pas la même langue, ils n’avaient pas les mêmes réglages radio. On n’avait pas eu le temps d’établir un commandement. Les Allemands ne voulaient pas partir. La ville n’était pas encore totalement évacuée et les soldats allemands ne quitteraient pas leurs positions avant que leurs compatriotes soient en sécurité sur l’autre rive. Les Américains et les Belges commencèrent à se replier quand le colonel britannique le leur dit, mais pas les Allemands et le résultat fut le chaos dans les lignes de l’OTAN.

— Des observateurs avancés signalent le départ d’unités ennemies sur la droite, je répète, des unités ennemies ont l’air de se dégager, au nord de la ville.

— Faites avancer le second régiment vers le nord, qu’il contourne la ville et se dirige vers les ponts, le plus vite possible. Ne faites pas attention aux pertes et chargez sur ces foutus ponts. Officiers des opérations, continuez de faire pression sur toutes les unités ennemies. Nous voulons les prendre au piège de ce côté et les achever si nous le pouvons, ordonna Alexeyev. Sergetov, venez avec moi. Il faut que j’aille à l’avant.

L’attaque avait arraché le coeur de son régiment de tête, mais cela en valait la peine. Les forces de l’OTAN auraient à faire passer leurs unités par une ville en ruine pour atteindre les ponts. Maintenant, avec un régiment frais, Alexeyev était sûr de déborder l’ennemi et, avec beaucoup de chance, de prendre les ponts intacts. Ce mouvement, il devait le commander lui-même. Alexeyev et Sergetov montèrent à bord d’un blindé à chenilles et roulèrent vers le sud-est pour rattraper le régiment en manoeuvre. Derrière eux, l’officier des opérations commença à donner de nouveaux ordres sur le réseau radio divisionnaire.

À cinq kilomètres de l’autre côté de la rivière, une batterie allemande de canons de 155 guettait cette occasion. Ils étaient restés silencieux, attendant que les intercepteurs radio trouvent la fréquence du QG divisionnaire. Rapidement, les canonniers programmèrent les données des objectifs dans leurs ordinateurs de contrôle de tir alors que des servants chargeaient les obus. Tous les canons de la batterie se braquèrent sur un azimut identique. La terre trembla quand le tir rapide commença.

Cent obus tombèrent sur le quartier général de la division soviétique et alentour, en moins de deux minutes. La moitié de l’état-major fut tuée sur le coup, l’autre moitié fut blessée.

Alexeyev regarda son casque à écouteurs. Son troisième passage à un cheveu de la mort. C’est ma faute. J’aurais dû vérifier l’emplacement des émetteurs radio. Je ne dois pas commettre encore une fois cette erreur. Merde ! Merde !

Les rues d’Alfeld étaient encombrées de véhicules civils. Les Américains, dans leurs camions à chenille Bradley, évitèrent entièrement la ville et se hâtèrent sur la rive droite de la Leine, qu’ils traversèrent en bon ordre. Ils prirent position sur les hauteurs dominant la rivière pour couvrir la traversée des autres troupes alliées. Les Belges les suivirent. Un tiers seulement de leurs chars avait survécu et ils couvraient le flanc sud sur l’autre berge dans l’espoir d’arrêter les Russes avant qu’ils puissent traverser. Des Staatspolizei allemands arrêtaient la circulation civile pour faire passer les unités blindées, mais cela changea quand l’artillerie soviétique se mit à tonner près de la rivière. Les Russes espéraient que cela gênerait la circulation et ce fut exactement le cas. Les civils qui avaient tardé à obéir à l’ordre d’évacuation payaient cher leur erreur. L’artillerie causa peu de dégâts aux véhicules de combat, mais détruisit consciencieusement les voitures et les camions des particuliers. En quelques minutes, les rues d’Alfeld furent embouteillées par des épaves hors d’usage ou en flammes. Leurs occupants les abandonnaient et bravaient le feu pour courir vers les ponts... et les chars qui tentaient de descendre vers la rivière trouvèrent leurs routes bloquées. Leur seul recours était de passer sur les corps de civils innocents et, même quand ils recevaient l’ordre d’avancer, les conducteurs s’y refusaient. Des canonniers firent pivoter leurs tourelles vers l’arrière, pour attaquer les chars russes qui entraient maintenant en ville. La fumée montant d’immeubles incendiés brouillait la vue de tout le monde. Les canons tiraient sur des objectifs entrevus un instant seulement, des obus tombaient au hasard et bientôt les rues d’Alfeld se transformèrent en un abattoir de soldats et de non-combattants.

— Les voilà ! s’écria Sergetov en tendant le bras.

Trois viaducs routiers enjambaient la Leine. Alexeyev s’apprêta à donner des ordres, mais c’était inutile. Le colonel commandant le régiment avait déjà son micro à la bouche et ordonnait à un bataillon de chars avec soutien d’infanterie de remonter par la rive gauche, en suivant la route encore relativement ouverte prise par les Américains.

Les blindés américains sur l’autre rive ouvrirent le feu avec des missiles et des canons légers, détruisant six chars ; le reste du régiment riposta et Alexeyev lui-même fit venir de l’artillerie sur les hauteurs.

À Alfeld, la bataille s’était immobilisée dans le sang. Les chars allemands et britanniques prirent position aux croisements, bien cachés à la vue par les épaves des voitures et des camions, et reculèrent lentement vers la rivière en se battant pour accorder du temps aux civils. L’infanterie russe tenta de les attaquer aux missiles, mais trop souvent les fils de contrôle de vol étaient arrachés dans les rues par des débris et les missiles tombaient en explosant sans faire de mal. Le tir d’artillerie russe et allié transforma la ville en un amas de décombres.

Alexeyev regarda ses troupes avancer vers le premier pont.

Plus au sud, le commandant du régiment de tête jurait en déplorant ses pertes. Plus de la moitié de ses chars et de ses véhicules d’assaut avaient été détruits. La victoire était à portée de sa main et maintenant ses hommes étaient de nouveau arrêtés par des rues infranchissables et un tir meurtrier. Il vit les chars de l’OTAN se replier lentement, et rageant de les voir fuir, réclama de l’artillerie.

Alexeyev fut étonné quand le tir d’artillerie passa du centre de la ville aux quais. Il fut choqué lorsqu’il s’aperçut que ce n’était pas des obus d’artillerie, mais des roquettes. Des explosions apparurent, au hasard le long de la rivière. Et puis des projectiles explosèrent en rapide succession dans la rivière même. La cadence du tir augmenta ; de plus en plus de lance-roquettes se braquaient sur l’objectif et il était déjà trop tard pour qu’il les arrête. Le pont le plus éloigné s’écroula le premier. Trois roquettes y tombèrent en même temps et il se désintégra. Horrifié, Alexeyev vit une centaine de civils tomber dans les eaux bouillonnantes. Ce n’était pas les morts qui lui faisaient horreur, mais la perte du pont. Il en avait besoin ! Deux autres roquettes atteignirent le pont central. Il ne s’effondra pas, mais les dégâts furent assez graves pour empêcher les chars d’y passer. Les imbéciles ! Qui était responsable ? Il se tourna vers Sergetov.

— Appelez le génie ! Faites venir des unités pontonnières et des embarcations d’assaut. Elles ont la priorité absolue ! Ensuite, je veux tous les missiles sol-air et toutes les batteries antichars que vous trouverez. Le premier qui gêne leur arrivée sera fusillé. Assurez-vous que les officiers du contrôle de la circulation le sachent bien. Allez !

Les blindés et l’infanterie soviétiques étaient arrivés au seul pont intact. Trois véhicules d’infanterie le franchirent à vive allure et furent pris sous le feu des Belges et des Américains alors qu’ils se précipitaient pour se mettre à couvert. Un char suivit. Le T-80 passa lourdement, arriva sur l’autre rive et explosa, touché par un missile.

Un autre s’engagea sur le pont, puis un troisième. Tous deux atteignirent la rive ouest. Sur ce, un Chieftain britannique émergea de derrière un immeuble et traversa à la suite des chars soviétiques. Avec stupeur, Alexeyev le regarda passer carrément entre les Russes, dont aucun ne le vit. Un missile américain arriva juste derrière lui et se planta dans le sol en soulevant un nuage de terre et de poussière. Deux nouveaux Chieftains apparurent à la tête de pont. Le premier explosa sous le tir à bout portant d’un T-80, l’autre riposta et détruisit le char russe une seconde plus tard. Alexeyev se rappela une histoire de son enfance, celle d’un courageux paysan sur un pont, en regardant le char britannique engager et détruire deux autres chars soviétiques avant de succomber à un tir de barrage direct. Cinq autres véhicules soviétiques foncèrent sur le pont.

Le général prit son casque à écouteurs et appela le QG de la VIIIe Armée de gardes.

— Alexeyev. J’ai une compagnie de l’autre côté de la Leine. J’ai besoin de soutien. Nous avons percé. Je répète, nous avons percé les lignes allemandes. Je veux un soutien aérien et des hélicoptères pour attaquer les unités de l’OTAN au nord et au sud du pont 439. Il me faut deux régiments d’infanterie pour aider à la traversée de la rivière. Obtenez-moi le soutien et je pourrais avoir ma division sur l’autre rive avant minuit.

— Vous aurez tout ce que j’ai. Mes unités pontonnières sont en route.

Alexeyev s’appuya contre son BMP. Il décrocha son bidon et but longuement en regardant son infanterie escalader les hauteurs, sous le feu. Deux compagnies entières avaient déjà traversé. Le tir allié tentait maintenant de détruire le dernier pont. Il devait faire passer au moins un bataillon entier s’il voulait tenir cette tête de pont plus de quelques heures. « J’aurai la peau de ce salaud qui a tiré sur mes ponts », se promit-il.

— Les embarcations et les pontonniers sont en route, camarade général, vint rapporter Sergetov. Ils ont la haute priorité et les officiers de contrôle de la circulation ont été informés. Deux batteries SAM viennent de partir et j’ai trouvé trois canons mobiles AA à trois kilomètres. Ils disent qu’ils peuvent être ici dans un quart d’heure.

— Bien.

Alexeyev braqua ses jumelles sur la rive opposée.

— Camarade général, nos transports d’infanterie sont amphibies. Pourquoi est-ce que nous ne les faisons pas passer à la nage ?

— Regardez la berge, Vanya.

Il tendit ses jumelles. À perte de vue, la berge opposée était remblayée par de la pierre et du béton pour empêcher l’érosion. Ce serait difficile sinon impossible à un véhicule à chenilles de l’escalader. Il maudit les Allemands.

— D’ailleurs, je ne voudrais pas tenter cette traversée avec moins que la force d’un régiment. Ce pont est tout ce que nous avons et il ne va pas durer longtemps. Avec la meilleure des chances, nous n’aurons pas de pont de bateaux avant plusieurs heures. Pendant ce temps-là, les soldats qui ont passé sont livrés à eux-mêmes. Nous enverrons par le pont le plus d’hommes et de véhicules que nous pourrons et puis nous les renforcerons avec les embarcations d’assaut de l’infanterie dès qu’elles arriveront. Le manuel exige que ce genre de traversée soit fait avec des embarcations d’assaut sous un écran de fumée, ou de nuit. Je ne veux pas attendre la nuit. Et j’ai besoin des canons pour tirer des obus, pas de la fumée. Nous devons contrevenir au règlement, Vanya. Heureusement, le manuel le permet aussi. Vous avez été très bien, Ivan Mikhailovitch. Vous êtes maintenant commandant. Ne me remerciez pas, c’est mérité.

STORNOWAY, ÉCOSSE

— Nous ne les avons pas ratés de beaucoup. Si nous les avions aperçus cinq minutes plus tôt, nous aurions pu en éliminer quelques-uns. Mais là...

Le pilote du Tomcat haussa une épaule. Toland hocha la tête. Les chasseurs avaient l’ordre de rester en dehors de la couverture radar soviétique.

— Vous savez, c’est marrant. Il y en avait trois qui volaient en formation serrée. Je les avais sur mon système télé à quatre-vingts kilomètres de distance. Absolument pas moyen qu’ils sachent que nous étions là. Si nous avions eu une meilleure autonomie, nous aurions pu les suivre jusque chez eux. Comme ce tour que les Allemands nous ont joué une fois, dans le temps... envoyer un oiseau juste derrière un retour de raid et lâcher quelques bombes juste après l’atterrissage des autres.

— Jamais nous ne passerions par leur IFF, répliqua Toland.

— Oui, mais nous saurions l’heure d’arrivée à leurs bases à... oh, disons, à dix minutes près. Ça devrait être utile à quelqu’un.

Le capitaine Toland posa sa tasse.

— Ouais, vous avez raison.

Il décida de faire passer cette idée par télex au commandant en chef Atlantique oriental.

LAMMERSDORF, RFA

Cela ne faisait aucun doute. Les lignes de l’OTAN avaient été nettement percées au sud de Hanovre. Deux brigades furent prélevées dans les réserves dangereusement clairsemées de l’OTAN et envoyées à Alfeld. Si on ne colmatait pas cette brèche, Hanovre serait perdu et, avec cette ville, toute l’Allemagne à l’ouest de la Weser.