CHAPITRE III

Non loin de là, parmi les collines, le voyageur se retourna dans son sommeil agité. Une force l’exhortait à retourner dans le monde réel. Une autre l’enlaçait dans les ténèbres du non-être.

Il luttait. Il luttait contre cette léthargie où foisonnaient les cauchemars de son passé. Cette image de lui qui flottait dans les limbes n’était plus la sienne, il la rejetait de tout son corps, de toute l’âme qui lui était refusée. Il ne voulait plus de cette prison de brumes sanglantes. Sa volonté farouche tordit les fers qui l’encerclaient.

Il ouvrit les yeux, enfin.

Le feu n’était plus que cendres froides. L’entrée du galgal ruisselait de pluie, la roche poreuse résonnait du gargouillis d’innombrables gouttières. Il n’aurait su dire combien de jours s’étaient écoulés depuis qu’il avait fui la ville. Des lambeaux de rêve étaient encore accrochés dans des recoins de son esprit, toiles d’araignées poisseuses qu’il chassa d’une imprécation. Il était sorti vainqueur du combat, une fois de plus.

Il se dressa sur un coude. Malgré son long jeûne, il n’éprouvait ni faim, ni soif. Considérant avec dégoût la bouteille de gin vide plantée dans le sable culot en l’air, il éprouva d’une main lasse sa mauvaise barbe. Le silence du tumulus lui sembla soudain odieux. Il fut sur pied d’un bond. Ses sens aiguisés par la solitude perçurent un bruit insolite par-delà le fracas de la tempête. Sans aucun doute, il s’agissait d’un moteur. Un véhicule bravait la nuit en furie. Il s’approcha de l’ouverture. Il resta aux aguets une longue minute, semblant voir et entendre au loin dans le noir.

Il savait que son réveil n’était pas une coïncidence. L’heure était venue. Le destin l’emmenait à nouveau affronter l’enfer. Il redescendit au fond du puits, s’arc-bouta sur la dalle d’un de ces tombeaux antiques dont l’alignement semblait se perdre jusqu’au cœur de la terre. Il devait posséder une force hors du commun car la pierre s’effaça sans opposer de résistance. Après avoir plongé un bras dans le trou noir, dérangeant le maigre festin des araignées circulant parmi les ossements blêmes de rois oubliés, il en retira un paquet oblong soigneusement ficelé qu’il défit avec un luxe de précaution. Alors, il considéra son contenu avec un sourire. Le sang afflua de nouveau dans ses veines ; le goût du combat fit battre ses tempes.

Un instant plus tard, il sortait dans l’ouragan, et la clarté livide des éclairs découpa sa haute silhouette sur la lande, en une ombre fantomatique.