Ce que raconte « Les Murailles de terre »

À la fin du XVIIIe siècle, le royaume bambara de Ségou dans l’actuel Mali est à l’apogée de sa puissance. Il tire sa richesse de la guerre, par conséquent du commerce des captifs qu’il réduit en esclavage, et des impôts qu’il perçoit sur les peuples qu’il tient en vassalité, en particulier les Peuls, peuple d’éleveurs, nomades ou semi-nomades. Il pratique la religion animiste et est fermement attaché à ses croyances. Dousika Traoré est un noble, chef d’une puissante famille proche du pouvoir royal du Mansa. Or, son arrogance et sa vanité lui aliènent ses pairs qui parviennent à susciter la colère des dieux. Il est destitué de ses fonctions de conseiller à la cour. En outre, quatre de ses fils sont condamnés à être les instruments de la vengeance du destin. Naba qui périra en esclavage au Brésil, Malobali qui trouvera la mort dans une geôle du royaume d’Abomey dans l’actuel Dahomey, Siga dont la vie ne sera que déceptions et surtout Tiékoro, le fils favori dont la destinée sera spectaculaire.

D’une certaine manière, le destin de Tiékoro est symbolique de celui de Ségou tout entier. Tout seul, il découvre l’islam, religion d’abord pratiquée par des groupes spécifiques, les Peuls, les Somonos. Il part étudier la théologie à l’université de Tombouctou avant de revenir dans son pays natal pour y faire connaître le monothéisme. Il n’y parviendra pas et périra sous le sabre du bourreau. Pourtant, rien ne peut arrêter les progrès de l’islam. Galvanisés par leur foi, les Peuls fondent l’État théocratique du Macina. Un équilibre instable s’établit alors entre Bambaras farouchement animistes et Peuls musulmans. Il sera rompu par l’arrivée d’un marabout toucouleur El-Hadj Omar, plus intransigeant encore que les Peuls et résolu à éliminer les Infidèles de la surface de la terre. Avec lui, le jihad, guerre sainte, est déclenché. Ségou qui se croyait invincible est menacée et pour sauver ce qui peut l’être, doit composer avec ceux qu’elle hait. De royaume souverain, elle devient vassale des Peuls afin, unissant leurs forces, de s’opposer à l’avancée victorieuse d’El-Hadj Omar.

Outre ces destins d’hommes, les visages de femmes abondent. Nya, la mère, première épouse de Dousika, pivot de la vie de la concession. Sira, la Peule qui n’accepte pas la captivité, et les esclaves Nadié, Yassa qui, chacune à leur manière, refusent le sort qui leur est fait.

Au sein de la famille Traoré, l’esprit de résistance à l’islam est incarné par Tiéfolo qui devient le chef de famille à la mort de Siga. Il devra lui aussi s’incliner devant l’esprit des nouvelles générations élevées dans l’islam : Mohammed, fils aîné de Tiékoro, et Olubunmi, fils de Malobali qui ne rêve que de revivre les exploits de son père.

Quant à la descendance de Naba, elle suit un cheminement différent. Ce n’est pas à l’islam qu’elle est confrontée, mais au catholicisme apporté par les missionnaires. C’est un autre aspect du combat dont l’enjeu est l’âme même de l’Afrique.