6

Bari Tyéro examina d’un air soupçonneux le visage sombre et tragique où les yeux semblaient deux lacs tourmentés et l’interrogea :

— Pourquoi as-tu changé d’avis ? Cet après-midi, tu raillais nos projets. Ce soir, tu veux les réaliser.

— Ne me pose pas de questions. Es-tu toujours décidé à envoyer une délégation jusqu’à Saint-Louis ? Ou n’es-tu qu’une poule mouillée qui caquette pour cacher sa peur ?

Bari Tyéro ignora la brutalité de la remarque et répondit :

— Je ne suis pas une poule mouillée.

— Alors, économise les hommes et la peine. Je serai cette délégation à moi tout seul…

Bari Tyéro s’enflamma :

— Es-tu fou ? Ou recherches-tu la mort ? Tout seul ! Olubunmi ne le laissa pas achever :

— Oui, tout seul ! Car, ainsi, je passerai inaperçu. Dans moins de deux semaines, je serai de retour avec des armes, voire une armée…

Tout cela ne tenait pas debout. Bari Tyéro s’exclama :

— Prenons conseil des autres !

Olubunmi se mit debout :

— Non, si tu veux que ce plan réussisse, il faut le secret !

Avant que l’autre ait pu intervenir, il avait disparu dans la nuit. Un nuage épais s’était enroulé autour de la lune. Brusquement, elle réapparut, et sa lumière inonda les toits en terrasse de Ségou, les rôniers, les fromagers, tout ce qu’Olubunmi quittait sans espoir de retour.

La mort. Bari Tyéro ne savait pas si bien dire. Il recherchait la mort, et c’est elle qui était au bout de ce prétendu voyage. Ah ! pourquoi les dieux ne permettent-ils pas à l’homme de se donner carrément la mort, de se porter le coup qu’il mérite ?

Aux portes de Ségou, les sentinelles croisèrent leurs lances devant ce voyageur suspect. Olubunmi rabattit son burnous sur ses yeux :

— Laissez-moi passer. Je vais à Sansanding prendre livraison d’un troupeau de bœufs pour le palais.

Suite à la guerre, il y avait grande pénurie de viande à Ségou et les hommes abaissèrent leurs lances.

Olubunmi marcha jusqu’au fleuve et détacha une barque. Puis il entra dans l’eau, poussant l’embarcation devant lui. Ses pieds s’enfonçaient dans la glaise et des poissons peureux passaient entre ses cuisses. Brusquement, l’embarcation se mit à tournoyer et il eut toutes les peines du monde à s’y hisser. Il se demanda s’il devait se servir des pagaies, puis décida du contraire. Il ne fallait rien faire. Laisser la volonté des dieux s’accomplir sans entraves. Peut-être choisiraient-ils de briser l’embarcation sur les rapides ? Peut-être ordonneraient-ils à quelque animal marin de la pulvériser d’un coup de sa croupe ? Peut-être encore, plus sadiques, le traîneraient-ils jusqu’à l’endroit où le Joliba rencontre le Bafoulabé, et le feraient-ils mourir à petit feu de faim et de soif ? Sa fin était certainement écrite. Il n’y avait qu’à l’attendre. Yeux grands ouverts dans l’ombre, il voyait défiler les berges plates, plus sombres que le ciel, parsemées de feux de brousse qui éclairaient fugitivement des villages endormis. Le malheur, c’est qu’il était né trop tard. À un moment où les Bambaras n’étaient plus les Bambaras, où Ségou n’était plus Ségou.

La barque se ficha dans la boue d’une île, située au milieu du fleuve, entre d’épaisses touffes de roseau. Olubunmi le savait, ce lieu était aimé des féticheurs, car les esprits s’y retrouvaient dès la fin du jour. Il lui sembla entendre leurs voix un peu nasillardes :

— Est-ce que ce n’est pas le fils de Malobali Traoré ?

— Le petit-fils de Dousika Traoré ?

— Mais oui, c’est ce maudit.

— Il marche vers son destin.

Il entra dans l’eau pour écarter les roseaux et remettre la barque à flot. Au-dessus de sa tête, la lune réapparut, et son regard lui rappela toute l’horreur de son crime. Awa. Il l’avait toujours su qu’elle lui était interdite, car les sentiments qu’elle lui inspirait n’étaient pas naturels. Et, à cause d’elle, à cause de ce crime qu’il avait commis, il devait mourir. La vapeur du fleuve était glacée. L’eau devenait lente, comme lourde. La barque heurta un objet qui flottait, pirouetta sur elle-même, se cabra, puis reprit son avancée. Awa. La femme de son frère. Olubunmi se roula en boule comme s’il était dans le ventre de sa mère et ferma les yeux, tandis qu’une grande paix tombait sur lui. La barque commença de dériver.

 

— Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé plus tôt ?

Bari Tyéro baissa la tête :

— Je lui avais promis le secret. C’est quand j’ai su que son mariage n’avait pas pu être célébré et que vous étiez tous au désespoir que je me suis décidé…

Mohammed semblait confondu et dit avec incrédulité :

— Ainsi, il serait parti tout seul à Saint-Louis ? Par quel moyen ? Avec quel argent ?

Bari Tyéro baissa plus bas la tête, et Mohammed se retint de l’accabler de reproches. D’ailleurs, Ayisha entrait, portant des calebasses de dèguè, et, par égard, pour elle, les deux hommes qui n’avaient pas le cœur à manger firent honneur à la bouillie. Au bout d’un instant, Mohammed posa sa cuillère et se tourna vers sa femme :

— Veux-tu faire prévenir fa Ahmed Dousika que je viens le voir avec un visiteur ?

Ayisha répondit :

— Fa Ahmed Dousika tient conseil pour savoir comment dédommager les parents d’Awa.

Mohammed balaya l’objection de la main :

— Va, je te dis. Ce que nous avons à lui apprendre est autrement urgent.

Ayisha s’exécuta. Comme elle transmettait l’ordre à un des esclaves, elle vit Fatima arriver en soufflant :

— Viens là, viens là. Tu n’as rien surpris de la conversation de Bari Tyéro et de Mohammed ?

Ayisha eut un geste négatif. Fatima jeta un regard de droite et de gauche avant d’ordonner :

— N’en perds pas un mot. Il paraît qu’il s’agit d’Olubunmi…

— On l’a retrouvé ?

Fatima haussa les épaules. Pensivement, Ayisha reprit le chemin de la case de son mari. Comme bien des membres de la famille, même s’ils ne se l’avouaient pas, Ayisha pensait que la disparition d’Olubunmi était un bon tour de Dieu et que la petite Awa, au lieu de pleurer, aurait dû s’en réjouir.

Sans doute, pris de boisson, s’était-il aventuré trop loin des murailles et avait-il reçu une flèche d’une sentinelle, le prenant pour un espion, ou encore était-il tombé à l’eau en voulant apaiser le feu que l’alcool avait mis dans ses entrailles…

Depuis le moment où il était apparu en beuglant sur la route de Sansanding, Ayisha avait su que cet homme signifiait le malheur. Elle s’assit dans le vestibule de la case de Mohammed. Mais elle n’entendit rien qu’un faible murmure de voix. Puis les deux hommes quittèrent la pièce, leurs visages creusés d’identiques plis de réflexion et de souci. Que se passait-il ?

Toute la matinée, Ayisha se rongea les sangs. De quel deuil, les heures à venir étaient-elles grosses ? Est-ce que Ségou, ses grandes familles, son peuple n’avaient pas assez souffert ? Comme c’était étrange ! Elle avait fini par faire entièrement siens son nouveau cadre de vie et ceux qui le peuplaient ! Tout d’abord elle n’avait éprouvé que mépris pour ces fétichistes, les doigts dans le sable, à tenter de modifier les décisions du destin. Puis ce mépris s’était mué en affection, largement protectrice, comme celle que l’on porte à des enfants naïfs et peureux. Aujourd’hui, elle était de plain-pied avec eux. Paradoxalement, sans rien perdre de sa foi, elle vibrait avec eux quand un nuage écarlate voilait la nuit, quand une bête traversait le sentier, quand un volatile croassait de certaine manière. Car elle avait compris qu’il est d’autres livres que le Coran ou les écrits des Prophètes. La nature est là dont chaque élément est un signe. Toute la matinée, son enfant rua dans son ventre pour attirer son attention :

— Mère, mère, pense à moi qui serai bientôt entre tes bras !

Qu’ils sont doux, ces dialogues muets avec l’enfant à naître ! D’habitude, Ayisha les savourait, y trouvant la consolation de ses rapports avec Mohammed. Mais, ce matin-là, elle ne s’y prêta pas. Un autre enfant prenait forme et vie dans le ventre du destin : le malheur ! Peu avant le milieu du jour, Mohammed revint de la réunion chez fa Ahmed Dousika. Il était seul et lui jeta :

— Fais-moi préparer des vêtements et des provisions de bouche. Je pars en voyage.

Elle le suivit à l’intérieur, tandis qu’il se saisissait de son fusil à deux coups et de ce qui lui permettrait de le graisser. Elle parvint à articuler :

— En voyage, Kokè ?

Il y avait tant d’angoisse et de trouble dans sa voix qu’il en fut ému et, par conséquent, voulut lui donner un témoignage d’estime et de confiance, à défaut d’amour :

— Garde le secret. Nous partons sur les traces d’Olubunmi, qui semble être allé tout seul à Saint-Louis…

— À Saint-Louis ?

Mohammed lança fièrement :

— Chercher des armes ! On s’est tous trompés sur son compte. Il était le plus brave d’entre nous.

À part lui, Mohammed pensait que la conversation qu’il avait eue avec son frère n’était pas étrangère à sa décision de prouver à tous ce dont il était capable. Aussi n’était-il pas loin d’éprouver un sentiment de culpabilité. C’était lui, c’était lui qui l’avait engagé à cette aventure périlleuse.

Ayisha faillit éclater de rire. Olubunmi, brave. Olubunmi parti chercher des armes à Saint-Louis. Seul un naïf comme Mohammed pouvait le croire ! Elle eut assez d’empire sur elle-même pour cacher ses pensées et dit seulement :

— Pense à toi-même ! Ta santé n’est pas bonne. Tu as déjà assez souffert dans ton corps. Ne peux-tu laisser à d’autres le soin de le chercher ?

Ces paroles irritèrent Mohammed, lui rappelant son infirmité à laquelle il ne voulait pas songer. Il s’écria avec colère :

— Fais ce que je te dis ! Ah ! tu voudrais me voir rester assis ici avec les édentés et les femmes, tandis que les miens bravent la mort ?

Ayisha sortit. Dehors, elle dut s’appuyer aux murs de la case pour ne pas tomber. Elle reconnaissait bien là la folie de Mohammed. Cette obstination qui fait les bourreaux et les saints. Il allait partir. Qui sait si son enfant aurait encore un père quand il ouvrirait les yeux ? Tout cela pour une brute, un soulard, un porc ! Que faire ? Son esprit échafauda mille plans, en retint un. Non, il ne fallait pas songer à celui-là. C’était trahir. Trahir quoi ? Trahir qui ? Elle n’avait de devoirs que vis-à-vis de son enfant. Sans plus tarder, elle se précipita hors de la concession.

Certains soutenaient que la Ségou des Toucouleurs surpassait en beauté la Ségou des Diarras. El-Hadj Omar puis Amadou avaient fait venir les célèbres bari de Djenné, et ceux-ci avaient édifié d’énormes constructions surmontées de tours et de cônes, ornées de pilastres. Pourtant, l’animation qui avait fait tout le charme de la capitale fétichiste n’était plus. Plus de chants, plus de battements de tam-tams ou de claquements de mains. Plus de griots attroupés au coin des rues pour guetter le noble et lui réciter sa généalogie. Plus de vierges aux seins nus pareilles à des statues que n’osait frôler le désir. Plus d’enfants libres et heureux se livrant à des jeux débridés. Partout, des écoles coraniques, des silhouettes décemment couvertes et, rompant le silence à intervalles, le lugubre appel des muezzins. Les cabarets où se vendait le dolo étaient fermés par ordre du souverain, et les femmes bambaras en étaient réduites à faire fermenter des fruits pour désaltérer leurs hommes.

Ayisha traversa le marché sans le voir, sans entendre les cris des marchandes :

— N’gomi !

— Kini !

— Sari !

Non, son enfant ne naîtrait pas sans père ? Elle le défendrait ! Devant le palais, un sofa tenait par la bride deux chevaux à la robe d’un blanc immaculé, qui piaffaient dans l’impatience d’être retenus. Une odeur de crottin frais montait d’entre leurs sabots, et des mouches voraces voletaient autour d’eux. Ayisha resserra son voile autour de sa tête et entra à l’intérieur de l’édifice.

 

— Donne-lui l’ordre de ne pas quitter Ségou. Après tout, n’es-tu pas le souverain ?

Amadou cracha les miettes de son cure-dent :

— Je n’ai pas encore reçu la baraka de notre père. Je ne suis qu’un gérant. Lui seul est le maître.

Ayisha se prosterna :

— Aide-moi, pour l’amour de Dieu !

Amadou fut stupéfait. Il connaissait l’orgueil de sa sœur, surtout devant lui, fils d’une Peule de modeste origine, alors qu’elle était une pure Torodo. Fallait-il qu’elle soit malheureuse pour s’humilier pareillement ! Il lui dit doucement :

— Que puis-je faire ? Pas plus tard que la semaine dernière, je lui ai demandé de se charger de ma correspondance et d’habiter dans l’enceinte du palais, il a refusé avec hauteur.

— Alors, invente n’importe quoi ! Mets-le aux fers. Je t’en supplie, retiens-le !

Amadou s’approcha d’Ayisha. Aux mouvements convulsifs de ses épaules emprisonnées dans le tissu bleu sombre, il comprit qu’elle pleurait et, ému au-delà de toute expression, il interrogea :

— Parle. Tu souffres et tu ne m’en donnes pas la raison…

Ayisha releva la tête :

— Il va partir, il va partir. Cela ne lui suffit pas d’être un invalide, un objet de pitié, il veut devenir un cadavre.

Amadou insista :

— Dis-moi tout…

Pendant un instant, Ayisha hésita. Puis la peur de perdre Mohammed fut la plus forte. Amadou l’écouta avec la plus extrême attention. Autour de lui, les conseillers intimes qui assistaient à l’entretien retenaient leur souffle, tandis que le griot Soukoutou, qui n’avait point eu vent de ce qui se tramait, supputait déjà la punition qu’il aurait à encourir. Quand Ayisha se tut, Amadou s’exclama d’une voix haletante :

— Ainsi ils complotent ?

Elle secoua la tête :

— Crois-moi, ce ne sont que rêveries, rêveries de vaincus qui ne s’accoutument pas à leur défaite.

Amadou se leva et s’approcha de la meurtrière par laquelle la pièce prenait jour. Il ne voyait rien que le rouge de sa propre fureur. Race traître et fourbe qui venait lui faire sa soumission, pour mieux endormir sa méfiance. Que disaient les griots ? « Ségou est un jardin où pousse la ruse… » Il dit à sa sœur :

— Rentre chez toi. Ton mari ne quittera pas Ségou !

À peine Ayisha eut-elle disparu qu’il pirouetta sur lui-même et ses yeux lançaient des éclairs :

— Ces gens-là sont fourbes, mais je suis plus fourbe qu’eux ! Ces gens-là sont rusés, mais je suis plus rusé qu’eux. Demain, n’est-ce pas, c’est le jour de la fête du Cauri ? Convoquez-moi tous les chefs des grandes familles bambaras de Ségou en leur annonçant que je vais leur faire distribuer des noix de cola et des cauris. Je veux les voir tous devant moi. Qu’il n’en manque pas un seul !

Comme il achevait de parler, Samba N’Diaye, qui menait l’inspection des fortifications, entra en hâte, suivi d’un messager poudreux et qui venait visiblement de descendre de cheval. Il semblait hors de lui-même :

— Maître, il t’apporte un message de ton père.

L’homme se jeta par terre :

— Que Dieu soit avec toi. Encore un peu, et tu serais orphelin ! Avec l’aide du Cheikh Al-Bekkay de Tombouctou, tout le Macina s’est soulevé contre ton père. El-Hadj Omar – loué soit son nom ! – n’a dû son salut qu’à la loyauté d’un de ses partisans. Il t’ordonne d’être vigilant, car ce complot a peut-être des ramifications dans Ségou…

Amadou lui lança une bourse à demi pleine et lui jeta :

— Tu dis la vérité, je viens d’en avoir la preuve !

Dans la terreur de perdre sa tête, le griot Soukoutou s’était déjà glissé hors de la pièce et dépêchait des émissaires aux quatre coins de Ségou, pour prévenir les chefs des grandes familles que le souverain les mandait pour leur offrir des présents. Connaissant l’avarice d’Amadou, certains flairèrent un piège. Pourtant, pouvait-on désobéir ?

Les messagers du palais entrèrent chez les Traoré et n’y trouvèrent pas le fa Ahmed Dousika. Ce dernier était de ceux qui ne croyaient pas à cette secrète et exaltante mission qu’Olubunmi se serait fixée. Mais voilà que Mohammed parlait de partir sur ses traces, en emmenant avec lui la moitié des hommes de la concession ! Fallait-il le laisser faire ?

Dans l’embarras où il se trouvait, Ahmed Dousika s’était précipité chez Koumaré. Le forgeron féticheur l’accueillit avec une toux caverneuse, puis lui tendit un peu de tabac à priser. Ahmed Dousika prit place à son côté sous l’auvent de paille :

— Est-ce que tu te rappelles ce que tu m’as dit un jour : « Qui est assez fou pour se charger d’une faya par les temps qui courent ? » Je le vérifie à chaque instant. Autrefois, c’était affaire d’honneur. Aujourd’hui, ce ne sont que responsabilités…

Koumaré hocha la tête, sans que l’on puisse savoir s’il approuvait ou désapprouvait ce propos. Ahmed Dousika poursuivit :

— Que dois-je faire ? Laisser partir les hommes de la famille sur les traces d’Olubunmi ? Ah ! celui-là, il ne mérite pas son nom ! Ce ne sont pas les dieux qui nous l’ont donné, mais les mauvais esprits !

Koumaré jeta à son interlocuteur un regard de reproche. Imprudent ! Qui oublait le caractère sacré des liens familiaux ! Certaines paroles ne doivent jamais être prononcées, sinon le sang se venge. Koumaré avait des sujets de perplexité. Quel était ce nuage qu’il voyait s’amasser sur les Traoré ? Pourquoi la colère des ancêtres à leur endroit ne s’apaisait-elle pas ? Il lui faudrait bien quelques jours pour percer ce mystère ! Aussi, il dit à Ahmed Dousika :

— Un danger te menace dont je ne sais encore ni la cause ni l’ampleur. Il faut que je travaille là-dessus cette nuit, et aussi la nuit prochaine. En attendant que j’y voie clair, vous possédez des terres près de Digani, n’est-ce pas ? Sans plus tarder, prends quelques esclaves et va surveiller les travaux qui s’y font.

Ahmed Dousika en resta bouche bée :

— Mais j’y étais au début de la saison…

Koumaré tonna :

— Qu’importe ! Quand feras-tu ce que je te dis sans protester ?

Ahmed Dousika émit une dernière objection :

— Et ceux qui veulent aller rechercher Olubunmi ? Que dois-je leur dire ?

Koumaré haussa les épaules et se leva comme s’il allait ranimer le feu de sa forge. En réalité, il voyait se dessiner les préparatifs d’un tout autre voyage.