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Durement secoué, malade, à demi inconscient, Jonnie luttait pour reprendre le contrôle de son appareil. Il discernait un petit point dans la tourmente.
Mais chaque pensée lui était pénible. S'il coupait le moteur d'équilibrage gauche, le roulement cesserait peut-être. Il essaya. Puis il réalisa brusquement que les mitrailleuses devaient continuer de tirer, écarta les couvertures qui lui masquaient la vue et pressa le bouton d'annulation du tir. C'est alors qu'il vit le drone !
Il tombait droit sur lui, du haut du ciel. Il laissait derrière lui des traînées de flammes et un sillage de fumée.
S'il ne faisait rien, il ne tarderait pas à entrer en collision avec le monstre. Ses mains jouèrent rapidement sur la console et il sentit bondir l'avion.
Le drone passa si près que l'avion tourbillonna sous l'effet du déplacement d'air.
Brusquement, un geyser d'eau surgit dans l'orage. Une colonne torrentielle de plus de cinquante mètre de haut.
Une fois encore, l'avion tournoya sous l'effet de ce nouvel impact.
De l'eau ? songea Jonnie. De l'eau ?
Il ressentit une bouffée de soulagement. Cela signifiait qu'ils n'avaient pas encore atteint l’Ecosse. Ils étaient toujours au-dessus de la mer.
Mais il allait toucher la surface. Et la pression lui interdirait d'ouvrir les portes. l’avion ne flotterait pas.
Son poing s'abattit sur les boutons de déverrouillage des fenêtres. Désespérément, il examina la console. Que pouvait-il encore faire pour arrêter sa chute ?
L’avion s'abîma dans la mer.
Le choc terrifiant le fit basculer dans l'inconscience pendant une seconde, avant que le déferlement de Peau glacée ne le ranime. Une eau mortellement froide, plus froide encore que la glace, et qui se déversait sur lui en un torrent rugissant.
Il se débattit pour se dégager de la lourde ceinture psychlo. Tous ses mouvements lui semblaient à la fois pénibles et lents. Il parvint enfin à défaire sa ceinture.
Autour de lui, tout devenait de plus en plus sombre. l’avion devait couler très vite. Ou bien était-il en train de perdre conscience une nouvelle fois ?...
Le torrent se fit moins violent. Au moins, songea Jonnie, l'avion ne tournoyait plus.
L'énergie afflua soudain dans tout son corps. Il se mit à genoux dans son siège et écarta une couverture qui lui masquait la vue. Puis il prit conscience de la futilité de tout cela : personne ne viendrait à son secours. Et il ne survivrait pas longtemps dans ces eaux glacées.
Obéissant plus à ses réflexes qu'à sa volonté, il s'élança par la fenêtre et commença à remonter vers la surface, soutenu par ses réserves d'air. L'eau s'infiltra dans son masque et lava le sang séché qui s'était aggloméré sur sa visière. Autour de lui, la mer se fit plus claire, d'un vert pâle et lumineux.
Et soudain, la pluie tambourina sur son crâne. La pluie ! Elle était la bienvenue.
Il flottait sur le dos. En tournant la tête de part et d'autre, il découvrit un paysage de vagues furieuses et menaçantes, de flots troués par les rafales de pluie. Un panorama sauvage et hostile.
Le froid s'insinuait jusqu'aux tréfonds de son être.
Il devina qu'il perdait une fois encore la maîtrise de ses sens. Comme les vagues s'abattaient sur lui, il crut entendre une voix. Il se souvint de ce que l'on disait : les hommes, à l'instant de leur fin, entendaient parfois les anges qui les appelaient. Il sut alors qu'il était au seuil de la mort.
Il lui vint d'autres visions. Des images fausses qui étaient suscitées par l’espérance. Tout ce qu'il aurait aimé voir, et non pas ce qui était réel. Pourtant, à travers Peau, une image persistait.
Quelque chose vint frapper son masque. Un filin ?
Ses pensées se firent plus vives. On aurait bien dit Dunneldeen. Dunneldeen suspendu à une échelle souple, à moins de deux mètres de distance ! Tantôt découvert, tantôt submergé par les vagues qui déferlaient.
Jonnie sentit qu'on l'aidait à placer ses bras dans les boucles du filin de sécurité. Il perçut la tension soudaine du halage. Soudain, sa tête n'était plus dans Peau, ses oreilles étaient à l'air libre et il entendait de nouveau. Oui, c'était bien Dunneldeen. C’était réel. Dunneldeen lui souriait entre deux vagues.
- Allez, mon vieux, disait-il. Accroche-toi bien. Ils vont te remonter dans l’avion. Tu ne trouves pas qu'il fait un peu froid pour prendre un bain ?...