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Terl était tout efficience : de vastes plans bouillonnaient sous son crâne caverneux.
Les anciens Chinkos avaient créé une espèce de zoo hors du dôme et, bien qu'ils eussent disparu depuis très longtemps, les cages étaient encore là.
L'une d'elles en particulier convenait parfaitement. Le sol était sale mais il y avait un bassin en ciment et elle était enveloppée dans un filet de câbles épais. Elle avait abrité des ours que les Chinkos avaient prétendu étudier. Les ours étaient morts après quelque temps, mais jamais ils ne s'étaient échappés.
Terl enferma sa prise dans la cage. Elle semblait à peine consciente et ne se remettait que lentement des effets du gaz. Terl regarda autour de lui. Il fallait prendre toutes les précautions et ne pas faire la moindre erreur.
La cage avait un verrou. Mais elle était à ciel ouvert car les ours n'étaient pas censés escalader des barreaux de dix mètres de haut.
Cependant, il n'était pas impossible que ce nouvel animal s'attaque à la porte. C'était improbable, mais le verrou ne valait rien.
Terl avait jeté les sacs à l'intérieur de la cage parce qu'il ne disposait d'aucun autre endroit. La corde qu'il avait confectionnée était posée sur les sacs et il décida qu'il serait plus prudent de ligoter sa prise. Il lui passa donc le lien autour du cou, fit un nœud simple, et noua l'extrémité à un barreau.
Il recula pour tout vérifier du regard. Satisfait, il sortit et referma. Il faudrait qu'il change le verrou de la cage. Pour le moment, il devrait se satisfaire de celui qui était en place.
Il ramena le tank au garage et se rendit à son bureau.
Il n'y avait pas grand-chose à faire. Quelques circulaires, rien d'urgent. Terl expédia rapidement le travail et réfléchit. Quel triste endroit ! Mais il rentrerait bientôt chez lui : il venait de mettre la machine en branle.
Il décida qu'il valait mieux aller s'assurer de l’état de la chose-homme. Il prit son masque, changea la cartouche et traversa les bureaux. Ils étaient plutôt déserts depuis quelques jours. Il n'y avait plus que trois secrétaires psychlos et elles lui accordaient peu d'intérêt.
En arrivant devant la cage, il s'arrêta, et ses os-paupières claquèrent. La chose était près de la porte !
Avec un grognement, il entra dans la cage, souleva la créature et la remit à l'endroit où il l'avait attachée.
Elle avait défait le nœud.
Terl la regarda. Apparemment, la chose-homme était terrifiée. Et pourquoi pas ? Après tout, elle lui arrivait à peine à la ceinture et devait faire le dixième de son poids.
Terl remit le lien autour de son cou. Comme tous les employés de la mine, il avait la pratique des amarres et des câblages et connaissait tous les nœuds. Cette fois-ci, il fit un double nœud qui ne risquait pas d'être défait !
Rasséréné, il alla au garage, prit un tuyau et se mit à arroser le Mark II. Différents plans se formaient dans sa tête. Tous dépendaient de la chose-homme, là-bas dans sa cage.
Cédant à une brusque intuition, il alla jeter un coup d'œil à la cage. La chose s'était encore une fois libérée et se tenait devant la porte !
Terl se précipita à l'intérieur, furieux, ramena la chose-homme au fond de la cage et examina la corde. La créature avait bel et bien défait le double nœud.
Prestement, Terl noua encore une fois la corde autour du cou de la créature et fit un nœud d'amarre.
Elle le regardait en émettant de drôles de sons, comme si elle parlait.
Terl ressortit, verrouilla la porte et se retira. Mais il n'était pas chef de la sécurité pour rien : dissimulé derrière un bâtiment, il trouva un poste d'observation, abaissa la visière de son masque et la régla en longue focale.
Presque instantanément, la chose vint à bout du nœud compliqué !
Terl se rua vers la cage avant qu'elle n'ait atteint la porte, entra, la cueillit d'une patte et la rejeta tout au fond.
Il enroula la corde plusieurs fois autour de son cou et fit un nœud si complexe que seul un vétéran aurait pu en venir à bout.
Il retourna à sa cachette pour observer la créature.
Qu'allait donc faire la chose, maintenant qu'elle se croyait à nouveau seule ? Elle porta la main à une sorte de besace fixée à sa ceinture. Elle en retira quelque chose de brillant et trancha la corde !
Terl retourna au garage et fouilla dans des outils abandonnés et autres rebuts jusqu'à ce qu'il trouve un morceau de flexicâble, une lampe à souder, une cartouche de gaz et une bande de métal.
A son retour, la chose était devant la porte une fois encore et tentait d'escalader les barreaux.
Terl ne laissa rien au hasard. Avec la bande de métal, il fabriqua un collier qu'il souda au cou de l'homme. Puis il souda l'extrémité du flexicâble au collier. Ensuite, il fixa un anneau au bout du flexicâble et l'arrima à un barreau, à neuf mètres au-dessus du sol de la cage.
Il recula. La chose grimaçait, luttant pour arracher de son cou le collier encore brûlant.
Désormais, elle se tiendra tranquille, se dit Terl.
Mais il n'avait pas encore fini. Il retourna à son bureau et régla deux caméras extérieures sur la longueur d'onde de son écran d'observation.
Il retourna à la cage, installa une caméra en haut, braquée vers le sol, et l'autre à quelque distance pour couvrir l'extérieur de la cage.
Maintenant, la chose montrait sa bouche en continuant d'émettre des sons. Qui pouvait savoir ce que cela signifiait ?...
Terl pouvait enfin se détendre.
Ce soir-là, il demeura seul à l'écart dans la salle de récréation, sans répondre à aucune question, buvant tranquillement son kerbango avec une expression satisfaite.