IV
 
MON VERRRE EST VIDÉ

 

Dans un verre de Bohême

Creux comme un ravin,

J’ai versé du vin que j’aime,

J’ai versé du vin.

Mon estomac peu sévère

S’en est inondé.

J’avais du vin plein mon verre.

Mon verre est vidé.

 

Le vin fumeux de la gloire

Tenta mon cerveau,

Et je voulus aussi boire

De ce vin nouveau.

Ce vieux tonneau qu’on révère,

Je l’ai débondé.

En songe, il remplit mon verre.

Mon verre est vidé.

 

L’amour est une piquette

Qui mord le palais.

Or, je m’en suis mis en quête,

Du bouge au palais.

Effeuillant la primevère

Dans ce vin fraudé,

J’ai bu l’amour à plein verre.

Mon verre est vidé.

 

Loin des chants et des vacarmes,

Dans un coin bien clos,

J’ai fait du vin de mes larmes

Et de mes sanglots.

Mis en croix sur un calvaire,

De fief transsudé

J’ai bu sans pâlir un verre.

Mon verre est vidé.

 

Après tant de boissons vaines,

Que boire à présent ?

Reste le sang de mes veines.

C’est du mauvais sang.

N’importe ! je persévère.

De mon cœur ridé

Le sang pleure dans mon verre.

Mon verre est vidé.